« Mon frère est décédé au commissariat de Bagneux à 34 ans. Les causes de sa mort sont inconnues », récite Dicko Diaw, la voix brisée par l’émotion. Dimanche 9 février, pratiquement deux mois jour pour jour après la mort d’Abdoulaye « Baba » Diaw, une centaine de personnes se sont réunies pour participer à une marche blanche en son hommage. Ce trentenaire était connu et apprécié dans son quartier des Paradis, à Fontenay-aux-Roses (Hauts-de-Seine).
En présence d’élus locaux, mais aussi de proches de victimes de violences policières, le cortège, en tenue de deuil, a déambulé jusqu’à la ville de Bagneux. Le cortège n’est pas passé devant le commissariat où Abdoulaye Diaw a perdu la vie, le 10 décembre dernier. « Les autorités nous ont demandé de changer de parcours à quatre reprises », s’est émue Guéda Diaw, l’une des sœurs du défunt, dénonçant « une pression du préfet ».
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Une information judiciaire ouverte
Quelques jours plus tôt, le parquet de Nanterre a annoncé l’ouverture d’une information judiciaire pour rechercher les causes de la mort d’Abdoulaye Diaw. L’autopsie mettant en avant une bronchopneumopathie n’a pas permis « à ce stade de l’enquête d’établir précisément ce qui avait entraîné le décès », a précisé le parquet.
Il avait le visage tuméfié, la bouche en sang
« C’est ce que nous disons depuis le début », a réagi Guéda Diaw. Visage de la famille depuis le décès de son frère. Guéda Diaw est également l’une des dernières personnes à l’avoir vu vivant, lors d’un transfert à l’hôpital d’Antony. « Il avait le visage tuméfié, la bouche en sang. Il ne m’a même pas reconnue. J’ai demandé à la médecin de le garder. Elle m’a répondu qu’il n’y avait pas de place pour lui », rapporte-t-elle. La famille a déposé plainte pour « violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner » contre X, et « homicide involontaire » à l’encontre d’une médecin de l’hôpital privé d’Antony d’après les informations recueillies par le Bondy Blog.
La prise en charge médicale en question
« Au total, il a été vu cinq fois par quatre médecins différents », ont rappelé tout au long de la marche les membres de la famille d’Abdoulaye, surnommé Baba. « Nous ne savons rien des conditions des visites médicales qui se sont déroulées au commissariat », souligne Guéda Diaw qui demande à ce que « vérité soit faite sur le décès de son frère ».
« Nous constatons régulièrement des dysfonctionnements au niveau des visites médicales en garde à vue qui nous paraissent être des violations des droits de l’Homme », décrit de son côté, Nathalie Tehio, avocate et présidente de la Ligue des Droits de l’Homme. « Souvent, ces visites ne durent que deux ou trois minutes, le médecin n’ayant pas obligation d’inscrire son heure de départ du commissariat », ajoute Me Tehio, rappelant que la garde à vue « est une privation de liberté extrêmement stressante ».
Méline Escrihuela