À Villeneuve-la-Garenne, la grande gagnante des Européennes reste l’abstention, 65 % des inscrits ont boudé les urnes le 9 juin. Dans cette ville des Hauts-de-Seine, les 15-29 ans représentent environ 19 % de la population. Et cette jeunesse se sent larguée par les enjeux de la politique.

L’annonce des législatives anticipées et le risque de voir l’extrême droite accéder au pouvoir ont néanmoins créé un électrochoc. Pour relancer le débat, un collectif d’associations s’est réuni pour échanger avec les jeunes des prochaines échéances électorales. Le but : expliquer de façon ludique le fonctionnement de nos institutions.

Sur le pont, on retrouve l’association Belle étoile qui accompagne les lycéens dans leur orientation, la Cité des chances qui vulgarise « la démocratie dans les quartiers populaires » et Droit dans les yeux qui rend le droit accessible aux jeunes.

Une soirée de mobilisation ludique

Il est 18 heures et le soleil tape encore fort sur Villeneuve-la-Garenne. En cette première journée d’été, les habitants sont de sortie. D’un côté, on célèbre la fête de la musique, de l’autre, on s’active dans l’ombre. À une centaine de mètres de la grande scène qui fait face à la mairie, des bénévoles préparent la maison des jeunes, la Fabrik. Ce soir, une soixantaine de jeunes de la ville est invitée pour comprendre le fonctionnement des élections.

18h30. La soirée commence avec un grand rappel général sur le vote. Armés de cartons verts pour une « info », rouge pour une « intox ». Les mains se lèvent, un coup assuré, un coup hésitant. Les jeunes sont testés sur des questions comme l’âge minimal pour voter ou la durée du mandat d’un député. Puis viens un quizz chronométré. Les questions se basent sur celles du jeu précédent. Les adolescents n’ont que quelques secondes pour répondre. Un blindtest sur les punchlines politiques dans le rap clôture l’événement.

Pour Salomé, présidente de Droit dans les yeux, « le droit, c’est chiant à apprendre, les jeux permettent d’apprendre d’une manière ludique et plus efficace. » C’est ce que confirmera un peu plus tard Fatima, lycéenne en terminale : « J’ai beaucoup aimé les jeux, on apprenait des choses. On n’est pas dans un cours à s’ennuyer ». 

Éduquer par l’action collective

« On part du principe que si les gens ne vont pas voter, ce n’est pas parce qu’ils ont la flemme. C’est plutôt, parce qu’ils ne connaissent pas la politique et les enjeux électoraux. Il faut expliquer, ensuite, ils peuvent décider de voter ou pas en conscience », développe Salomé. Un apprentissage qui doit être fait en collaboration avec les citoyennes et citoyennes.

« L’éducation à la citoyenneté doit se faire en étant acteur pour que ça s’incarne dans la vie des gens. C’est comme ça qu’on arrive à capter les jeunes : en parlant leurs langages, en ayant des références qu’ils comprennent. C’est le meilleur moyen de les sensibiliser au vote et à la démocratie », poursuit Ahouefa, directrice générale de Cité des chances.

Rares sont les fois où on m’a demandé de m’exprimer et on m’a fait comprendre que ma parole comptait

Sur le fond, l’objectif du jour est bien rempli. « Par rapport à des ateliers où on avait presque personnes, ce soir, il avait beaucoup de jeunes. S’ils sont là, c’est parce qu’ils réalisent ce qui se passe en ce moment », analyse Yacine, bénévole de la Belle étoile. « Ils avaient des choses à dire sur les propositions des différents candidats. Je pense qu’ils iront se renseigner un peu plus et pour ceux qui peuvent, ils mettront leurs bulletins dans l’urne le 30 juin et le 7 juillet. Cette parole, on ne la libère pas souvent. Rares sont les fois où on m’a demandé de m’exprimer et on m’a fait comprendre que ma parole comptait. »

« On est des enfants comme les autres … »

20h30. C’est la fin des activités. Entre deux parts de pizzas, les jeunes se confient sur leurs visions de la politique. « J’ai l’impression que la jeunesse et surtout la jeunesse populaire n’est pas une priorité pour les politiques. Il n’y a aucun focus sur les jeunes de quartiers populaires. Et quand il y en a, c’est pour les stigmatiser », regrette Ahouefa.

On est très mal vu par la classe politique. Pour eux, les quartiers, c’est juste des cailleras

« On est très mal vu par la classe politique. Pour eux, les quartiers, c’est juste des cailleras. Réveillez-vous, on est des enfants comme les autres », lance Fatima.

Des voix qui comptent

Dans les discussions, l’inquiétude de voir l’extrême droite à la tête du pays est très présente. « J’ai pris conscience de l’importance du vote. Si je n’ai pas voté aux européennes, c’est parce que j’ai été déçu. On a dû choisir entre la peste et le choléra. J’avais un doute sur mon impact puis j’ai vu le RN à 30 %. Ça m’a secoué, ça m’a éclaircie », confie Marwan, un jeune participant.

Pour Yacine et les autres bénévoles, à l’heure du bilan, l’objectif est rempli. « Le message qu’on voulait leur faire passer, c’était vraiment que chaque voix compte. Ce n’est pas parce que parfois, on entend certains discours qui n’encouragent pas à aller voter qu’il faut le faire. La vraie question, ce n’est pas pour qui on va voter ; c’est pourquoi on vote ? »

Thidiane Louisfert  

Articles liés