8h45. Gare de Lyon. Une petite bande de hikers (randonneurs), âgés d’une vingtaine d’années, se sont donnés rendez-vous. Ils ont troqué la précieuse grasse matinée du dimanche contre une excursion en forêt. Et pas n’importe laquelle : celle de Fontainebleau. Au fin fond du 7-7. Dans une cambrousse encore plus éloignée que Melun ! Et pour s’y rendre, c’est un sacré périple.

 9h13. Le transilien est sur le point de fermer ses portes, trois minutes plus tôt que prévu. Pour ces sportifs du dimanche, l’aventure commence sur les quais. Ils courent à toute allure pour se frayer un chemin et réussir à grimper à bord du train qui dessert la gare de Fontainebleau.

10h14. Après plus d’une heure à parcourir la banlieue sud via la ligne R, les voilà arrivés à Fontainebleau-Avon. « Si vous voulez passer aux toilettes, c’est maintenant », recommande Aché, 24 ans, organisatrice de la randonnée. Car si l’on ressent subitement une envie de faire ses besoins en pleine forêt, pas de WC à l’horizon : c’est entre nous et la nature.

10h35. Une fois l’échauffement collectif accompli, la randonnée peut réellement commencer. Les hikers pénètrent dans la célèbre forêt de plus de 25 000 hectares, inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO. Chênes, pommes de pin, chaos rocheux… Pendant environ six heures, ils déambulent en admirant la faune et la flore. « Ces randonnées nous permettent tout simplement de sortir de nos banlieues et de prendre conscience de la beauté de la nature », résume Aché, qui a fondé l’association Our Summit il y a tout juste quatre mois.

Aux origines de Our Summit

Pour comprendre les raisons qui ont poussé cette Sevranaise à se lancer dans ce projet, il faut remonter dans le temps. Nous voilà en juin 2022. Après quatre mois de préparation physique intensive, Aché et sept amies sont en Tanzanie pour gravir le Kilimandjaro. Le plus haut sommet d’Afrique (5 895m). Pour sa toute première expérience en alpinisme, Aché va vivre, pendant huit jours, « un voyage qui a changé (sa) vie ».

« Ce n’est pas seulement le moment où on atteint le sommet qui est inoubliable, mais toute l’aventure en elle-même, précise-t-elle. Durant une expédition comme celle-ci, tu observes des paysages incroyables, tu es déconnecté du monde. Ça te permet de prendre du recul sur plein de choses, de beaucoup réfléchir, de gagner en sagesse et en maturité ».

Cinq mois après son retour en France, cette passionnée de photographie expose à l’espace Voltaire, dans le 11e arrondissement de Paris, les clichés qu’elle a pris lors de l’ascension. En discutant avec les visiteurs, elle réalise que son expérience fait des émules chez ceux qui l’écoute « avec des étoiles dans les yeux ».

L’idée est née : fonder une association pour organiser des expéditions en tous genres dans la nature. Quelques mois plus tard, en février 2023 exactement, l’association Our Summit est créée.

« Démocratiser les sports outdoor en banlieue »

Depuis, Aché organise régulièrement des activités sportives en pleine nature, comme des randonnées en forêt les dimanches ou des expéditions plus longues, comme celle de quatre jours réalisée en mai dans le massif du Vercors. « Avec cette association, j’espère aider à démocratiser les sports outdoor en banlieue », explique-t-elle.

Quand je rentre chez moi après une journée de randonnée, je suis vraiment mort, mais c’est de la bonne fatigue

« J’ai eu un vrai coup de cœur pour la randonnée, alors que je n’en avais jamais fait de ma vie », affirme Mehdi, 22 ans, qui en est à sa quatrième avec Our Summit. « La première fois, je suis venu par curiosité, pour découvrir. Puis, je me suis rendu compte que ça me faisait beaucoup de bien. Quand je rentre chez moi après une journée de randonnée, je suis vraiment mort, mais c’est de la bonne fatigue. Ça me permet de bien commencer ma semaine ».

Pour Rita, 22 ans, elle aussi, c’est une première. « Je ne savais même pas comment m’équiper pour venir aujourd’hui », s’amuse-t-elle. Après six heures de marche et près de 18 km parcourus, le ressenti est plus que positif : « Maintenant, j’ai même envie de découvrir d’autres sports du même style, en pleine nature ».

« Un moment simple, mais essentiel »

« Une randonnée, c’est un moment simple, mais essentiel », décrit Céline, 23 ans, habituée des excursions en nature. « On sort de notre quotidien, on quitte le contexte urbain étouffant dans lequel on vit avec la circulation, les grands bâtiments, etc. pour s’accorder un peu de temps pour nous au contact de la nature ».

« Et ça permet aussi de faire des rencontres, ajoute Mehdi. On ne voit même pas le temps passer puisqu’on discute toute la journée ». La randonnée made by Our Summit, c’est en effet avant tout un moment convivial. Pas de pression sur le rythme de marche, on avance ensemble. Le midi, pause déj’ en forêt : assis en tailleur, posé sur un rocher ou adossé à un arbre, on déguste son casse-dalle en échangeant les uns avec les autres. Et juste après manger, petit jeu de mimes pour souder les troupes.

Durant cette journée, Aché est revenue sur l’excursion dans le Vercors, marquée par l’ascension du sommet de la région, le Grand Veymont (2 341m). Elle en a profité pour distiller de multiples conseils : comment s’équiper, comment s’entraîner… « À l’avenir, j’aimerais pouvoir organiser d’autres excursions de plusieurs jours, et même pourquoi pas réaliser des gros défis sportifs à l’étranger », espère-t-elle.

Il est vrai qu’en banlieue, il existe des sports plus populaires que d’autres. Le foot règne en maître, suivi de près par le basket et les sports de combat. Mais tout est une question de moyens. C’est forcément moins onéreux de taper dans le ballon au city-stade du quartier que de s’entraîner à gravir des montagnes. Surtout au vu des sommes ahurissantes qu’il faut payer pour l’ascension des sommets les plus touristiques – plusieurs dizaines de milliers d’euros pour l’Everest, par exemple.

Les virées de Our Summit restent, elles, gratuites.  De quoi limiter la distance qui éloigne les jeunes de ces sports. D’autant plus que, comme le dit si bien Aché, sourire aux lèvres : « Une fois qu’on se met aux sports outdoor, on en devient vite accroc ».

Ayoub Simour

Crédits photos : Thidiane Louisfert 

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