« Locataires en colère, on ne va pas se laisser faire ! » Sur le parking de l’entrée du conseil d’administration de l’office public de l’habitat (OPH) d’Aubervilliers, en décembre dernier, une trentaine de personnes enchaînent des slogans sous la pluie et le froid hivernal. Les habitants, élus locaux et militants se réunissent pour s’opposer à la hausse de 3,5 % des loyers de l’OPH.

« Cette augmentation est inacceptable, ça représente plus d’une centaine d’euros sur l’année, c’est énorme », lâche un homme d’une cinquantaine d’années avant de brandir sa pancarte et de rejoindre le groupe.

L’augmentation des loyers frappera des locataires précaires

« On prend de l’argent à ceux qui n’en ont pas, c’est une agression. On est déjà obligé de faire des crédits pour s’en sortir », lance avec dépit un autre locataire. Anthony Daguet, conseiller municipal du Parti communiste français explique que cette augmentation élevée provient d’une demande de la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS).

L’État a versé à l’office plusieurs millions d’euros pour l’aider dans son redressement financier et en échange l’OPH s’est engagé à augmenter les loyers dans une qualification donnée.

On est déjà dans une urgence sociale, cette hausse va faire basculer des gens dans la pauvreté

« Cette augmentation c’est le maximum possible, c’est injuste. On est déjà dans une urgence sociale, on parle de la population la plus pauvre de France, cette hausse va faire basculer des gens dans la pauvreté », dénonce Anthony Daguet. Selon lui, Karine Franclet, maire UDI de la ville (Union des démocrates et indépendants) et présidente d’OPH, aurait pu négocier à la baisse ce pourcentage.

Contactée, la mairie n’a pas donné suite à notre demande. « On sait qu’il y a un protocole et des conditions, d’autant plus en pleine crise, mais on aimerait que la présidente propose le minimum de l’augmentation », explique une membre de la confédération syndicale des familles (CSF), également locataire d’un logement social.

« L’augmentation n’est souhaitée par personne, souligne Jean-Baptiste Paturet, directeur général de l’OPH. Le protocole CGLLS a été signé en 2017 (avant l’arrivée de la nouvelle majorité UDI à la mairie, NDRL), le montant de 3,5 % a été négocié à l’époque. À partir de là, la question est d’appliquer les choses qu’on signe. » Au moment de la signature de l’accord, la mairie était dirigée par les communistes.

Pour le directeur, c’est la question de l’augmentation des charges qui est davantage préoccupante. En effet, la hausse nationale du prix des énergies de 15 % risque d’entraîner une importante hausse du montant de ces dernières. « C’est la double peine pour nous », résume une locataire.

« Montez le chauffage, pas le loyer ! »

Dans le grand immeuble qui entoure le rassemblement, les cris de soutien et de protestation se mêlent, des objets sont lancés par les fenêtres. La petite foule continue de clamer son mécontentement. « Montez le chauffage, pas le loyer ! » La colère des habitants est d’autant plus grande que le fonctionnement du chauffage collectif fut tardif.

« C’était affiché partout qu’ils allaient le programmer le 15 octobre, mais on ne l’a que depuis deux semaines chez nous », dénonce la membre de CSF. Jusqu’à ce jour, elle n’avait que 16 degrés dans certaines pièces de son logement. Depuis fin décembre tous les chauffages semblent désormais être fonctionnels, renseigne-t-elle aujourd’hui.

« C’est des passoires thermiques ici !

« Chez moi, il n’a été activé que le 8 novembre, mais le 11 il est tombé en panne pendant quelques jours », se souvient Joëlle, une autre habitante de l’OPH. Elle décrit l’humidité sur les murs et la mauvaise isolation de son appartement. « C’est des passoires thermiques ici ! », confirme Maria sa compagne de lutte qui vit dans le bâtiment à côté. Elle explique que son logement n’est chauffé que depuis fin novembre. « On est laissés pour compte, c’est du dédain pour les gens en HLM. Alors on essaie de faire remonter les problèmes, ça fait deux fois qu’on vient protester. »

Les deux femmes regrettent le manque de communication et de réaction de leur bailleur social. « Ça n’a pas été mis en retard, nuance le directeur de l’OPH. On l’a activé au début de la saison, le 15 octobre. Mais quand vous vous retrouvez avec des éléments tellement cassés et vétustes, c’est extrêmement compliqué pour les faire marcher. »

La problématique de l’isolation des logements a déjà été soulevée par l’Alliance citoyenne. En plus de représenter un coût écologique conséquent, les passoires énergétiques pèsent lourd sur le budget des plus précaires avec des factures de chauffage importantes. Le surcoût du chauffage dans les logements passoires peut se chiffrer à plusieurs centaines d’euros.

La hausse du loyer permettra la réparation des chaudières, selon la mairie

Dans une lettre adressée aux locataires de l’OPH, la maire Karine Franclet insiste sur le fait que l’aide versée par la CGLLS en échange de l’augmentation des loyers permettra d’engager la réhabilitation des logements comme la réparation des chaudières.

Fin novembre, Bastien Lachaud, député La France insoumise de la circonscription, a interpellé le ministre du logement, Olivier Klein sur l’urgence sociale que vivent ces locataires. « Il a affirmé qu’il ne connaissait aucun bailleur social en Seine-Saint-Denis qui ne chauffe pas les logements. Pourtant, certains logements ne l’étaient pas du tout, les familles ont eu froid, des bébés ont attrapé la bronchiolite. »

On parle de gens qui sont déjà à quelques euros près à la fin du mois 

Pour l’élu, la politique de Macron et celle menée par la maire de la ville sont antisociales et posent un double problème. « Ça rajoute de la misère à la misère, on fait payer les pauvres. On parle de gens qui sont déjà à quelques euros près à la fin du mois. Ça serait intenable comme augmentation. » Selon l’Observatoire des inégalités, la ville d’Aubervilliers fait partie des plus pauvres de France, près d’un habitant sur deux vit sous le seuil de pauvreté.

« Nous sommes venus demander de renégocier la hausse des loyers au moins pour les familles plus modestes, et demander de la transparence pour les charges provisionnelles », résumait dans un bref discours Anna Agueb-Porterie, directrice d’Alliance citoyenne en Seine-Saint-Denis. Malgré ces mobilisations régulières, l’augmentation devrait être effective dès la fin du mois de janvier.

Lisa Noyal

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