A l’appel du collectif « Touche pas à ma ZEP », élèves et professeurs d’une trentaine de lycées de ZEP d’Île-de-France se sont une nouvelle fois rassemblés ce mardi devant le ministère de l’Éducation nationale pour défendre l’enseignement prioritaire. Reportage.

« Vive la ZEP ! « . Ce cri du cœur lancé rue de Grenelle, dans le cossu 7ème arrondissement, est celui des 500 professeurs et lycéens qui ont manifesté au sujet de la réforme de l’éducation prioritaire du ministère de l’Éducation nationale. Les enseignants défilant craignent de voir les lycées sortir périmètre « Zone d’éducation prioritaire ». Comme lors de la manifestation du jeudi 29 septembre, où les participants étaient moins nombreux, ils se sont retrouvés bloqués par des cars de CRS à proximité de leur ministère de tutelle, et ont demandé, en vain, qu’une délégation rencontre Najat Vallaud-Belkacem ou son cabinet ministériel. « La mobilisation a été plus importante que la dernière fois car il y a plus de lycées concernés », estime Mathieu Moreau, enseignant à Saint-Ouen-l’Aumône (95) et syndiqué CGT.

Dans le cortège, les manifestants avancent au cri de « c’est qui les menteurs? C’est eux les menteurs ! Ceux qui cassent l’éducation prioritaire« . Sur une des banderoles, les enseignants du lycée Jaurès d’Argenteuil ont remplacé le T d’Argenteuil par un D pour indiquer qu’ils sont en deuil de l’éducation prioritaire.

Demande d’une liste des lycées qui resteront REP

Vendredi 30 septembre, au lendemain de leur première mobilisation, le ministère de l’Education nationale s’était fendu d’un communiqué indiquant que les « inquiétudes étaient infondées ». Comme pour les écoles et les collèges qui sortiront du réseau d’éducation prioritaire, une clause de sauvegarde d’une durée de trois ans concernera également les lycées, souligne le ministère.  Une rallonge de deux années supplémentaires sera accordée aux lycées ZEP en attendant la révision  de la carte de l’éducation prioritaire, indique le ministère. Ceci ne convainc pas du tout les enseignants des lycées ZEP qui ont manifesté ce mardi. « Il n’y a aucune garantie sur l’avenir des lycées dans le réseau d’éducation prioritaire (REP). Rien n’est écrit noir sur blanc » affirme Alexandre Marès, professeur au lycée Jean Jaurès d’Argenteuil (95) .« Ils retardent l’échéance de deux ans » renchérit-il. Lui, comme d’autres, demandent une « réponse claire » de la part du ministère, comme la constitution d’une liste des lycées classés REP, à l’instar de ce qui s’est fait pour les écoles et collèges.

Ce qui irrite plusieurs manifestants, c’est la fin de la réponse du communiqué du ministère qui s’achève sur la question des primes maintenues. « Ils ont répondu à côté », juge David Pijoan, enseignant au lycée Guy de Maupassant de Colombes (92). « La sauvegarde de la prime ne nous suffit pas. L’éducation prioritaire ce n’est pas seulement ça », juge un collègue. « Il n’y a pas eu de réponse à la première manifestation« , peste Ali Bouasse, professeur d’électrotechnique au lycée de la Tourelle à Sarcelles (95). Ce dernier en profite pour adresser un message à la ministre. « Mme la ministre je vous invite dans ma classe à Sarcelles. Il faut que vous voyiez ce qu’est l’Éducation Prioritaire aujourd’hui ».

Dreux et Marseille mobilisés

Parmi ces lycées mobilisés, citons les lycées Jean-Pierre Timbaud d’Aubervilliers, Arthur Rimbaud de La Courneuve, tous deux situés en Seine-Saint-Denis. Seuls manifestants venus de province : une délégation du lycée Édouard Branly de Dreux (28). « Ce lycée  a vu une amélioration de ses résultats depuis sa classification en ZEP », avance Elsa Lehaut, professeure de sciences économiques et sociales à Édouard Branly. « On veut montrer qu’il s’agit d’un mouvement d’ensemble, qu’on existe, que ce n’est pas seulement à Paris car des journalistes ont repris l’idée que c’était un mouvement purement parisien« , souligne Xavier Chesneau, professeur de mathématiques à Édouard Branly. Entre 60% et 75% des professeurs de cet établissement se sont mobilisés selon la délégation. « Ce n’est pas un lycée qui est connu pour des mobilisations importantes. Mais là, pour le coup, on sent que c’est un sujet qui touche les professeurs, les élèves et les parents d’élèves », enchérit Elsa Lehaut. A Marseille, des enseignants du lycées Victor Hugo se sont également mobilisés et mis en grève.

Inquiétudes sur les moyens

Derrière la question du maintien en réseau d’éducation prioritaire, c’est la question des moyens alloués à l’avenir à ces lycées qui revient sans cesse. Une des craintes exprimées par certains manifestants : le risque de voir certaines options disparaitre de lycées qui sortiraient du périmètre de l’éducation prioritaire. « Les élèves ont encore accès à des langues comme l’italien, le chinois, etc. Si l’éducation prioritaire est supprimée pour les lycées, on n’aura plus les moyens de proposer cette offre-là », projette Monia Hadj-Ahmed, enseignante en SES à Épinay-sous-Sénart (91). Cette perte de statut entraînerait des difficultés pour les lycées à pouvoir se dynamiser, à attirer d’autres élèves mais aussi pour les lycéens à pouvoir accéder à des formations supérieures. Certains lycées ZEP ont passé des conventions avec Sciences-Po pour permettre aux élèves d’accéder à cette grande école. « Qu’adviendra-t-il de cela ? », se demandent Elsa Lehaut et son collègue Michele Bellotti, professeur d’italien. « On a eu l’habitude d’emmener des élèves en Suède, en Italie, en Espagne en voyages scolaires », soulignent-ils.

Resserrer les effectifs

Parmi les propositions qui tiennent à cœur aux manifestants, la réduction des effectifs dans les classes des lycées ZEP « plafonnés entre 20 et 30 ». « On voudrait multiplier les dispositifs d’accompagnement des élèves, le tutorat, l’accompagnement personnalisé », avance Monia Hadj-Ahmed d’Épinay-sous-Sénart.

Le mouvement aura-t-il une suite? D’autres actions seraient à prévoir dans les prochains jours, du moins après une assemblée générale prévue ce mercredi 12 octobre à la Bourse du Travail de Paris.

Jonathan BAUDOIN

Crédit photo : Sarah ICHOU

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