« Une assistante sociale, des infirmières à temps plein, un bon bâti scolaire qui permettrait l’accessibilité aux personnes handicapées et une isolation thermique… » Blandine Paulet, co-secrétaire Snes-FSU 93 énumère les améliorations qu’apporterait un plan d’urgence dans la cité scolaire REP de Bondy où elle enseigne.

L’intersyndicale des enseignants de Seine-Saint-Denis, ainsi que quatre représentants nationaux, rencontrent la ministre de l’Éducation nationale ce lundi 15 avril. Depuis plusieurs mois, ils réclament un plan d’urgence pour l’éducation dans le département le plus pauvre de France métropolitaine et multiplient les actions. Un plan chiffré à 358 millions d’euros pour les seuls moyens horaires et humains.

Les professeurs ont préalablement été reçus, le 10 avril, à Matignon par deux conseillers du Premier ministre, Gabriel Attal. « En mars, la conseillère sociale de la ministre de l’Éducation nous disait que le budget était à Matignon. » Les conseillers du Premier ministre ont assuré aux enseignants que Nicole Belloubet ferait des annonces prochainement.

À ce stade, l’intersyndicale se réjouit au moins d’avoir affaire à la ministre en personne. « Parfois, on a l’impression que le gouvernement joue la montre avec nous, en espérant que la grogne passe », estime Zoé Butzbach. « Mais on a un mouvement social d’ampleur, avec des professeurs, des parents et même des élus. Donc, on attend de les voir sortir le carnet de chèques. »

« Sur la période passée, de mars-avril, c’était entre 500 et 600 classes sans remplacement, chaque jour »

Au sommet des nombreuses préoccupations : les non-remplacements d’enseignants. « Avant, on estimait que les élèves de Seine-Saint-Denis perdaient un an de cours. On est passés à 14 ou 18 mois », déplore Zoé Butzbach. Pour Marie-Hélène Plard, co-secrétaire SNUipp-FSU 93, le problème est connu. « De l’aveu même de la direction académique, sur la période passée de mars-avril, c’était entre 500 et 600 classes sans remplacement, chaque jour », rapporte-t-elle.

Dans l’établissement REP+ de Zoé Butzbach, à Aubervilliers, une assistante sociale est partie en congé maternité il y a six mois. Elle n’a pas été remplacée depuis. Le nombre d’élèves boursiers du collège a chuté par rapport à l’année précédente. « Pas parce qu’il y aurait moins d’élèves éligibles à la bourse », prévient la co-secrétaire générale CGT Éduc’action 93, professeure d’histoire-géographie. « Il n’y a juste personne pour aider à faire les demandes. » Un rapport parlementaire rappelle que les collégiens de Seine-Saint-Denis ont l’indice de position sociale le plus faible de France métropolitaine.

« Sans assistante sociale, il y a moins de boursiers. Parce qu’il n’y a personne pour faire les demandes »

Au-delà des moyens humains, il sera également question du bâti, pour lequel un deuxième collectif budgétaire est nécessaire, selon les syndicats. Le bâti relève de la compétence des mairies pour les écoles, du département pour les collèges et de la région pour les lycées. L’intersyndicale sollicite une aide exceptionnelle de l’État, déplorant de nombreux locaux insalubres, comme c’est le cas à l’école maternelle Opaline, à Saint-Denis

« Il y a une fuite d’eau au niveau du toit qui donne dans la salle de sieste de petite section », dénonce Zoé Butzbach. « On ne sait pas ce qu’il y a dans cette eau parce qu’elle est noire. L’humidité dans les écoles est la deuxième source d’asthme précoce, après la colle pour les meubles », complète-t-elle.

« On a des classes surchargées qui ne sont pas adaptées pour accueillir plus de 35 élèves. Les locaux sont trop petits ou mal isolés, et mon établissement accueille plus d’élèves chaque année », affirme Jacques Demattes, de SUD Éducation 93, professeur documentaliste au lycée Condorcet à Montreuil. « Et les bâtiments ne sont pas isolés. »

Le président du conseil départemental de Seine-Saint-Denis rappelait à ce titre que l’État investit moins dans les établissements du département qu’ailleurs. « L’État ne compense nos investissements dans le bâti des collèges qu’à hauteur de 8,8 %, bien en deçà de la moyenne nationale qui est de 15 % », indiquait Stéphane Troussel.

« Dans l’Hexagone, la Seine-Saint-Denis est le département le plus jeune, donc il faut plus d’écoles. Mais c’est aussi le plus pauvre, donc il y a moins de rentrées d’argent », résume Zoé Butzbach. C’est la raison pour laquelle une intervention de l’État est indispensable selon elle. L’objectif est d’obtenir l’égalité avec les autres départements, martèlent en chœur les membres de l’intersyndicale. Pas un traitement de faveur.

« Il y a eu un plan d’un milliard à Marseille, la plus pauvre des six plus grandes villes de France. Il y a eu un plan pour Mayotte, département le plus pauvre de France », rappelle Zoé Butzbach. « On demande la même chose pour la Seine-Saint-Denis, département le plus pauvre de l’Hexagone. » Si cette première réunion avec la ministre représente une victoire, elle ne suffira pas à mettre un terme à la mobilisation. La grève pour la rentrée du 22 avril a déjà été votée en assemblée générale.

Hadrien Akanati-Urbanet

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