Depuis près de trois mois, des élèves du lycée Auguste Blanqui de Saint-Ouen (93) sont sans domicile. Ce mercredi 1er février, leurs camarades se sont une nouvelle fois mobilisés devant l’hôtel de ville. Ils en appellent aux pouvoirs publics pour trouver une solution de logement pérenne à ces lycéens et leur famille. Reportage.

DzaDzaF« Lycéens à la rue, on n’est pas d’accord. Qu’est-ce qu’on veut ? Des logements pour tous« . Ce mercredi 1er février, une quarantaine d’élèves du lycée Auguste Blanqui, de Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis), sont venus crier leur colère en manifestant devant la mairie de la ville en soutien à leurs camarades sans-abri. Depuis novembre, sept lycéens de l’établissement –cinq jeunes filles et deux garçons- sont dans une situation de grande précarité.

Trois mois que la situation de ces enfants dure. Trois mois qu’ils sont baladés d’hébergement d’urgence en hébergement d’urgence avec leurs familles. Trois mois que les pouvoirs publics n’arrivent pas à trouver une solution à ces lycéens qui pour certains doivent réviser leur baccalauréat dans des conditions indignes de notre République.

Cinq d’entre eux sont hébergés dans des hôtels sociaux d’urgence, via le 115. Les deux autres, deux soeurs, vivent, elles, avec leur maman, dans un appartement loué par les enseignants jusqu’au 21 février.

Il y a deux mois, le Bondy Blog avait rencontré Marie* qui nous avait raconté le quotidien de ces élèves sans domicile. Elle confiait notamment avoir passé neuf nuits d’affilée dehors « dans des parkings, des halls, sous les abribus ». « C’était impossible de dormir. Il faisait beaucoup trop froid et surtout, je veillais sur ma mère gravement malade et sur ma sœur qui souffre de crises d’épilepsie« , nous racontait-elle avec force et dignité.

« Nous n’avons pas de solution concrète. Ça ressemble à une impasse. On a l’impression que les différentes administrations se renvoient la balle »

AEZzLe rassemblement de ce mercredi n’est pas une première mais il a été organisé cette fois-ci par les élèves du lycée Auguste Blanqui répondant à l’appel du syndicat lycéen la Fidl. Le 12 janvier dernier, une première manifestation devant l’hôtel de ville de Saint-Ouen avait eu lieu à l’initiative des professeurs qui ont monté un comité de coordination d’aide aux élèves.

Depuis, enseignants et lycéens estiment qu’il y a eu peu d’avancées concrètes et en appellent une nouvelle fois à la responsabilité des pouvoirs publics. La mairie a été alertée. Une question a même été posée au conseil municipal du 30 janvier dernier. « Pour l’instant, nous n’avons pas de solution concrète, pas de réponse précise de la part de autorités. Ça ressemble fort à une impasse« , déplore Thierry Baudon, professeur de français au lycée Auguste Blanqui. Et d’ajouter : « On a l’impression que les différentes administrations se renvoient la balle« .

Une voire deux heures de trajet pour venir au lycée

La plupart de ces lycéens sans domicile dorment, avec leurs parents, dans des hôtels sociaux de la région parisienne, à Sarcelles ou Goussainville notamment ce qui occasionne une ou deux heures de trajet pour se rendre au lycée. « Nous réclamons un logement pérenne pour tous ces élèves et leur famille. Nous réclamons un logement qu’ils ne sont pas obligés de quitter au bout d’une semaine, où il n’y aura pas de puces et où il y aura une cuisine, par exemple. Un endroit où ils pourront étudier tranquillement sans avoir à se préoccuper de devoir rappeler régulièrement le Samu social et sans avoir à faire deux heures de trajet pour venir au lycée« , indique Alice Mauricette, professeure d’espagnol au lycée Auguste Blanqui.

« J’ai raté beaucoup de contrôles car à cause du froid, je n’arrivais pas à dormir dans la rue »

Car cette situation de grande précarité a aussi des répercussions sur la scolarité de ces lycéens, une grande majorité d’entre eux sont en classe de Terminale. « C’est bientôt le bac et ces élèves ont de mauvaises conditions de travail. Une des mes amis est dans cette situation : il lui arrivait de venir en cours sans ses affaires, sans ses cahiers. Elle ne pouvait pas étudier et ça s’est ressenti dans ses notes. Mais elle est très courageuse, elle est toujours présente en cours, elle vient toujours à l’heure« , souligne Josiane, 17 ans, élève de Terminale au lycée Auguste Blanqui.

« Parfois, je n’arrivais pas à faire mes devoirs ou à réviser. J’ai raté beaucoup de contrôles car à cause du froid, je n’arrivais pas à dormir dans la rue. La nuit était interminable. Il m’arrivait de rester éveillée toute la nuit et le matin, je n’avais plus de force« , explique Marie. La jeune lycéenne tient à mettre en avant la solidarité de ses amis et de ses professeurs qui lui ont offert leur aide pour rattraper ses cours. « Avec cette mobilisation, je me dit que je ne suis pas toute seule. Ça me permet de rester positive tous les jours et de me dire que s’ils sont toujours aussi motivés pour me soutenir, je n’ai aucune raison de lâcher« , affirme la jeune fille. Ses camarades l’assurent, ils poursuivront la mobilisation tant qu’un logement pérenne n’aura pas été trouvé pour ces lycéens et leur famille qui vivent dans l’incertitude. « Je suis hébergée, avec ma sœur et ma mère, dans un appartement jusqu’au 21 février, après je ne sais pas ce qu’il va se passer. Le 115 nous a contactées pour nous proposer une chambre d’hôtel à durée indéterminée mais ça reste compliqué. Le mois vient tout juste de débuter et je commence à me poser des questions, à me demander ce qui va arriver après le 21 février« , confie Marie.

Kozi PASTAKIA

Crédit photo : Amaury LIGNON

* Le prénom a été modifié.

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