Elèves et professeurs d’Auguste Blanqui se sont marchés sur les pieds. Hier, aux abords de cet établissement de Saint-Ouen, les premiers ont organisé un « blocage », empêchant toute personne de passer les grilles du lycée. Les seconds avaient prévu au contraire une occupation des lieux, incluant des parents d’élèves. « Résultat, on avait un peu l’air con », explique Michel Benoît, professeur de philosophie.

Auguste Blanqui n’en reste pas moins opposé comme un seul homme aux réformes et restrictions budgétaires du ministre de l’Education nationale, Xavier Darcos. Pêle-mêle : 80 000 suppressions de postes (enseignants et personnels administratifs) d’ici à 2012 ; un système d’orientation optionnelle en seconde jugé trop précoce par ses détracteurs ; retour aux « bonnes vieilles méthodes » d’enseignement dans le primaire…

Voulant éviter un scénario « à la grecque », le gouvernement, par la voix du ministre, a annoncé hier un report d’un an de la réforme du lycée. « On reste mobilisés, assure Kevin, un lycéen. Demain (aujourd’hui), on ira manifester à Paris. Rendez-vous est donné place de La Bastille. J’espère qu’on marchera dans la rue, avec ce froid. »

Le lycée Auguste Blanqui, 1000 élèves, est classé en Zone d’éducation prioritaire. Il prépare pour moitié au bac général, pour l’autre, au bac professionnel. Cet établissement fait partie, avec quelques-uns en banlieue parisienne, d’un programme d’accès facilité à de grandes écoles, dont le fameux Sciences-Po Paris. « Nous y envoyons trois à cinq bacheliers par an, affirme Vincent Varenne, professeur de mathématiques. Mais les conditions d’enseignement, ici, se dégradent. Douze postes de profs ont déjà été supprimés et le nombre de CPE (conseillers principaux d’éducation, ex-surveillants généraux) est passé de 5 à 4 et demi. »

Michel Benoît, affilié à SUD, l’un des syndicats les plus engagés dans les luttes sociales, soupçonne Xavier Darcos de ne pas croire lui-même à sa reforme du lycée. « Pour lui, c’est un moyen d’enrober les 80 000 suppressions de postes », soutient-il. Le prof de philo et son collègue de maths portent un regard plutôt désabusé sur l’après-lycée. « Ici, le taux de bacheliers est d’environ 70%. Moins de 70%, c’est illégal », ironise Vincent Varenne. « Le système repose sur les grandes écoles et non pas sur les universités, se désole l’enseignant. Cela explique qu’un grand nombre d’étudiants s’inscrivent à l’ANPE dans les deux ou trois ans après leur entrée en fac. »

Il est 16 heures, les élèves ont levé le camp. Réunis dans la salle des profs, une vingtaine d’enseignants sur les 80 du lycée, imaginent la suite à donner au mouvement. Des parents sont attendus dans la soirée. A l’intérieur de son bureau, Madame le proviseur, Aïcha Amgar, est comme le fer entre le marteau de la contestation et l’enclume de sa hiérarchie. Sa mission : trouver les mots pour faire cesser la grogne. En poste à Auguste Blanqui depuis la rentrée de septembre, elle dirigeait auparavant un lycée à Aulnay-sous-Bois. Elle a eu à gérer les émeutes de 2005 et l’insurrection anti-CPE de 2006. Pas de panique, donc…

Antoine Menusier

Antoine Menusier

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