Vendredi dernier, les lycéens ont défilé pour le deuxième jour consécutif en soutien à Leonarda et Khatchik, lycéens étrangers expulsés brutalement. Un mouvement spontané qui promet de rester mobilisé. Reportage.

Leonarda et Khatchik. Deux noms qui, depuis mercredi 16 octobre, symbolisent le mouvement d’indignation qui a saisi toute une tranche de la population française. La première est kosovare (et non italienne puisque dans ce pays, le droit du sol n’existe pas), le second arménien. Il y a encore un mois, c’étaient deux lycéens parisiens parmi tant d’autres. Depuis jeudi dernier, de nombreux établissements sont bloqués et des manifestations ont lieu dans la capitale pour soutenir ces étudiants étrangers. Vendredi, une manifestation de près de 4 000 personnes reliait Bastille à Nation. A 16 heures, une centaine de manifestants, pour la plupart lycéens, étaient encore présents pour défendre les droits de Leonarda et Khatchik.

« On dit que les Roms ne veulent pas s’intégrer mais on expulse ceux qui vont à l’école » s’indigne cette élève de 1e ES au lycée Pablo Picasso de Fontenay-Sous-Bois. Elle espère que ce mouvement permettra à Leonarda et à Khatchik de revenir étudier en France. « Qu’on foute la paix à ceux qui ne posent pas de problème », s’enflamme-t-elle. La jeune fille se trouve dans un groupe d’une quarantaine de lycéens qui se sont assis sur la route, place de la Nation, pour manifester leur mécontentement. Un cordon de policier aux brassards oranges assure la sécurité mais semble prendre un malin plaisir à chahuter et à prendre de haut les manifestants qui ne laissent pourtant apparaître aucune forme d’animosité.

Un groupe discute sur le côté. « Dès que j’ai entendu parler de l’affaire je me suis mobilisée à fond », explique Mona. Sa copine Leila confirme, « on souhaite que Manuel Valls nous entende. Ce n’est pas normal d’expulser des jeunes qui vont à l’école. Etudier est un droit. » Quelques slogans sont scandés, « Qu’est-ce qu’on veut ? Des papiers pour tous ! »

Manuel Valls vivement critiqué

Sur les pancartes et les blousons des jeunes, des étiquettes Front de gauche sont collées. Pas d’hommes politiques en vue, seul Mélenchon a pointé le bout de son nez en début d’après-midi, et pourtant les pressions et tentatives de récupération semblent bien réelles. « Les partis politiques se sont servis de notre mouvement », confirme Leila. D’ailleurs, les lycéens dénoncent le fait que, profitant du mouvement de foule, de nombreux militants collent des stickers « Parti de gauche » sur leurs blousons « alors qu’on n’est pas venu ici pour faire de la politique ! » Mais les jeunes ont su malgré tout résister. Prévue à 13 heures par les syndicats, les étudiants sont partis plus tôt de Bastille pour prouver leur indépendance.
Tous sont réunis depuis deux jours car choqués par la réaction du Ministère de l’intérieur. L’interpellation dans un bus scolaire de Leonarda a ému une grande partie de la population et de la classe politique. « C’est pas normal qu’on soit sous un gouvernement de gauche et que tout se passe comme si nous étions dirigés par la droite », grogne Zakaria, élève de seconde. Quelques inconditionnels de la droite n’ont d’ailleurs pas hésité à défendre le ministre.

« On sent que ça peut partir vite »

Une réflexion que les jeunes ne sont pas les seuls à se faire. De nombreux militants et membres d’organismes de Droits de l’Homme sont aussi présents pour soutenir le mouvement des lycéens. Parmi eux, Lunès, une militante féministe. « Ça donne la patate de voir ces jeunes qui se bougent. Je pense que c’est un mouvement qui ira loin », s’enthousiasme-t-elle. Marc aussi est satisfait de cette mobilisation. « Ça va mettre une grosse pression sur le gouvernement. Ce matin, j’étais au lycée Victor Hugo il y a eu quelques échauffourées. On sent que ça peut vite partir », témoigne-t-il. En effet, les policiers sont sur le qui-vive. Alors que le petit groupe se lève, la tension monte. Le cordon se resserre, des coups de pieds et des coups de coudes partent des deux côtés. Des cris de jeunes filles se font entendre tandis que les policiers, impassibles, continuent de les bousculer sur le trottoir. Certains portent même des gilets pare-balle, des Taser et une vingtaine de camions de police sont présents, place de la Nation, pour faire face à une centaine d’adolescents de 15 ou 16 ans.

Etat d’alerte que les lycéens digèrent mal : « nous sommes venus dans un but pacifiste et on nous répond à base de coups de pied, de coups de poing…. », s’indigne une fille venant d’un lycée du 4e arrondissement. « Nous, on n’est pas des casseurs, on sait pourquoi on est ici ! » s’exclame-t-elle. Depuis samedi dernier, les lycéens sont en vacances. Une pause qui risque de mettre fin à ce mouvement naissant. Cependant, quelques élèves de Bagneux affirment que les vacances scolaires ne mettront pas un point final à leur mouvement d’indignation : « Si on n’était pas motivé, on aurait pas commencé le blocus de notre lycée à 6 heures ce matin ! On recommence dès demain 14 heures à Bastille ! », crie l’un d’entre eux.

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Charlotte Cosset et Tom Lanneau

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