En pleine canicule, dans les salles de classe surchauffées, les thermomètres s’affolent. Les candidats aux examens et aux concours en pâtissent : maux de tête, difficulté de concentration voire malaises. Professeurs et élèves s’organisent comme ils peuvent. Témoignages.  

« Dans 20 ans, ça fera peut-être partie des programmes d’éco, d’histoire, les conséquences économiques de la canicule de 2017″,  s’amuse Ilan Hamache, lycéen à Drancy (Seine-Saint-Denis). L’élève de seconde générale au lycée Delacroix profite de ses premiers jours de vacances alors que ses amis passent le bac. « Je les plains ! Il fait trop chaud pour passer un examen comme le bac. J’arrive à peine à me concentrer pour jouer à la play…« , nargue-t-il.

« Les portes sont ouvertes mais les fenêtres, sécurisées « anti-suicide », n’ouvrent que d’un quart ! Impossible d’espérer le moindre courant d’air ! »

Il le sait, les températures caniculaires de ces dernières jours ont fini d’achever celles et ceux qui sont coincés entre les murs des salles surchauffées. « Quand on prépare son bac, on anticipe plein de choses, mais pas forcément les galères de météo ». Mehdi est élève de Terminale STMG à Bondy, en Seine-Saint-Denis. Et son constat est sans appel. « Entre les sujets qui fuitent, les épreuves reportées et la canicule, je crois que c’est l’année du bac la plus chaotique de l’histoire de ce pays. On sait que la canicule touche tout le monde, que tout le monde en souffre mais passer son bac dans ces conditions c’est particulier… Les salles d’examen ressemblent à des saunas ! Certains élèves font le Ramadan. Les professeurs livrent des bouteilles d’eau heureusement mais on manque d’air. Les portes sont ouvertes mais dans ma salle, les fenêtres sont sécurisées avec un système « anti-suicide ». Du coup, elles ne s’ouvrent que d’un quart. Impossible donc d’espérer le moindre courant d’air ! »

Les épreuves durent deux, trois, quatre, parfois cinq heures. « C’est intenable physiquement. En vrai, on est tenté de finir le plus vite possible pour rentrer à la maison et prendre une douche froide. Ensuite, la conscience nous rattrape, on ne peut pas bâcler le bac« , poursuit Mehdi. D’après lui, les épreuves matinales ne sont pas plus agréables, « sachant qu’il fait 28°C la nuit, le matin à 8-9h il fait déjà super chaud ».

« C’est un miracle qu’il n’y ait pas eu de problème grave »

Sylvain* enseigne à Clichy-sous-Bois, au lycée Alfred Nobel. Cette semaine, il a surveillé des épreuves de langues à des élèves de Terminale. « Il faisait une chaleur suffocante dans les salles. L’établissement a distribué une petite bouteille d’eau et un petit carton en guise d’éventail à chaque lycéen mais c’était bien insuffisant. Les élèves se plaignaient de maux de tête, la salle surchauffait. On voyait bien qu’ils avaient du mal à se concentrer. Il faisait 33 degrés dans la pièce selon mes collègues. L’épreuve a duré deux heures, mais ils avaient déjà planché pendant quatre heures le matin. Il faut avoir une sacrée résistance pour se concentrer dans ces conditions ». Le lycée donne sur une route départementale très bruyante ce qui n’aide pas quand les fenêtres sont grandes ouvertes en pleine canicule : »On entendait les camions, les voitures, la musique, bref la totale ! C’est un miracle qu’il n’y ait pas eu de problème grave ».

Paul*, lui, passait son CAPES d’histoire-géographie à Châlon-en-Champagne, dans la Marne. Trois jours d’oraux. « Nous étions 1 450 candidats. Les épreuves s’étendaient, en moyenne, cinq heures. On nous avait bien donné des bouteilles d’eau mais c’était insuffisant. Les professeurs, eux, avaient des ventilateurs pour trois, nous non, on cuisait comme des cocottes-minute, surtout qu’on était en habillé costume chemise pour les hommes, tailleurs pour les femmes. Un des membres du jury a même fait un petit malaise ». Un autre candidat fustige « la très forte chaleur dans les locaux et une atmosphère étouffante ». Un autre rapporte « le malaise d’une candidate ». « Il faisait très chaud dans les salles de préparation et dans les salles de passage., poursuit-il. Nous avions des bouteilles mises à disposition. On nous indiquait d’ailleurs qu’il fallait qu’on s’hydrate beaucoup. Mais ce ne sont pas des bonnes conditions pour passer un concours comme celui-là ».

« J’ai retiré ma fille de son collège. On refuse aux enfants de boire dans les classes et aux filles de se mettre en short ! »

Dans les établissements scolaires, chacun y va alors de sa petite technique. Glory Ojenima passe son bac ES au lycéen Jean Renoir de Bondy. « J’amène une ou deux bouteilles d’eau glacées, je les laisse fondre au fur et à mesure de l’épreuve, ça aide. Sinon je fabrique des éventails avec les feuilles de brouillon. Une copine amène aussi son vrai éventail, on se le prête ».

Stéphanie Bonnafous a, elle, décidé de retirer sa fille de son établissement, le collège Valeri à Nice, dans les Alpes-Maritimes. « Il fait trop chaud dans les classes. On refuse aux enfants de boire dans les salles de classe, ils le peuvent seulement aux interclasses, et les filles n’ont pas le droit de s’habiller en short, de crainte qu’elles subissent moqueries et remarques sexistes de la part des garçons ! Et elles sont refoulées si elles osent se pointer en short ! Ma fille a rendu ses livres avant-hier, le conseil de classe est passé, je ne veux pas lui infliger ce calvaire. C’est injuste pour ses camarades qui sont contraints d’aller au collège dans ces conditions ». Nous avons contacté par trois fois la principale du collège qui n’était pas disponible.

« La municipalité n’a pas le budget pour payer des rideaux du coup, on fabriqué des caches-soleil avec des draps »

D’après les recommandations diffusées par le ministère de l’Education nationale en période caniculaire, les enfants doivent être « gardés dans une ambiance fraîche« . Encore faut-il le pouvoir. « On évite d’allumer les lumières. On projette parfois des vidéos aux enfants pour les calmer mais on limite l’utilisation d’appareils électriques qui chauffent. Dès 10h30, on ferme les rideaux, enfin… les draps. La municipalité n’a pas le budget pour payer le financement de rideaux à l’école. Du coup, on a fabriqué des cache-soleil avec des draps, on fait avec les moyens du bord », nous rapporte Jeanne Eugénie*, institutrice dans une école maternelle de l’Essonne (91). Nous évitons toute activité sportive, incitons constamment les enfants à s’hydrater. Entre ceux qui n’ont pas de chapeaux et les coins trop peu ombragés, depuis mardi toutes les récréations sont annulées. On fait des jeux, des temps de relaxations, des temps calmes dans l’école. Les enfants sont plus excités que d’habitude, c’est certain et classique pour une fin d’année scolaire mais la chaleur n’arrange pas les choses ».

Les plus grands, eux, sont plus stressés, comme nos deux candidats au bac, Mehdi et Glory. « J’ai l’impression d’avoir révisé à fond pour qu’un imprévu de dernière minute perturbe ma concentration. C’est frustrant », dit Glory. Mehdi poursuit. « J’espère que les profs prendront en compte ce paramètre dans la notation, sinon c’est chaud ! » C’est le cas de le dire !

Sarah ICHOU

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