Le second confinement de l’année 2020, imposé dans toute la France depuis le 29 octobre avant d’être allégé le 28 novembre dernier, ne s’est pas effectué dans les mêmes conditions pour tous. Il y a ceux qui ont été beaucoup oubliés, négligés. Les étudiants notamment, dont les différences de situation sociale exigeraient souvent des mesures plus personnalisées. Et parmi ces étudiants, des milliers qui vivent en résidence étudiante (des résidences Crous, ou associatives), et doivent affronter la crise qui démultiplie les angoisses du quotidien, loin du foyer familial.

Leur choix de rester confiné au sein de leur résidence découle de leur situation familiale, et surtout des conditions de travail dont ils peuvent bénéficier. Leur logement étudiant crée souvent un environnement plus favorable au travail, où ils sont sûrs de ne pas être dérangés pendant les cours, pour avancer à leur rythme. Mais dans le même temps, leur vie en résidence universitaire par temps de confinement alterne entre éclaircies passagères et désillusions permanentes.

Je me bats sur tous les fronts.

Les priorités pour ces étudiants sont plurielles. Réussir leurs études tout en finissant le mois, ou finir le mois tout en réussissant leurs études, la question de la priorité se pose chaque jour avec intensité. Les résidences Crous avaient offert à leurs locataires la possibilité de passer le premier confinement ailleurs, sans payer les trois mois de loyer. « C’était un vrai soulagement, et une grande aide », clame Charlotte, étudiante en master d’études du genre à l’université Paris 8 et locataire de la résidence Crous Fontaine au Roi située dans le 11ème arrondissement de Paris.

Mais la mesure n’a pas été reconduite en novembre, sans plus d’explication, obligeant donc les étudiants précaires à trouver un moyen de payer leur loyer dans une conjoncture difficile. Certains avaient des petits boulots occasionnels, en extra, pas toujours déclarés, ne leur offrant donc pas de chômage partiel, quand celui-ci est perdu à cause de l’épidémie. Durant ce second confinement, c’est la débrouille qui l’emporte pour celles et ceux dont les parents ne subviennent pas aux besoins.

Si Jean-Thomas, étudiant à l’ISC Paris et résident du Crous Camille Sée à Saint-Denis, a été soulagé de trouver un job étudiant « in extremis » avant le second confinement, d’autres n’ont pas eu cette opportunité. « Je me bats sur deux fronts, beaucoup d’étudiants se battent sur deux fronts, celui des études et celui de la fin du mois », déclare Paul*. L’étudiant en licence 3 d’information communication, qui habite aussi à Camille Sée, a vu le versement de sa bourse mensuelle bloqué à cause du fait que l’université de son frère n’a toujours pas pu lui fournir de certificat de scolarité.

La vente en ligne d’objets personnels pour tenter de survivre

En attendant la bourse, cet étudiant de l’université Paris 8 essaie de vendre tout ce qu’il peut en ligne. Mais sa situation financière le préoccupe, et l’empêche parfois de suivre ses cours avec autant d’assiduité qu’il le souhaiterait. Dans les résidences étudiantes, la communication est inégale, quand certains reçoivent des newsletters de bons plans pour faire leurs courses à bas prix, d’autres ne voient pas passer les annonces sur de potentielles aides.

À l’intérieur des chambres, l’ambiance n’est pas toujours celle qu’on croit en résidence étudiante, qui sont parfois loin d’être toutes des lieux d’échanges et de convivialité. Le constat varie d’un lieu à l’autre, mais rares sont les étudiants en contact direct avec d’autres habitants de leur résidence. Et les couloirs de l’ensemble Camille Sée à Saint-Denis restent souvent bien silencieux.

Quand il y a du contact humain, ce n’est que par très petits groupes, Covid oblige. C’était le cas pour Ibrahima pendant le premier confinement, resté dans sa résidence Crous à Lyon, et qui s’était confiné avec deux de ses amis. Il n’a pas réitéré l’opération pendant ce second confinement, mais les liens entre les étudiants se sont resserrés entre-temps, et les solidarités qui se sont nouées lui rendent l’isolement moins difficile.

Je dis bonjour à mes voisins mais
ça s’arrête là.

À l’inverse, dans la résidence de Charlotte à Paris, « il n’y a aucune identité propre au lieu, je dis bonjour à mes voisins mais ça s’arrête là », malgré ses tentatives d’aller vers eux qui sont restées lettre morte.

Le constat est différent en dehors des résidences Crous, car d’autres résidences étudiantes accueillent des programmes fondés sur le développement d’initiatives solidaires par les étudiants. C’est le cas à Saint-Denis, dans la résidence Camille Sée, où des étudiants sont logés grâce au programme « Ma1son » de l’association Article 1, qui propose des loyers à bas prix en échange de leur participation à des projets « à impact social ».

Pour les participants, les projets doivent continuer, malgré l’impossibilité de les réaliser en présence des organisateurs et des bénéficiaires. Ils ont dû évoluer du fait de la situation sanitaire, en obligeant une réorientation vers le digital. Ces projets aident à maintenir une dynamique entre étudiants, qui communiquent par WhatsApp, tout en espérant pouvoir à nouveau créer du lien en se retrouvant à nouveau une fois les restrictions levées.

J’essaie toujours de voir le verre à
moitié plein… 

Mais même pour ceux qui arrivent à garder du lien virtuellement, le confinement constitue une épreuve psychologique incontestable. Les aides mises en place par les Crous sont accueillies volontiers par les étudiants, quand elles existent. Martine, elle aussi résidente à Camille Sée, salue ainsi la mise en place par le Crous de Créteil d’un suivi par téléphone, car si la plupart du temps « ça va pour elle », elle pointe aussi le « trop plein » de la situation qui lui fait accumuler beaucoup de frustration et qui menace sa motivation dans ses études.

Jean-Thomas, de son côté, a un objectif affiché « j’essaie toujours de voir le verre à moitié plein » pour tenter de faire de ce temps confiné une opportunité de se laisser du temps pour soi, et de garder un lien avec les autres résidents. Chacun essaie de trouver des échappatoires, des sas de décompression, pour ne pas imploser, et faire face aux impératifs démultipliés.

Paul a mis en place quelques activités : « Pour me changer les idées, j’écris, je fais du sport tous les jours, parfois cinq minutes, parfois trente, l’essentiel c’est de bouger ». Mais l’angoisse et l’anxiété restent tenaces quand l’argent vient à manquer.

Si certaines initiatives du Crous sont à souligner, impossible de ne pas voir les lenteurs habituelles qui ressurgissent aujourd’hui dans le versement des bourses notamment, et qui ont des répercussions directes sur la qualité de vie et la santé mentale des étudiants boursiers.

Mona Guichard

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