Plus de 200 ans après son instauration, le bac a aujourd’hui perdu de son prestige. La France est aujourd’hui l’un des derniers pays à maintenir cet examen de passage, la majorité des autres pays ayant opté pour l’évaluation par contrôle continu. Sommes-nous en retard sur nos voisins ou doit-on conserver ce vestige napoléonien ? Deux avis divergents répondent.

Alors que le nombre de candidats au bac était en hausse constante chaque année depuis son instauration, celui-ci est en baisse pour l’année 2013. 664 709 candidats planchent pour cette nouvelle édition contre 705 059 en 2012 soit une baisse de 5 %,  expliquée par la réforme du bac professionnel.

Pour nous éclairer, Michel Fize chercheur au CNRS et sociologue spécialiste des questions de l’adolescence, de la jeunesse et de la famille étant pour la suppression du bac.  Ainsi que François Coq professeur de mathématiques, secrétaire national à l’Éducation et aux Services publics du Parti de Gauche, qui est à l’inverse pour le maintien de cet examen de passage.

Pour ces défenseurs antagonistes, il s’agit de faire comprendre aux français pourquoi faut-il garder le Baccalauréat ou le supprimer pour laisser place au contrôle continu. Pour François Coq, très engagé dans la préservation du baccalauréat, la réponse est toute trouvée à cette question à laquelle il s’exprime de manière catégorique. « Faut-il supprimer le bac ? C’est une question attrape nigot ! » dit-il avec un certain agacement. Ce dernier s’explique en disant que l’examen final amoindrit les différences sociales et atténue les différences individuels, en se référant à l’étude de la chercheuse Nathalie Mons. « Le bac est un acquis républicain, le garant d’une certaine part d’égalité et ce n’est pas en le balayant que l’on créera l’égalité ». affirme t-il.

« Les libéraux veulent faire sauter trois verrous : le premier, que le bac permet d’évaluer 15 ans d’une scolarité. Le second, que le bac est ce qui ouvre la porte de l’enseignement supérieur. Le dernier, que le bac est aujourd’hui le premier diplôme reconnu par les conventions collectives. En le supprimant, on transformerait le bac en compétence, ce qui affaiblirait considérablement le droit du travail » poursuit François Coq.

François Coq insiste sur l’apprentissage régulier des leçons et sur l’inscription du bac dans l’évolution des programmes. « Je considère que le bac est un moment de validation des connaissances, c’est l’ensemble de ces connaissances qui permettent l’émancipation. Il faut définir quelle société nous voulons et en fonction de ça, le peuple doit choisir quelle école il souhaite en se posant les bonnes questions ». Il considère ainsi qu’on ne peut pas transformer l’école sans un changement radical de la société.

François Coq met aussi l’accent sur un point qui lui tient à cœur, à savoir l’importance de plus en plus forte des bacs professionnels et technologiques, aussi important pour lui que le bac général. « On peut aussi bien réussir dans l’un ou dans l’autre ». Pourtant, il regrette la reformation du bac professionnel en 2009, qui aurait eu comme conséquences, la baisse du nombre de candidats dans ces filières, qui a engendré la baisse de la réussite au bac. Pour lui il s’agit d’un véritable échec du contrôle continu.

De l’autre côté du miroir, Michel Fize, fervent partisan de l’abrogation du baccalauréat et auteur du livre Le Bac inutile. Pour lui, « de plus en plus, je retourne la question et je demande aux personnes favorables au maintient du bac, quels arguments les poussent à cette idée. Le bac symbolise un système scolaire compétitif qui est le nôtre ! Si nous voulons mettre en place un système de travail de groupe, il faut supprimer cet horizon qui pourrit le rapport des élèves au savoir ». Le rôle des professeurs rentre donc ici en action. « Le bac est aussi une carotte pour le professeur à son élève et des professeurs me l’ont eux-même confié ! Je pense qu’il faut changer la pédagogie et arrêter le gavage d’oies. Il ne s’agit pas d’un rite de passage, mais d’un rite de lavage de cerveau ! Cet examen final se résume aujourd’hui à une épreuve de recrachage des connaissances, c’est donc un exercice de mémoire ni plus ni moins. Le bac c’est le diplôme qui sanctionne la fin des études secondaires ». Voici qui devrait faire grincer les dents ses opposants…

Justement, l’épreuve du contrôle continu ne favoriserait-elle pas les inégalités entre les élèves ?  «  Il faut effacer tous ces biais en imaginant une autre sorte de contrôle continu, par exemple en trouvant un autre moyen de correction pour garantir l’égalité. Plutôt que de parler de contrôle continu, parlons de contrôle régulier. Il faut souligner que pour un même sujet, traité de la même manière, une même copie peut avoir 11 points d’écart avec une autre selon le professeur par lequel elle est corrigée, c’est une aberration ! »

Sur la question de l’égalité des chances mise en jeu par la question du bac, Michel Fize affirme que c’est à diplôme égal que tous auraient les mêmes chances. Ce diplôme n’offre malheureusement pas l’égalité si prônée, car deux étudiants, à diplômes et compétences égales n’auront pas les mêmes chances face à un employeurs, selon le lieu où ils ont étudié, où encore selon leur origines.

« Beaucoup disent, que si on supprime le bac, il y aura une sélection à la fac, mais c’est déjà le cas ! Si le bac avait une telle importance il serait universel. Tous les ministres ont essayé d’adopter une dose de contrôle continu et ceci n’a suscité aucun émoi, mais lorsque l’on parle de contrôle continu intégrale, il y a tout de suite polémique ». Alors que beaucoup parle d’un rite de passage, celui-ci voit plutôt ça comme un rite de lavage de cerveau.

Alors la France serait-elle prête à se séparer de l’examen final tant convoité ?  Pour François Coq, le supprimer engendrerait directement une baisse de la réussite et du nombre d’élèves. Alors que pour Michel Fize, au rythme où l’on va, dans 15 ans on aura 100 % de réussite au bac si on le maintient… Vérité à venir ou simple illusion, cela appartient à chacun de se faire sa propre idée sur le sésame tant convoité.

Amina Zeghoudi

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