Sous le bruit d’un hélicoptère qui plane au-dessus de son quartier, à Pierrefitte, Goundo Diawara se raconte. Elle évoque son parcours qui l’a menée à l’éducation, de ses enfants et de ceux des autres, sous sa casquette de CPE. Elle évoque aussi le Front de mères, l’association dont elle est devenue la secrétaire nationale.

Goundo Diawara est conseillère principale d’éducation depuis 6 ans à Garges-lès-Gonesse. Une vocation qui aura mis du temps à s’affirmer : c’est dans le secteur de l’audiovisuel qu’elle a commencé sa carrière en tant qu’assistante de production. Encore aujourd’hui, elle est productrice associée de la société Diversifilm, dirigée par son frère Sadia, qui a produit récemment « Mon frère ».

En parallèle de sa première vie d’assistante de prod’, elle donne du temps à l’éducation, encadre des ateliers de soutien scolaire. C’est là, explique-t-elle, qu’elle réalise que l’école nécessite davantage de profils issus de l’immigration à des postes stratégiques.

Eveil politique et construction militante

L’incendie du boulevard Auriol en 2005 et la mort de Zyed et Bouna, la même année à Clichy-sous-Bois, sont un véritable électrochoc et participent à son éveil politique. Ces deux tragédies agissent comme des révélateurs des différences de traitement entre population légitime et indésirable qui se soldent par la mort d’enfants.

Son premier acte militant à proprement parler date de la campagne de boycott en 2010 contre Jean-Paul Guerlain. Pour protester contre les propos tenus par le couturier à la télévision (« je ne crois pas que les n*****aient tellement travaillé »), elle participe à des sit-in devant les boutiques Guerlain afin d’interpeller les passants et dissuader de potentiels clients.

On l’a vue régulièrement depuis aux côtés d’Assa Traoré et de plusieurs autres collectifs de famille qui réclament « vérité et justice » pour les victimes de violences policières.

En 2016, Goundo Diawara est vivement interpellée par l’appel du Front de Mères qui dénonce les inégalités scolaires et constitue le texte fondateur du Front de Mères rédigé par Fatima Ouassak et Diariatou Kebe. « J’ai été très secouée en tant que personnel de l’éducation, raconte-t-elle. L’année d’après, j’ai été invitée aux Etats généraux des familles organisés par le collectif pour traiter des discriminations à l’école. Depuis 2018, je suis pleinement engagée. »

Parmi ses priorités, l’orientation, moment-clé trop souvent saboté par des professionnel.les incapables d’accompagner certains profils ou par les élèves eux-mêmes, qui ne croient pas assez en leurs capacités. L’ancienne élève témoigne : « Moi j’ai eu la chance de tomber sur un prof qui croyait en moi, et qui m’a poussée à faire un cursus qui me correspondait à ce moment-là. Malgré mes très bons résultats scolaires, je manquais de confiance en moi, j’allais m’inscrire à une formation basique sans conviction. »

Une campagne d’adhésion pour mobiliser plus de moyens

Le Front de Mères a pour ambition de donner de la visibilité aux initiatives des quartiers populaires, de neutraliser les circonstances qui créent les inégalités et d’organiser des solidarités entre les parents. L’objectif : « imposer un rapport de force favorable à la réussite de leurs enfants », résume Goundo Diawara.

Ces dernières semaines, le Front de Mères a lancé une campagne d’adhésion pour consolider son ancrage local. Avec en ligne de mire les élections des représentants des parents d’élèves en octobre.

Goundo Diawara espère que son collectif y pèsera, pour exprimer entre autres ses revendications et ses critiques quant à la gestion de la crise sanitaire par les autorités. « Ces familles ont été prises au dépourvu, regrette-t-elle. Nos élèves sont ceux qui avaient le plus besoin de la continuité pédagogique. » Et de rappeler à cet effet que les parents de ces jeunes exercent majoritairement des métiers précaires et ont donc participé à la continuité de la société, tout le long de la crise.

L’hélicoptère tourne toujours dans le ciel quand nous terminons l’entretien, ce qui arrache à la CPE une remarque amère quant au contrôle policier des quartiers populaires. L’occasion de rappeler que le Front de Mères s’engage régulièrement sur les questions de violences policières.

Goundo Diawara rappelle qu’il n’y a pas de « monde d’après » pour ces familles qui vivent dans un continuum de violence et de domination. C’est pourquoi il lui parait plus que jamais primordial de se fédérer, notamment par le biais d’organisation comme le Front de Mères.

Sarah BELHADI

Crédit photo : Sarah BELHADI / Bondy Blog

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