La semaine dernière, l’IUT de Saint-Denis a fait parler de lui dans la presse. Son directeur, Samuel Mayol, s’est fait agressé au sortir d’une réunion maçonnique dans le IXe arrondissement de Paris. Le Monde et Le Figaro ont dressé alors un portrait peu flatteur de l’établissement n’hésitant pas à parler de « crise ouverte ».

Plus de quatre ans que je n’étais pas revenu et pourtant, rien n’a changé. Au loin, les gros blocs de béton faisant face au tramway se fondent dans le ciel gris. De ces bâtiments aux allures de bunkers, aux murs décrépis, une fois à l’intérieur, le temps semble s’être figé ici. J’arrive vers les coups de 16 heures mais il n’y a pas grand monde dans l’établissement. En traversant ses couloirs, la sensation étrange de remonter le temps me gagne : tout est identique à l’époque où j’étudiais en GEA, Gestion des Entreprises et des Administrations. Même les murs aux couleurs faussement vives n’ont pas été repeints.

Dans l’aile du département “Techniques de Commercialisation“ à l’étage, je croise quelques étudiants sortant d’une salle. J’en aborde deux mais quand j’essaie d’en savoir plus à propos des éléments révélés dans la presse, les seules phrases qu’ils daignent me lâcher sont « l’IUT est un endroit très bien », « il y a quelques dysfonctionnements comme partout » ou encore « j’ai tout appris aux infos », sourire gêné chez l’un, regard méfiant chez l’autre. A savoir que le département TC fait partie des affaires qui « secouent » l’IUT avec le licenciement pénible de son directeur, Rachid Zouhhad, en mars dernier pour des présumés emplois fictifs.

D’autres étudiants TC sortant d’un contrôle veulent bien m’en parler. Lui, ils ne l’ont peu vu. Juste pour des « problèmes administratifs » me disent-ils. Concernant les « dysfonctionnements », une jeune fille affirme que la presse a « exagéré » car c’était « juste quelques matières que les étudiants n’ont pas eues » mais que « tout est réglé désormais ». Concernant l’agression de M. Mayol, nouveau directeur du département suite à l’éviction de M. Zouhhad, elle ne pense pas qu’elle soit liée aux problèmes qu’a rencontrés la filière TC et attend de voir les résultats de l’enquête. Elle me montre par ailleurs sur son smartphone un mail de l’IUT qui demande à « ne pas faire d’amalgame » entre les différentes affaires.

Les autres étudiants en semestre 2 me confirment qu’ils n’ont pas eu certaines matières du semestre comme maths, compta… et que des profs n’ont été trouvés que très récemment. Concernant les « matières enseignées qui ne sont pas au programme », ils confirment en avoir reçues.

Dans Le Monde, on a pu lire « conflit entre deux clans d’enseignants » mais selon eux, c’est surtout leur professeur de comptabilité qui a « disparu » depuis le départ de M. Zouhhad. Celui-ci soutenait ouvertement l’ex-directeur de département et en sa qualité de directeur des études, faisait ses propres emplois du temps distincts des emplois du temps pédagogiques que recevaient les élèves . Un autre problème qu’ils ont évoqué est le fait que certains cours étaient dispensés par des vacataires non agrégés, recrutés par Zouhhad. Un étudiant me confie même que dans un autre groupe de travaux dirigés, on lui a raconté qu’un enseignant avait été « viré en plein cours par des gens de la sécurité ».

Enfin, à propos de l’association qui serait en conflit avec M. Mayol, ils affirment qu’ils ne l’ont  jamais vue. Ils savent juste qu’elle participe aux différents conseils universitaires. Et leur « salle de prière clandestine », comme l’indique Le Figaro, n’est en fait qu’une salle vacante en libre service. « Ça nous arrive souvent de venir nous poser ici pour déjeuner. On ramène des grecs, des pizzas. Il y a aussi des ordinateurs et une imprimante. Ils ont appelé ça salle de prière juste parce que la police a trouvé des tapis de prière dans un placard de l’asso. On sait que des gens y prient mais la salle est accessible à tous ». Concernant la vente de sandwichs halal de cette association évoquée dans la presse, ils affirment tous l’avoir appris aux informations.

En somme cette « crise » n’a touché que le département “Techniques de commercialisation“. J’ai posé la question à des étudiants d’autres filières et il n’y a pas eu de soucis chez eux. Et pour le conflit entre l’association et l’administration de l’école, la presse semblait plus au courant que les étudiants. En ce sens, parler de « crise ouverte » est plutôt excessif. Par ailleurs, les raccourcis qu’ont fait les médias entre les menaces de mort, l’agression du directeur et l’association en conflit induisent un mélange des genres douteux loin de la position des étudiants et de l’administration de « ne pas faire d’amalgame ».

Les étudiants du semestre 2 de TC auront tout de même plus d’heures de cours le semestre prochain du fait des matières qu’ils auront à rattraper : « Ça me fait chier mais je me sens bien ici. Je compte bien aller jusqu’au bout et décrocher mon diplôme » me confie l’un, avant d’ajouter, « je vais vraiment pas kiffer si tout ce qu’il s’est passé me porte préjudice par la suite ».

Kevin Té

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