Ce matin-là, pour les élèves de 3e de Jean-Moulin et de Jean-Vilar, ce ne sont pas les portes de leur collège de d’Aubervilliers ou de La Courneuve qu’ils s’apprêtent à franchir mais celles du palais Bourbon à Paris. Seulement voilà, il est 8h15 et le car qui transporte les collégiens est en retard. Dehors, l’assistant de Daniel Goldberg, le député socialiste à l’origine de cette sortie, et Mme Coleman, leur professeur de français, attendent les élèves de pied ferme sur le parvis de l’Assemblée nationale. Enfin, ils arrivent, heureux de se dégourdir les jambes et de découvrir les lieux.

Pour l’occasion certains n’ont pas lésiné sur leur garde-robe : chic, classe, sobre ; pour deux d’entre eux, c’est carrément le smoking ! Une fois le portique de sécurité passé, la visite peut commencer. « Le député qui vous a invités n’arrivera qu’à la fin de la visite, il est en réunion », les prévient leur guide. Alors on se lance, en groupe, dans les allées, les escaliers de l’Assemblée.

Le premier salon est impressionnant, magnifiquement décoré : des lustres de plusieurs centaines de kilos pendent au-dessus de nous : « Il n’y a aucun souci, ils ne tomberont pas », nous rassure notre guide attitré. On reste abasourdis par la grandeur et la beauté des lieux. Le parquet ciré craque sous nos pieds. « Tous les grands chefs d’État sont passés par ce tapis rouge, où vous vous trouvez actuellement. Même Khadafi », nous glisse à l’oreille, amusé, l’assistant parlementaire de Daniel Goldberg.

Mais trêve de flâneries, les étudiants sont vite soumis à la question : « Qui est le président de l’Assemblée nationale ? » Pour toute réponse, le silence : c’était Bernard Accoyer qu’il fallait répondre. Pas de quoi empêcher la visite de continuer en tout cas. De la tribune de la presse, où l’on se demande si « tous les journaux sont gratuits » en passant par la projection d’un film sur l’histoire des lieux – où l’on hue toutes les apparitions de Nicolas Sarkozy –, les jeunes manifestent leur curiosité de découvrir en vrai ce qu’ils voient « à la télé ». Reste, que personne ne semble reconnaître Jean-Louis Bianco, l’ex-directeur de campagne de Ségolène Royal qui passe par là au même moment.

Puis les méninges se mettent en marche pour citer « tous les partis de gauche ». « PS » sera la réponse la plus spontanée. Vient ensuite le « PC ». Pour ce qui est du fameux « MoDem », là on ne sait pas. Gauche ou droite ? Nous ne tranchons pas, nous devons rejoindre notre rendez-vous : direction la bibliothèque où nous attend Daniel Goldberg et une collection impressionnante de bustes de Marianne et des milliers d’ouvrages historiques. Alors que nous admirons ces pièces uniques de bibliographie, notre député s’entretient à l’arrière du groupe avec Arnaud Montebourg, un autre illustre inconnu des collégiens.

Enfin, cerise sur le gâteau, nous pénétrons dans l’hémicycle vide où habituellement siègent et se querellent 577 députés. Ce qui époustoufle le plus ce sont les trois cents kilos qui forment le siège du président de cette assemblée : voilà de quoi asseoir son autorité ! Mais c’est au tour du député socialiste de remplacer le guide et de se prêter au jeu des questions-réponses.

Son siège à lui, tout d’abord : « Comme mes camarades du groupe socialiste, à gauche du Président ». Puis d’ajouter avec une pointe d’ironie : « Les débutants comme moi, qui ont été élu en juin dernier, sont toujours en haut, dans les derniers rangs. » D’ici, il procède au vote en appuyant sur l’un des trois boutons : « Pour, contre, abstention ». Il nous confiera même avoir « vu un membre de la majorité voter pour les absents, alors que c’est interdit. » Il reste cependant discret sur l’identité de ce dernier.

Quand on aborde la question de la diversité – une seule députée noire et aucun Arabe –, il souligne les avancées qui ont été faites, « plus particulièrement à gauche », tout en déplorant un certain manque d’implication. Ses impressions au lendemain du conseil national du PS ? Il sourit et nous avertit : « Ce n’est pas le lieu. »

Ça y est, c’est l’heure ! Avant de rentrer dans le car, quelques élèves hurlent fièrement à l’adresse du palais un grand : « 9-3 ! » Pressés, sans doute, de retrouver de tels monuments dans leurs villes de banlieue.

Mehdi Meklat et Badroudine Said Abdallah

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