Pendant les vacances, j’ai travaillé en centre de loisirs avec des enfants âgés de 6 à 11 ans. Un midi, à la cantine avec mes copines de 7 ans, on discute avenir. Au début les projets étaient plutôt farfelus : « Moi je veux être inspectrice comme Inspecteur Gadget parce qu’il est trop fort ». « Moi je veux être vendeuse de sandwich comme ça je pourrais en manger toute la journée ».  « Moi je veux être maîtresse mais juste parce que ma maîtresse elle est belle et moi aussi je veux être belle ». Yasmine est en CE1, elle les écoute attentivement depuis le début du repas puis tente de faire la bonne élève : « Arrêtez de dire n’importe quoi, ils existent pas ces métiers. Moi quand je serais grande je voudrais être chirurgienne, c’est bien ça Sarah hein ? »

J’ai à peine le temps de lui expliquer que c’est à elle de déterminer si c’est un bon choix ou pas que Lina, qui est plus âgée que Yasmine, lui lance, « alors toi tu veux faire des études jusqu’à 30 ans ?» En mangeant ses haricots verts radioactifs, son interlocutrice lui répond : « oui je sais qu’on reste à l’école jusqu’à longtemps, maman m’a dit, mais ce n’est pas grave j’aime bien l’école moi ».

En les écoutant j’ai l’impression de retourner quelques années en arrière, à l’époque où moi aussi je voulais être « doctoresse », féminin de docteur quand j’avais 5 ans. Depuis j’ai grandi, j’ai découvert que les sciences, la physique-chimie et les maths ce n’était pas pour moi.

Round 1 : au collège

C’est au collège que tout commence à se décider parce qu’avant d’entrer dans la cour des grands, notre innocence et notre imaginaire nous embarquent vers des métiers incroyables. En troisième, tout se concrétise, surtout quand on décide de prendre rendez-vous avec la conseillère d’orientation : quelle belle rencontre avec la réalité.

Je savais déjà plus ou moins ce que je voulais faire : une seconde générale puis une première ES ou L. Mais j’ai préféré rendre visite à la COP (Conseillère d’Orientation Psychologue), histoire de faire comme tout le monde. Je me souviens de ce rendez-vous comme si c’était hier. Déjà, il était fixé pendant un cours d’histoire, la prof était prévenue : je raterais trente minutes.

Le bureau de la conseillère était perché à l’étage du CDI, enfin si on peut appeler ça un bureau : une table entourée de deux chaises, abandonnée au milieu des livres usagés. Elle commence à me poser quelques questions banales comme « Ton nom ? Ton prénom ? Ta classe ? Ton âge ? » Puis nous entrons dans le vif du sujet : « Que comptes-tu faire de ta vie professionnelle ? » Voilà une véritable question.

A la fois déterminée et hésitante je me lance et répond « journaliste ». et là… le cauchemar démarre : déjà elle commence par sourire, puis par me regarder droit dans les yeux pour me lancer, « non mais vraiment ? » Je ne comprends pas, j’ai déjà répondu à cette question. « Vraiment, je veux devenir journaliste » Et là elle rigole.

Je ne comprends pas sa réaction et je crois qu’elle le voit dans mon regard. « Excuse-moi, ton ambition me fait rire. » J’ignorais mes talents de comique. Elle entame un récital : « le journalisme est une voie bouchée… » Elle m’explique ensuite que je peux passer par toutes les filières générales possibles (scientifique, économique et littéraire) et voilà l’entretien se termine. Je peux retourner à mes activités normales, c’est-à-dire en cours d’histoire.

Entre le CDI et ma salle d’histoire, je suis désorientée et surtout découragée. Tout était clair dans ma tête avant ce rendez-vous, et maintenant tout est chamboulé. Ayant raté la moitié du cours, je repense à tout cela et je me jure de ne plus retourner voir une conseillère d’orientation de toute ma vie !

Round 2 : au lycée

Le collège c’est fini, aujourd’hui je suis en Terminale ES. L’année du bac, l’année de l’enfer, l’année du clap de fin mais aussi l’année de l’orientation. On ne cesse de nous radoter qu’un « bac tout seul ça sert à rien de nos jours ». Seulement que faire après le Bac ? Licence ? Classe Préparatoire aux grandes écoles ? BTS ? DUT ? Ecole de commerce ? Encore une fois j’ai une  idée en tête, certes approximative mais c’est toujours mieux que rien.

Moi qui m’étais juré de ne plus avoir à faire à la conseillère d’orientation, voilà qu’elle fait une intervention dans ma classe au mois d’octobre. « Je vous conseille de prendre rendez-vous avec moi au secrétariat des élèves ». Finalement je me laisse emporter par sa proposition me disant que ça ne coûte rien après tout. Le rendez vous est fixé, cette fois-ci c’est le cours de philo que je raterai. Avec pourtant dix minutes d’avance au lycée, je suis tout de même arrivée 5 minutes en retard au rendez-vous. Pourquoi ? Il m’a fallut tout ce temps pour trouver le bureau de la conseillère. Je pense vraiment qu’il faudrait faire un « parcours d’orientation » pour rejoindre la professionnelle en question.

Après avoir demandé mon chemin à des camarades, à la surveillante et à l’homme d’entretien, je finis par dénicher ce fameux bureau. Il faut dire qu’il n’est pas très visible : il est au dessus de la cantine, il faut emprunter un escalier qui emmène au sommet des branches d’un arbre, puis un petit chemin mène à la porte du bureau. Là je remarque déjà un léger point commun avec l’emplacement de la COP du collège qui était niché au milieu de  livres. Au lycée on va à la base du livre : l’arbre.

Je m’excuse du retard et m’installe. Son espace de travail ressemble plus à un bureau : ordinateur, livrets de l’Onisep. Elle a mon dossier scolaire… Ça semble être plus organisé. Je dois admettre que cette fois-ci, la conseillère a été plus efficace : elle m’a bien sûr rappelé que le journalisme était une voie bouchée mais elle m’a aussi donné les différentes manières d’y accéder, son adresse mail si j’ai des questions supplémentaires, elle m’a conseillée de me renseigner par moi-même avec les sites universitaires, les journées portes ouvertes. La rencontre a quasiment duré une heure trente, soit une heure de plus que lors de mon premier rendez-vous. J’ose espérer qu’avec le temps, l’orientation se bonifie.

Prévenir mes copines de 7 ans de la tournure que vont prendre leurs rêves de princesse ? Non, qu’elles profitent de cette innocence. Sans vouloir jouer la conseillère d’orientation, le seul conseil que je pourrais leur donner serait de s’accrocher à son rêve, dans la limite du possible et de ses capacités bien sûr, et ne pas se laisser décourager par une copine comme Lina, ou une conseillère de (dés)orientation.

Sarah Ichou

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