Bientôt une année après les grèves sur le CPE, une lycéenne raconte comment elle les a vécues, elle qui venait d’arriver de Haïti.

18 mars 2006, c’est mon premier jour de lycée en France, après avoir traversé l’Atlantique en provenance de mon pays, Haïti. J’étais ravie de rencontrer de nouveaux camarades, angoissée à l’idée de m’adapter à un nouveau système pédagogique et de ne pas être à la hauteur. Pendant deux semaines, j’ai suivi les cours, fais des tests, essayé de rattraper le temps perdu.

Boum ! Après ces deux semaines, éclate la grève contre la loi sur le contrat premier emploi (CPE). Le lycée a été fermé pendant au moins 3 semaines à cause de la mobilisation des lycéens. Je dois dire que je n’approuvais pas du tout cette grève; j’allais chaque jour au lycée dans l’espoir d’un miracle, que les grilles du lycée s’ouvrent. Je voulais tellement acquérir plus de connaissances pour passer en 1ère S.E.S., j’avais tellement envie de faire mes preuves et contredire cette image de fragilité qu’on m’attribuait.

J’étais désespérée de ne plus pouvoir suivre les cours.

En venant en France, je m’attendais à faire des études dans de meilleures conditions: avoir une année scolaire stable ce qui m’était arrivé très rarement jusque là. Hélas ! j’étais déçue, je ne m’attendais pas à unegrève qui dure aussi longtemps. J’ai trouvé une France avec ses forces et ses faiblesses. J’ai perdu cette image prestigieuse de la France.

Malgré mes déceptions, je n’avais pas le temps de m’apitoyer sur mon sort: j’ai renoncé à mes loisirs durant les vacances pour commencer l’année suivante en beauté et montrer que je pouvais m’intégrer.

Aujourd’hui, je me demande si cette grève était aussi dramatique que je l’ai pensé. Il est vrai qu’elle a été longue et insupportable, mais il y avait une raison à cette mobilisation, même si pour la plupart des grévistes ce n’était qu’une opportunité de sécher les cours. Cette grève m’a tellement préoccupée que j’ai cherché à avoir des explications auprès de mes camarades. Ils m’ont déclaré que leur avenir était en jeu, qu’ils devaient défendre leur cause, qu’ils se sont mobilisés pour empêcher les hommes politiques de décider tout ou n’importe quoi pour eux. Ils m’ont affirmé qu’ils brûlaient d’envie d’apprendre, d’aller en cours comme moi mais qu’il leur a fallu faire ce sacrifice…

Je suis soulagée de voir que j’étais pas la seule à souffrir de cette grève. Finalement, je me sens pas trop différente des autres. Mais croyez- moi: je n’ai toujours pas digéré cette grève, les souffrances qu’elle m’a infligées même si elle était justifiée. Je crois qu’il me faudra encore du temps pour la comprendre et l’estimer à sa juste valeur.

Sabine Pierre (Lycée Jean Zay)

Sabine Pierre

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