« On est quand même presqu’en octobre et je n’ai toujours pas de fac, alors que quand même pendant trois ans je me suis cassée la tête à essayer d’avoir de bonnes notes, de faire des trucs extra-scolaires et là à la seconde où je suis en train de te parler je viens de recevoir un énième refus d’admission ». L’amertume dans la voix de Sarah est immense. Elle qui pourtant sort d’une double licence de droit français et britannique obtenue à la faculté de Nanterre, est aujourd’hui sans master en cette nouvelle rentrée.

Une situation inexplicable pour la jeune femme originaire de Courbevoie qui présentait pourtant un dossier très prometteur et d’immenses ambitions, elle explique : « à la base j’avais choisi ce cursus pour pouvoir travailler dans les organisations internationales. Je visais des masters qui touchaient au droit international ou en rapport avec la Common Law (système juridique issu du droit anglais, NDLR) puisque j’aimerais partir au Canada pour y devenir juriste internationale. Je me vois pas rester en France.» 

Il est à ce jour impossible de quantifier les étudiants enlisés dans cette situation face à laquelle le silence de la Ministre de l’Enseignement supérieur, Frédérique Vidal, est de plus en plus assourdissant. Justine et Sarah font partie de ces jeunes désabusés qui ont exprimé leur mécontentement sur Twitter via le hashtag #Étudiantssansmaster.

Justine, de son côté, se retrouve bloquée dans son parcours universitaire, mais tente malgré tout de rester optimiste. Tout juste sortie d’une licence de biologie obtenue à  l’université de Besançon dans le Doubs, la jeune femme de 22 ans admet tout de même que moralement cet arrêt forcé est difficile à vivre par moment : « Comment je me sens ? C’est assez difficile à dire, parfois j’ai le moral à zéro et je me dis que c’est complètement mort, que je trouverai rien et je ne vois pas pourquoi ça fonctionnerait l’année prochaine en tentant à nouveau ».

Néanmoins après un été passé à intenter des recours afin d’intégrer un master, une infime lueur d’espoir est venue éclairer l’avenir de Justine qui s’assombrissait de jour en jour : « Il y a un master où je suis actuellement deuxième sur liste d’attente, j’ai pu contacter le directeur du master qui m’a dit que si jamais je n’étais pas prise, je pourrai toujours faire un recours. Vu ma position sur la liste normalement ça devrait passer selon lui ».

Une plateforme mise en place pour tenter de trouver un master

A l’instar des deux étudiantes, des milliers de jeunes en recherche de Master ont tenté des recours pour être admis dans une faculté. Face à la situation désastreuse aux prémices de l’été, le gouvernement avait pourtant mis en place le 19 mai dernier par décret la plate-forme en ligne : « Trouver mon Master », qui devait permettre aux étudiants ayant essuyé des refus multiples de s’y inscrire et de voir leur candidature soumises à plusieurs universités par le biais du site. Puis sortant de son silence, après s’être beaucoup exprimée surl’islamo-gauchisme supposé présent dans les établissements de l’enseignement supérieur, la ministre Frédérique Vidal annonçait au mois de juillet la création de places supplémentaires dans « les filières sous tension ».

Malgré les annonces, nous voici en septembre : de nombreux étudiants sont, comme Justine et Sarah, en plein désarroi, et voient leurs ambitions broyées par des choix politiques (pour toujours moins de places) dont elles sont les premières victimes.

Je trouve ça injuste et scandaleux que des gens soient obligés d’arrêter leurs études et leur éducation sachant qu’ils ont travaillé et fait de leur mieux.

D’autant plus que beaucoup d’entre eux auront fait le nécessaire pour prétendre à une place en Master : « J’ai quand même été une bonne élève : j’ai fait beaucoup de travaux personnels, j’ai fait de mon mieux pour élargir mon horizon, avoir plus d’expériences à ajouter dans mon CV. J’ai fait des stages, j’ai fait partie d’associations, et même cette année par rapport aux cours malgré le Covid j’ai réussi à bien m’en sortir », explique Sarah. Elle continue : « Je suis quand même assez déçue, je trouve ça injuste et scandaleux que des gens soient obligés d’arrêter leurs études et leur éducation parce qu’ils n’ont pas été pris quelque part sachant qu’ils ont travaillé et fait de leur mieux. Je trouve ça juste scandaleux ».

Si je devais résumer en un mot la situation… Scandaleux et déprimant.

La détresse des étudiants sans solutions est relayée sur le terrain grâce à l’action de diverses associations étudiantes qui protestent sur les campus, comme ce fut le cas à Nanterre sous l’impulsion de l’Unef : « l’Unef est en train d’essayer de mettre la pression à la présidence de la fac, mais bon on est quand même bientôt en octobre et on est toujours sans réponse, ça commence à nous faire flipper. Si je devais résumer en un mot la situation… Scandaleux et déprimant», lâche Sarah. Sur les réseaux sociaux quelques comptes essaient tant bien que mal d’interpeller la ministre de l’enseignement supérieur, qui semble être encore une fois en décalage complet face au sort des étudiants sans master.

Alors même qu’ils se considéraient comme les grands oubliés de la pandémie, et que parmi les candidats annoncés à la présidentielle très peu ont soumis des propositions pour améliorer leur sort, ces jeunes femmes et hommes désireux de se former et de développer leurs compétences sont pour le moment tenus de s’effacer.

Félix Mubenga 

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