Alors que je viens de lire la lettre des enseignants et personnels d’Aubervilliers « Nous refusons de nous habituer à cette violence », je veux leur dire à eux et, à cette occasion, à tous ceux qui font l’Ecole d’aujourd’hui, ma reconnaissance et mon soutien.

Des hussards (et hussardes !) de la République, aux contractuel.le.s de l’enseignement ; des grandes lois scolaires de Jules Ferry, au fourvoiement du discours de Latran de Nicolas Sarkozy ; que s’est-il donc passé ? Pourquoi notre République s’est-elle ainsi détourné de ses premier.e.s combattant.e.s ?

« Ouvrez une école, vous fermerez une prison » : cette phrase que l’on attribue à Victor Hugo est la parfaite illustration du rôle central que remplit l’Ecole.

Nous vous confions une grande mission, car vous êtes les premier.e.s combattant.e.s de l’ignorance, qui conduit trop souvent à la haine et à la fermeture, quand au contraire la connaissance, l’esprit critique, mènent à la tolérance et à la créativité.

Vous êtes aujourd’hui confronté.e.s aux crises de notre société, à la montée des inégalités qui s’accompagnent de la montée de la violence. Vous êtes trop souvent confrontés au manque de mixité sociale. Malgré cela, vous continuez à monter des projets pédagogiques, des visites culturelles, des voyages scolaires pour éveiller les esprits de vos élèves. Je pense, en Seine-Saint-Denis, à mes nombreux échanges avec vous.

Je pense à cette enseignante de lettres qui a déployé une énergie considérable autour d’un projet d’étude sur l’Antiquité permettant même à ces élèves de voyager en Grèce ; je pense à cette autre enseignante qui s’appuie sur la répartie de ses élèves pour leur enseigner l’éloquence et la libre pensée ; je pense à ces enseignants qui ont créé un Fablab dans leur CDI, pour mettre les nouvelles technologies au service de leur pédagogie.

Pourtant, trop souvent, vous êtes caricaturés : « Trop payé.e.s », « toujours en vacances ou en grève », le fonctionnaire n’a pas bonne presse, encore souvent utilisé par certains responsables politiques ou dans « l’opinion publique » comme recours et comme valeur étalon des soi-disant privilégié.e.s.

Pourtant, vos conditions de travail se dégradent. Le salaire des enseignant.e.s est dans la moyenne basse des pays européens. Ainsi, un.e enseignant.e est deux fois moins payé.e dans le primaire comme dans le secondaire qu’en Allemagne, que ce soit en début ou en fin de carrière. Au Portugal, un.e professeur.e de collège partira avec 150 euros de plus à la retraite qu’en France.

De plus, les réformes successives, sans se soucier de l’efficacité et des effets des changements dans la durée ont accru le désarroi des équipes éducatives. Déjà submergé.e.s par des contingences administratives, les injonctions successives et les retours en arrière font perdre patience et confiance dans les institutions. La lettre de désespoir de Christine Renon en a fait un écho dramatique et retentissant.

Mal considéré.e.s, mal rémunéré.e.s… Est-il étonnant que ce métier soit face à une crise de vocation ? Un sondage Harris de 2016 montrait que 88% des enseignant.e.s estimaient que leur métier se dégradait. Le nombre de candidat.e.s au concours ne cesse de baisser depuis 2012.

Le mépris dans les paroles et dans les actes, l’excitation de la jalousie envers un statut soit-disant privilégié, doit cesser car il se fait au détriment de ce que l’école doit continuer d’incarner : l’espoir et la promesse d’égalité.

Nous vous demandons de transmettre des connaissances à nos enfants, de leur apprendre à réfléchir, de prendre soin de leur santé, de répondre à leurs difficultés et de les protéger. Nous continuerons de vous demander tout cela car nous vous confions ce que nous avons de plus précieux.

Les attentes de la société vis-à-vis de l’école n’ont pas changé. L’Éducation reste la première priorité des Français.es.

Nous attendons d’elle, qu’elle gomme les discriminations et les inégalités.

Nous attendons d’elle, qu’elle rende la vie de nos enfants meilleure que la nôtre.

Nous attendons d’elle, qu’elle fasse découvrir et apprendre à nos enfants tout ce que l’on ignore nous-même.

Cette attente, c’est l’espoir que tout n’est pas perdu, et que malgré le malaise et la souffrance des personnels, l’ambition républicaine de l’Ecole existe toujours dans l’esprit de chacun.e.

Étant moi-même un enfant de cette Ecole républicaine qui m’a tant appris, je veux vous redire mon admiration pour votre rôle. Je veux remercier les enseignant.e.s de mon enfance, qui m’ont ouvert le champ des possibles et mon transmis la volonté de chercher à améliorer l’avenir. Je me souviens d’eux et de leur bienveillance.

La société que nous voulons demain, nous la construisons maintenant avec ce que nous transmettons à nos enfants. Nous devons traiter l’Ecole et ceux qui la font avec autant de respect et de bienveillance que l’espoir que nous y mettons.

Ce message, je voulais vous l’adresser, enseignant.e.s et éducateurs et éducatrices, pour vous redire ma confiance et mon soutien indéfectible.

Continuez à porter haut la promesse d’émancipation au sein de l’école de la République.

Vous avez raison et je vous remercie !

Stéphane TROUSSEL, président du Conseil départemental de Seine-Saint-Denis

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