Les syndicats lycéens tels que la FIDL, l’UNL et la SGL sont en tête de cortège à quasiment toutes les manifestations étudiantes : on a pu les voir pendant la contestation du CPE en 2006, pendant la réforme des retraites en 2010 et dernièrement pour protester contre l’expulsion de Leonarda ou les violences policières à Sivens. Scolarisé dans l’enseignement privé, où la représentation lycéenne est limitée aux simples délégués de classe voire inexistante, je connaissais mal ce monde du syndicalisme lycéen. Direction donc l’université Paris X à Nanterre pour le congrès des élus organisé par l’UNL pour m’immiscer au cœur d’une organisation syndicale lycéenne.

Sur un campus désert, un bâtiment était animé par une joyeuse bande de 400 lycéens venus de toute la France, y compris d’outre-mer. Les participants parlent en sigles incompréhensibles pour les non initiés, à coup de « CAVL », « CVL » ou « CSE ». Après de brèves présentations, je dois choisir comme chaque participant un atelier d’une heure et demie sur une thématique lycéenne : ce sera sur la démocratie lycéenne dans le monde.

Sont présents le porte parole du syndicat lycéen italien majoritaire “Rete degli Studenti” et le responsable de la coordination internationale de l’UNL. L’atelier porte sur les initiatives dans les systèmes scolaires étrangers que l’on pourrait importer en France. L’idée de l’école seulement le matin comme en Allemagne ou en Italie séduit beaucoup. J’y apprends qu’en Italie ce sont les élus lycéens qui gèrent le budget alloué au financement des projets des élèves, qu’ils soient culturels, sportifs …

Tous les participants étaient ensuite rassemblés pour une séance plénière en amphi avec une intervention d’Ali Rabeh, délégué national à la vie lycéenne qui fait le lien entre le cabinet du ministre de l’Education et les représentants lycéens. Il déplore une application souvent partielle de la loi concernant les droits lycéens alors qu’elle est fondamentalement progressiste, elle se heurte au conservatisme de certains chefs d’établissement. Ces derniers voient souvent d’un mauvais œil la présence de plus en plus forte des élus lycéens dans des domaines auparavant réservés à la seule administration. Il sonde par exemple la salle sur la consultation des élus pour l’adoption des emplois du temps en juin dernier, ou encore la délégation par l’administration des Maison Des Lycéens (ex-foyers socioéducatifs) aux lycéens, mesure inscrite dans la loi depuis 20 ans et appliquée dans la moitié des lycées seulement.

Plusieurs élus l’interpellent à propos du Conseil Supérieur de l’Education (CSE), instance consultative présidée par le ministre de l’Education rassemblant représentants de l’enseignement, usagers et collectivités territoriales. Ils déplorent l’attribution de seulement 3 sièges sur une centaine aux élus lycéens.

UNL2

« Juridiquement, nous ne sommes pas un syndicat mais une association d’usagers »

Justement, j’ai voulu en savoir plus sur la représentation lycéenne et son pouvoir. Pour cela j’ai interrogé Laura, en 1ère L à Bondy et candidate UNL aux élections du CSE : « Il faut savoir que juridiquement nous ne sommes pas un syndicat mais une association d’usagers. Il est d’ailleurs mal vu par certains profs d’être « syndiqué », ils pensent que nous manquons de légitimité. Pourtant lors des séances au CSE on vote toutes les propositions, même celles qui ne nous concernent pas directement donc on est quand même reconnus. Nous, élus lycéens, on rencontre un autre problème qui est le manque d’information donc de participations des élèves à la vie lycéenne. Par exemple à Jean Renoir un élève s’est fait élire avec seulement une trentaine de voix sur 1200 élèves, ça souligne l’abstention … »

Les organisations lycéennes se confrontent également au problème du renouvellement constant de leur base militante, étant donné que le lycée ne dure que trois ans et que la majorité des responsables sont en Terminale ou en Première. La formation des nouveaux militants est donc un enjeu capital, même si les anciens continuent de transmettre leur expérience lors des réunions nationales.

Peu de franciliens étaient présents au congrès, période de Bac blanc oblige. Avec des participants majoritairement de province, les profils des participants sont très variés. J’ai eu la chance de rencontrer Yasar, en deuxième année de CAP logistique en Lorraine. Il m’a parlé de son engagement lycéen, dans lequel il est très investi: «  J’ai intégré l’UNL parce que les lycéens des filières professionnelles sont stigmatisés alors qu’ils ont aussi leur mot à dire, on est des lycéens au même titre que ceux en S ou en ES. Par exemple, pourquoi la philosophie n’est pas enseignée en lycée professionnel ? Grace à mon étiquette d’élu lycéen au niveau national,  j’ai pu rencontrer la ministre de l’Education national Najat Vallaud-Belkacem  pour lui parler de tout ça.»

Malgré leur rôle purement consultatif, les élus lycéens semblent de plus en plus intégrés au processus décisionnel à travers leurs relations avec le ministère, les associations de parents d’élèves ou l’UNEF. De nombreux militants décident d’ailleurs de prolonger leur engagement syndical au sein de l’UNEF, qui partage de nombreuses valeurs et revendications avec l’UNL, les deux organisations étant proches du Parti Socialiste. Plusieurs militants que j’ai pu rencontrer partageaient également un engagement dans les jeunesses Socialistes et Communistes.

Les mouvements lycéens semblent se développer, avec un nombre toujours plus grand d’adhérents années après années. En parallèle du dialogue mené avec les pouvoirs publics, ils sont de plus en plus structurés au niveau européen avec des initatives telles que l’OBESSU (The Organising Bureau of European School Student Unions), organisation qui regroupe les syndicats d’une vingtaine de pays. Néanmoins une majorité d’élus des instances locales en France sont indépendants, ils préfèrent ne pas s’affilier à un syndicat et ne pas avoir à respecter une ligne définie tout en restant sympatisants.

 

Victor Mouquet

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