Les collèges et lycées situés en zones urbaines sensibles peuvent à tout moment sombrer dans la violence. Triste et banale réalité. En se rendant mercredi dernier au lycée Jean-Baptiste Clément, en Seine-Saint-Denis, huit jours après qu’une bande y eut semé la terreur parmi les élèves, Nicolas Sarkozy a pris acte de cette dérive. Le président de la République a déclaré à cette occasion que les établissements scolaires devaient être « sanctuarisés » contre la violence et annoncé des mesures répressives contre les bandes.

Réponse du loup au berger, le lendemain de l’intervention du chef de l’Etat, une meute a pénétré dans un collège de Garges-lès-Gonesse, dans le Val-d’Oise, mordant le principal. Nicolas Sarkozy veut mettre l’école à l’abri des tourments de la société ? Ambitieux programme.

Les lycées ont depuis tout temps leur propre « police ». Ce sont les conseillers principaux d’éducation (CPE), sorte d’officiers en civil veillant à la sécurité des établissements. Ils remplissent de nombreuses tâches : gestion de l’absentéisme et des retards des élèves ; application de la discipline; les décisions de mise à pied, relèvent, elles, des chefs d’établisement.

En dessous des CPE, on trouve les assistants d’éducation, les « sous-off » du dispositif. « La clé de la sécurité dans un établissement scolaire, c’est la présence des CPE et des assistants d’éducation sur le terrain et la bonne connaissance des élèves », affirme David Capdepont, CPE dans un lycée de 800 âmes de Seine-Saint-Denis, dont il demande de taire le nom.

Seulement, la bonne connaissance des ouailles ne suffit plus à prévenir les actes violents. Des dispositifs sécuritaires ont été ajoutés. Dans le lycée où David Capdepont officie, une caméra de vidéosurveillance filme les entrées et sorties à la grille. Pour accroître son efficacité, un assistant d’éducation est présent à cet endroit névralgique. Son rôle est un peu celui d’un videur d’une boîte de nuit : il filtre les entrées de façon à interdire l’accès aux personnes, généralement des jeunes, non scolarisées dans le lycée, la plupart des violences résultant de l’intrusion d’éléments extérieurs.

Le filtrage, c’est risqué. « L’an dernier, raconte le CPE, je me suis fait agresser par un individu entre 25 et 30 ans, il m’a donné des coups de tête et des coups de poing ; j’ai porté plainte, il a été déclaré irresponsable. » En cas de doute, la personne « de garde » à l’entrée peut demander à l’élève de présenter son « carnet de liaison », document sur lequel sont inscrits son identité et le nom de l’établissement où il est scolarisé. D’autres lycées vont plus loin encore dans le dispositif sécuritaire en distribuant des badges aux élèves, comme certaines entreprises le font avec leurs employés.

Le lycée qui emploie David Capdepont a connu des phénomènes de bandes venant de villes différentes. Pour les traiter, des classes supplémentaires ont été aménagées dans les lycées de ces localités afin que chaque bande reste chez soi. Mais cela n’empêche pas qu’ailleurs, des « gangs » effectuent des descentes dans des établissements qui ne sont pas les leurs. « Il est impossible de sanctuariser les lycées comme le veut Nicolas Sarkozy, soutient le conseiller principal d’éducation. Les violences en milieu scolaire sont très souvent le prolongement de conflits entamés à l’extérieur des écoles. »

Impossible, sauf à transformer les écoles en camps retranchés. Un débat a été engagé sur la nécessité ou non d’installer des portiques de sécurité à l’entrée des collèges et lycées. En 2006, le conseil général de l’Isère avait fait une proposition en ce sens, restée sans suite. Des syndicats de police, estimant que les trafics en tout genre se poursuivent à l’intérieur des établissements scolaires, font pression sur les politiques pour qu’ils y autorisent la présence permanente de policiers. Ceux-ci se contentent pour l’instant d’effectuer des fouilles et des contrôles d’identité d’élèves aux abords des établissements. Certains élèves étant sans titre de séjour en France, des surveillants les préviennent à l’arrivée de la marée-chaussée. Mais les flics parmi les profs, comme aux Etats-Unis ? Le remède serait pire que le mal, ont estimé jusqu’ici les personnels de l’éducation nationale.

Le pli, cependant, est pris. Et la frontière entre la prévention et la répression s’estompe. « Nous coopérons avec la brigade des mineurs, ainsi qu’avec des éducateurs de quartiers, explique David Capdepont. Cela se passe dans la discrétion. Des policiers en civil, sans brassard, viennent parfois dans notre lycée pour y chercher un élève. Jamais, toutefois, ils ne lui passent les menottes, et ce sont toujours des personnels scolaires qui se chargent d’aller trouver l’élève en classe. »

Ainsi va la vie dans de nombreux collèges et lycées. Les dispositifs de sécurité sont-ils suffisants ? « D’un point de vue quantitatif, oui, répond le CPE qui croit ferme en sa mission. Du point de vue des effectifs, non. » Eternel débat…

Antoine Menusier

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