Jeudi 3 avril, les lycéens bac pro opposés aux décisions du ministre Darcos se retrouvent à la station Luxembourg pour le départ de la manif. Comme la semaine dernière. J’arrive un peu à la bourre. Dès la sortie de la rame du RER, le ton est donné : une centaine de jeunes envahissent le quai, crient et tapent sur tout ce qui peut faire du bruit. Les touristes filment le spectacle.

Dehors, le soleil est de la partie. Le cortège est déjà en branle et je me mets à avancer. Les lycéens sont bien plus nombreux que la dernière fois. Ils sont venus de toute la région parisienne pour manifester contre les suppressions de postes. Mais d’autres, une minorité, sont apparemment là pour « s’amuser ».

Ils ne sont pas rangés correctement dans le cortège, ils avancent plus vite que les autres et n’ont pas l’air de manifester. Comme par hasard, ils affectionnent les capuches et écharpes, qui leur masquent le bas du visage. Plus ils progressent, plus ils sont nombreux, grâce à un recrutement d’autres jeunes, qui les suivent instinctivement. Les ralliés ne savent pas ce qu’ils vont faire mais ils savent qu’avec une telle équipe, à un moment donné, il y aura « embrouille ».

Bingo ! Tout à coup tout le monde se met à courir dans le sens opposé de la manif pour fuir quelque chose. Les policiers en civils ont péché deux trublions. Et à partir là, la manif prend une autre tournure. Une rangée de CRS vient s’aligner et une partie du cortège est bloquée pendant que les premiers manifestants continuent leur route.

Forcément, la tension monte. Les projectiles pleuvent et les jeunes excités veulent en découdre avec les CRS en s’approchant d’eux de plus en plus et en les insultant jusqu’à ce que une bonne vielle dame s’interpose. La courageuse prof se met entre les jeunes et les forces de l’ordre pour éviter l’affrontement. Chapeau madame ! Du coup, d’autres profs lui viennent en aide. Une barrière humaine prend forme, les CRS n’oseront pas charger et les jeunes excités sont freinés. Désormais, le mot d’ordre est : « Peace ! »

Après plus d’une demi-heure à l’arrêt, le cortège peu enfin repartir. Mais, nouveauté, ce sera au rythme des CRS. Face à la manif, ceux-ci reculent doucement, bien rangés. De nombreux profs tentent de calmer les jeunes excités en leur confisquant leurs projectiles, et en faisant des appels au calme avec les mégaphones.

La situation est la suivante, dans l’ordre : 1) des CRS qui marchent en arrière ; 2) un cordon humain pour éviter les affrontements ; 3) un groupe d’excités ; 4) les manifestants. Les CRS chargent de temps en temps pour aller choper quelques jeunes qu’ils ont réussi à repérer. La synchronisation est parfaite avec les policiers en civils qui surgissent alors comme de nulle part.

La chaîne humaine composée de professeurs et d’élèves aura fait un travail remarquable en essayant de gérer au mieux les assauts de tous bords. En même temps, certains scandent : « Police partout, justice nulle part !», ou encore : « Flics, gendarmes, qu’est-ce qu’on ferait pas pour un salaire ! »

Les jeunes excités, eux, envoient des projectiles sur les CRS qui se protègent avec leur bouclier. Parfois, ils crient également des slogans, indiquant le département d’origine des groupes. On entend alors des « 92 », « 93 », « 94 », mais au criomètre, c’est le « 78 » qui l’emporte. Incroyable ! Ils disent d’autres choses encore, qui me font bien rire mais qui ne feraient certainement pas rire tout le monde. Alors, je ne les retranscris pas.

On l’aura compris, les vrais manifestants sont les perdants de la journée. Ils ont dû poireauter des heures, la destination du cortège, le ministère de l’éducation nationale, a été changée. Arrivé au métro Saint-François-Xavier, personne ne va plus loin, des camions anti-émeutes barrent la route, le métro est fermé et les rues adjacentes sont également condamnées. La seule solution pour se dégager est de faire chemin arrière. La foule se disperse, les charges de CRS ont finalement calmé les esprits.

Pourquoi ceux que j’appelle les jeunes excités ont-ils agi ainsi ? L’effet de groupe certainement, une sorte d’hooliganisme de banlieue qui trouve là de la distraction. Combien sont-ils ? Peut-être moins d’un pour-cent des jeunes présents à la manif, mais ce pour-cent-là tire toute l’attention à lui et entretient dans la tête des gens la croyance selon laquelle tous les jeunes de banlieue sont à cette image. C’est un peu comme l’histoire de la banderole du PSG anti-Chtis. Quelques types déraillent mais c’est toute une tribune qui est montrée du doigt. Ces jeunes excités sont nés en France, ils y ont grandi. C’est une partie de la jeunesse française. Il faudra s’attendre à de nouvelles tensions lors des prochaines manifestations contre les suppressions de postes dans les lycées bac pro.

Chou Sin

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