À l’Ascension, tout objet ou concept est destiné à s’élever dans les airs : la température, Christ, les kilomètres de bouchons de notre cher Bison Futé et les déclarations du ministre de l’éducation nationale, Xavier Darcos. Ce dernier, au congrès de la PEEP (fédération des Parents d’élèves et de l’enseignement public, considérée plus à droite que la première fédération en importance, la FCPE, Fédération des conseils de parents d’élèves des écoles publiques), a déclaré vouloir créer une « brigade » d’intervention destiné à fouiller les élèves potentiellement porteurs d’armes blanches.

Cette déclaration fait écho à l’agression, le 15 mai, d’une enseignante poignardée par un collégien, en Haute-Garonne. Dans une dépêche, le ministre de l’éducation nationale précise que « puisqu’il faut des moyens, mais des moyens bien utilisés, je veux mettre en débat la possibilité de créer, auprès des recteurs, une force mobile d’agents qui pourront intervenir dans les établissements sur des missions de prévention et de contrôle ».

Le gouvernement affiche depuis le début la volonté de « sanctuariser » les collèges et lycées, principalement ceux « à risques ». Cette « sanctuarisation » doit passer par une présence normée et effective de l’Etat dans les établissements, quitte à introduire des policiers dans les bahuts, comme l’a émis Christian Estrosi, le maire UMP de Nice.

L’annonce de Xavier Darcos au 90e congrès de la PEEP à La Rochelle, s’est ébruitée comme une musique de fond dans les médias dès le jeudi soir. Mais week-end de quatre jours oblige, l’annonce est rapidement devenue un refrain, répété et rabâché, avant d’avoir son effet boule de neige (pourtant, il faisait chaud). La « reprise médiatique outrancière d’une piste de réflexion du ministre », tel que la PEEP nomme tout le tintouin fait autour de cette idée, n’est autre que le fruit d’un week-end pauvre en actualité, en attendant la fin de Cannes, le foot et les encombrements sur l’A10.

Dans l’un de ces irréductibles lycées de Seine-Saint-Denis, les propos de Darcos semblent loin d’inquiéter le corps éducatif et enseignant. Pour Vladimir, professeur d’histoire-géographie et de lettres, « cet effet d’annonce fait partie de l’arsenal démagogique utilisé par le gouvernement pour parler de sécurité ». Toutes les personnes que j’ai interrogées s’accordent à juger la proposition de Darcos « ridicule » et rappellent que la fonction d’un professeur et de tous personnels éducatif n’est pas celle de policier. « Le lycée ne doit pas faire encore plus usine qu’il ne l’est, il semble que le ministère oublie notre vocation », confie Christine, professeur de management.

Stéphanie, assistante d’éducation (surveillante) depuis quatre ans, ancienne éducatrice et future conseillère principale d’éducation revient sur la nature même des propositions. « L’arsenal juridique existe déjà. Le délit d’intrusion (remis en selle par le président et le ministre depuis l’épisode du lycée de Gagny, ndlr) existe depuis quelques années déjà ; de plus, un établissement a la possibilité d’appeler la police afin de procéder à des fouilles. »

Le délit d’intrusion, sur lequel le gouvernement souhaite légiférer, est stipulé dans nombres de règlements intérieurs, signés par les parents et les élèves lors de l’entrée au collège ou au lycée. Quant aux éventuelles fouilles, elles sont possibles et sont du ressort du chef d’établissement, qui préfère souvent régler l’affaire en interne plutôt que de requérir l’intervention des pandores. « La police n’intervient que rarement, c’est encore tabou, un établissement n’a pas envie de révéler son degrés de violence. Tout ce qui est proposé existe déjà, poursuit Stéphanie, il s’agit d’effets d’annonce destinés à rassurer les parents ». La vocation des « brigades » de Darcos est avant tout de lutter contre l’introduction d’armes blanches dans les établissements scolaires, « mais les violences avec armes blanches sont minoritaires », continue Stéphanie.

La violence à l’école existe, c’est un fait, pour la future CPE, « les origines de cette violence sont plus complexes et dépendent des problèmes d’orientations, des voies de relégations, de la stigmatisation d’un territoire et son effet miroir ; mais elles sont aussi fondamentalement liées aux inégalités sociales, territoriales, à l’avenir incertain, et à une multitude de facteurs qui imbriqués les uns dans les autres forment un exutoire potentiel pour l’expression d’une violence ponctuelle, quotidienne, intériorisée. La violence est une problématique de fond qui ne peut être traitée qu’au regard d’une reconsidération du système. »

Pour Stéphanie, les solutions à cette violence doivent être recherchées dans les partenariats déjà existants, avec les comités d’éducation à la santé et la citoyenneté, les plannings familiaux ; mais il est aussi « nécessaire de travailler sur le climat de l’établissement, sur la relation avec l’adulte, l’élève, la cohésion et peut-être travailler sur un partenariat intelligent avec la justice et la Police ».

Le gouvernement, Darcos et Estrosi en tête, ne font pas l’unanimité dans le milieu éducatif, l’arsenal sécuritaire qu’ils veulent déployer semble inadéquat par rapport aux réalités et préoccupations quotidiennes. Derrière ces propositions qui témoignent d’une approche américaine du traitement de la violence à l’école, se cache une forme d’impuissance à lutter contre l’échec en milieu scolaire.

Adrien Chauvin

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