Pour tous les collégiens la troisième est une année décisive. L’élève doit choisir son orientation entre une seconde professionnelle, générale, technologique ou bien l’apprentissage et l’alternance. Sélectionner son futur lycée n’est pas chose aisée. Définir quelle dérogation faire, non plus. Comment réussir à détourner la carte scolaire ? On explique à des adolescents de 14-15 ans que les cases qu’ils cochent représentent leur avenir. Tous les ans, c’est le même dilemme pour l’élève. Il est déchiré entre choisir un lycée qui lui est attribué ou partir. Ô rage ! Ô désespoir ! Ô inégalités scolaires !

Que dois-je choisir, Shcweitzer au Raincy (93) ou bien Jean Renoir à Bondy ? Partir, me déraciner et laisser mes amis ? Essayez de comprendre ! A l’adolescence, il n’y a qu’avec les copains que les émotions battent au même rythme. Que nous nous adorions ou nous détestions, seule l’amitié compte. Et il paraît évident que l’élève veuille rester avec son (sa) meilleur(e) ami(e), son(sa) petit(e) copin(e), sa confidente et j’en passe.

Quatre années de scolarité pour réussir à se faire écouter, apprécier et reconnaître. Se rendre compte que même en quatre ans vous n’êtes pas certain de qui sont vos amis ou vos « ennemis ». Ou bien tout simplement parce que vous vous plaisez dans l’établissement. On ne veut rien changer.

Mais les parents souhaitent toujours le meilleur pour leurs enfants. Certains font en sorte que les désirs de leurs chérubins soient exhaussés. D’autres laissent à l’adolescent la liberté de faire ses propres choix. Et puis il y a les parents qui surveillent, parfois mal. Et enfin les parents qui dirigent tout. Ceux qui en savent toujours plus, pensent mieux et pensent agir mieux.

Mais un adolescent ne peut pas faire un choix aussi important s’il est seul. Il s’attachera simplement à la partie superficielle (amitié, distance, etc.) et non pas à la question de fond (niveau scolaire, environnement de l’établissement, réussite, etc.). Le problème est que la partie superficielle pour les parents est pour les enfants la partie la plus importante. Alors, à qui donner raison ?

Tout le dilemme est là : mes parents veulent me scolariser à Albert Schweitzer au Raincy (classé 593° sur 1930 établissements, au niveau national par rapport à la réussite au bac). Bon lycée, qui compte une option Art du son permettant aux élèves volontaires de suivre une formation musicale, ce qui serait dans la suite de ma classe CHAM (Classe à horaires aménagés musique) au collège Jean Renoir à Bondy. Depuis quatre ans, j’y pratique un instrument, participe à un orchestre et suis des ateliers d’art du son et d’art de la scène.

Il est donc évident pour mes parents que je dois poursuivre cette activité, mais dans un établissement plus réputé. Ce n’est peut-être pas mon choix professionnel mais, comme ils le disent : « Quand on commence quelque chose, on le finit bien ! »

Pour ou contre cette option ? Il faut savoir que le choix du lycée Schweitzer est la seule option de dérogation qui s’offre à moi. Le changement m’apprendra à mieux m’adapter à des milieux encore inconnus. Avoir de nouveaux amis ne signifie pas perdre les anciens. Mais, promesse en l’air, on dit toujours qu’on viendra voir ses amis, pour ensuite oublier et prétexter de ne pas avoir le temps. On n’a jamais le temps quand on est obligé de penser comme des adultes alors que nous n’avons que 15 ans.

Quant à moi, j’aimerais faire ma seconde à Jean Renoir à Bondy, même s’il est moins bien classé que le lycée Schweitzer  (1623° sur 1930). Mais j’espère devenir journaliste et le lycée Jean Renoir compte une Prépa Sciences-po, il héberge aussi la seule radio libre de Bondy et puis il y a le Bondy Blog qui est dans la continuité de mes choix.

Mais je suis aussi envahie par ce sentiment de culpabilité, celui de laisser Bondy pour partir ailleurs. A dénoncer toujours les inégalités scolaires, je trahirai mes convictions :  pourquoi un élève de banlieue a moins de chances de s’en sortir professionnellement ? Si vous pensez que non, alors pourquoi lorsque l’un d’entre eux s’en sort, l’on en parle comme d’un événement ?

Si tous les meilleurs élèves partent pour le privé ou de meilleurs établissements que restera-t-il de volonté aux professeurs qui se retrouvent avec des classes d’un niveau moyen, voire médiocre ? Quelques têtes de classe pour augmenter le niveau et pousser les autres à travailler ? Pourquoi s’étonne-t-on par la suite que certains établissements subissent de plein fouet l’échec scolaire ? Pourquoi faut-il sortir pour s’en sortir ?

Lors d’une interview pour l’émission Génération Bondy, j’ai pourtant posé cette question à Benoît Hamon, porte-parole du Parti socialiste. Il m’avait alors répondu que « [son] parti politique travaillait à l’ouverture des grandes écoles aux banlieues ». L’incompréhension fut complète pour moi, comme pour les collégiens qui espéraient une autre réponse. Ce que nous voulons, ce n’est pas l’ouverture des grandes écoles aux banlieues, mais que les grandes écoles viennent à nous !

Jasmin Nahar

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