Si un génie de la lampe se présentait aux présidentielles, je lui échangerais ma voix contre deux vœux : un train pour « Clichy au fond des bois « et une université française qui prépare à la vie active. Cette dernière, en l’état actuel, est un véritable bourbier phagocytant ce temps précieux normalement réservé aux années clefs de la formation professionnelle. Mise à part quelques filières, la fac est un des plus sûrs moyens de finir dans cette catégorie sociale en pleine expansion, que je me fais une joie de représenter, le prolétariat académique.

Le fait que la grande majorité des nouveaux bacheliers s’inscrit en université pose un réel problème. Ils vont foutre les pieds dans des années d’études avec un gage de débouché des plus minimes. Les littéraires et les sciences humaines représentent à mon sens les filières avec le plus gros risque. Leur principal débouché, l’enseignement, passe par des recrutements sur concours où le nombre de postes chute d’année en année. C’est d’autant plus dramatique que la sélection se fait à la fin des études, où prendre une autre voie est délicat.

Avant de mettre les pieds en fac, une réflexion sur son orientation est donc de mise. Suivre ses envies est essentiel, mais les ancrer dans la réalité du marché de l’emploi l’est tout autant. Ne pas avoir d’ambitions bridées est également important pour les plus doués. Normalement, il y a des gens payés pour accompagner l’étudiant dans cette démarche : les conseillers d’orientation. J’ai un souvenir bien précis de ce corps de métier : une dame derrière son bureau d’accueil me jetant un regard agacé parce que j’ai perturbé sa passionnante lecture d’un magazine de mode; ça et les mots «non,  ce n’est pas possible ».

Le souci vient aussi du fait que dans beaucoup d’établissements (et de familles), le bac représente un aboutissement quasi ultime et la fac, sa suite logique. Combien d’élèves dans nos quartiers ont entendu parler des classes préparatoires avant le dernier trimestre de Terminal ? Khâgne et Hypokhâgne; combien savent ce que c’est ?

Autre point irritant : la sectorisation. Le diplôme de Paris 8 (saint Denis) n’est pas aussi bien vu que celui de la Sorbonne, et il n’y a pas la même émulation dans le quartier latin qu’autour du terrain vague boueux de Villetaneuse. Je dirais par contre que les professeurs se valent, en rappelant au passage que très peu de maîtres de conférences sont passés par nos universités. La plupart ont suivi les filières d’excellence (sauf peut être les plus anciens).

Pourtant il n’y pas de fatalité. Ce que reprochent les entreprises aux universitaires c’est leur manque de pratique. Généraliser les stages dans nos facultés fournirait un gros plus aux étudiants. C’est d’ailleurs la démarche des licences pro et de certains masters spécialisés nouvellement créés à la suite de la reforme LMD. Quelques uns d’entre eux permettent vraiment de rentabiliser ces années d’étude, quitte à carrément changer de voie. Encore faut-il miser sur le bon cheval, vu qu’il existe des milliers de formations de ce type, qui ne se valent pas toutes. 80% d’une classe d’âge au niveau BAC c’est bien beau, mais ce précieux sésame, ne devrait pas déboucher sur ces véritables culs de sacs professionnels qu’offrent nos universités. Sans parler du fait que former des bac+5 qui finissent au MC Do, c’est beaucoup de sous jetés par les fenêtres.

Idir Hocini

Idir Hocini

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