Ce jeudi matin dans les couloirs du lycée de l’ENNA à Saint-Denis (93), un élève de 15 ans qui venait juste d’intégrer l’établissement, a violemment agressé le proviseur et son adjointe dans les couloirs du lycée. Les deux responsables ont été amenés à l’hôpital et souffrent de plusieurs blessures. 

Tous ceux qui étaient présents ce matin décrivent une scène d’une violence inouïe. Il est un peu plus de huit heures, ce jeudi, quand un professeur du lycée d’application de l’ENNA à Saint-Denis (93) amène chez la proviseur-adjointe un de ses élèves. Celui-ci n’est pas censé être en cours. Arrivé dans l’établissement en début de semaine, il a menacé, la veille de l’agression, un de ses professeurs, poussant la direction à convoquer ses parents et à le refuser dans l’établissement tant que cette rencontre n’avait pas lieu.

C’est peu ou prou ce qu’elle lui explique ce matin-là. Le proviseur et son adjointe, dans le couloir qui mène à leurs bureaux, lui maintiennent qu’ils veulent absolument voir un adulte de sa famille avant de le réintégrer. Le lycéen bougonne et se dirige vers la sortie, selon un témoin, puis fait demi-tour et s’en prend directement au proviseur. Verbalement, d’abord, puis physiquement. Encore sous le choc, les rares personnes présentes à ce moment-là et quelques agents du lycée parlent « d’une balayette » qui a fait tomber le proviseur, puis de « coups de poings« , de « coups de pieds« , d’un « coup de coude » assénés à la proviseur-adjointe venue s’interposer. Ils racontent avec horreur le sang « qui coulait sans s’arrêter« , les « yeux révulsés » du proviseur, inconscient au sol, la « violence qu’on ne pouvait pas arrêter » de ce lycéen de 15 ans que personne ou presque n’avait eu le temps de connaître, les « trois ou quatre personnes qui viennent le calmer et qu’il fait tomber »

Les policiers, dont le commissariat est situé à 50 mètres à peine du lycée, sont arrivés rapidement sur place. Trop tard, toutefois, pour interpeller le lycéen, qui a eu le temps de s’échapper. En début d’après-midi, il n’avait pas encore été interpellé et n’était pas à son domicile, indique Le Parisien. Les pompiers ont emmené le proviseur et son adjointe aux urgences de l’hôpital Delafontaine, tout proche où ils sont en observation pour des examens complémentaires. Le premier a un bras cassé et des points de suture au niveau d’une oreille, tandis que la proviseur adjointe a le nez cassé et souffre d’une blessure à l’oeil.

Selon nos informations, l’élève agresseur est arrivé au lycée de l’ENNA en début de semaine. Il évolue dans un contexte familial et social particulièrement difficile, est déjà passé par trois conseils de discipline au collège. Il était identifié et connu comme un élève au parcours compliqué d’où l’affectation survenue seulement en octobre.

Tous les cours annulés

Tous les cours ont été annulés pour la journée et les parents en ont été avisés par SMS. Le tout dans une atmosphère particulière, où personne ne savait réellement ce qui s’était passé, comme cet élève qui assurait avoir entendu « que quelqu’un avait agressé le proviseur au tournevis ». C’est vers 10 heures qu’un communiqué de Najat Vallaud-Belkacem, la ministre de l’Education nationale, a été envoyé aux rédactions. « La ministre condamne fermement cet acte de violence inacceptable », peut-on y lire. L’inspecteur académique s’est rendu sur place ainsi que les équipes mobiles de sécurité de l’académie de Créteil. Rassemblés en fin de matinée dans l’amphithéâtre de l’établissement, les professeurs se sont vus proposer l’assistance d’une cellule médico-psychologique, ainsi que tous les membres de la communauté scolaire du lycée.

Pas de quoi dissiper, toutefois, l’incompréhension, la colère sinon la peur que trahissaient certains regards. Au kiosque du lycée, ce petit stand qui fait office de cafétéria, les deux employées semblent perdues. Il est midi, l’heure à laquelle, d’habitude, se pressent les lycéens pour acheter salades, sandwichs et autres formules midi. Ce jeudi midi, rien de tout cela. Même plusieurs heures après l’agression, les deux femmes semblent encore sous le choc. « Ça va, toi ? », souffle l’une à sa collègue, qui lui répond. « Je suis complètement déconnectée là, je suis ailleurs ».  Après un silence, la première lui tapote l’épaule. « Allez, ça va aller… Si tu as besoin d’aide, tu me le dis… » Même inquiétude chez les professeurs, que les quelques mots de l’inspecteur académique n’ont visiblement pas suffi à rassurer. Certains sont même partis avant la fin de la réunion, regrettant « l’absence de solutions concrètes ». Tous partagent une même sidération face à la violence des faits.

Dans les couloirs quasi-déserts du lycée, ceux qui sont là prennent, avant toute chose, des nouvelles du proviseur et de son adjointe. On entend, ici et là, une même compassion pour ces deux « professionnels appréciés de tout le lycée », glisse un membre du personnel. « Même un élève tout à l’heure m’a dit ‘Mais c’est une crème, le proviseur, pourquoi ils lui ont fait ça ?’ ». Très vite, pourtant, lorsque l’émotion sera passée, il faudra se poser la question de l’après. Et celle, triviale mais essentielle, de la reprise des cours. « Moi, je ne fais pas cours demain », affirme un professeur dans les couloirs, sous couvert d’anonymat. On ne peut pas reprendre comme si de rien n’était ». Droit de retrait ? Grève des professeurs ? A l’heure où ces lignes étaient écrites, la communauté éducative du lycée de l’ENNA n’avait pas encore décidé de la suite à donner à cet incident.

Ilyes RAMDANI

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