Sandrine a achevé de suivre un parcours scolaire « typique » à l’âge de 15ans grâce à une dérogation de ses parents. Pourquoi ? Afin d’entrer en alternance dans un salon de coiffure. Lorsque je lui en parle encore aujourd’hui, elle ne regrette pas ce choix qui n’était pas fait par défaut : « L’école ne me plaisait pas du tout, contrairement au monde de la coiffure ».

Le problème est qu’à 40 ans, elle fût déclarée, par la médecine du travail, inapte à la pratique de la coiffure à cause de ses problèmes de dos. Dès lors reconnue comme travailleuse handicapée, elle dû se recycler professionnellement. C’est ici que commencent les galères de cette Bondynoise.

La 1ère étape de ce changement fut d’établir un bilan de compétence à Villemomble, pour connaitre son niveau d’étude vu qu’elle n’avait pas touché à un cahier depuis qu’elle avait quitté l’école. Elle avait alors, à 40 ans, le niveau scolaire d’un élève de 5ème. On lui a alors proposé plusieurs métiers : ou bien elle n’avait malheureusement pas le niveau requis ou bien une incapacité de pratiquer cet emploi à cause de son handicap. Vu que le centre des compétences a décelé chez elle un bon niveau de français, elle s’orienta alors vers le secrétariat.

Afin de se remettre à niveau en mathématiques et en français, elle a pris des cours par correspondance pendant 1 an. Ce système propose 6 heures d’exercices par jour, de niveau CM2 jusqu’à la 3ème, que l’on rend chaque semaine à un centre d’examen de Stains qui corrige, note les copies et donne des exercices supplémentaires. Grâce à un travail sérieux, en 1an, Sandrine a réussi à acquérir 5 ans de savoir dans ces 2 disciplines phares.

Après ce stage de remise à niveau, elle fit une formation dans le XIIème arrondissement de Paris, à l’AFPA où elle réussit à obtenir un CAP de secrétariat en 2 mois. « Ce fut très dur pour moi de me rassoir sur une chaise d’école après 25 ans. Mais bon, je n’avais pas le choix, j’étais au pied du mur et quand on veut, on peut ! » Ce genre d’apprentissage se fait principalement par voie informatique alors que Sandrine n’avait jamais été en contact avec un ordinateur. D’où la double difficulté : revenir à l’école mais aussi savoir s’adapter rapidement à un nouveau support de travail.

Pour poursuivre son apprentissage dans le domaine du secrétariat, elle a dû suivre une formation d’un an et demi à Jean-Pierre Timbaut, à Montreuil, au « Centre Social et Professionnel pour personnes handicapées ». Ces 18 mois furent intenses : 2 stages en entreprise pour mettre en pratique ses savoir-faire en comptabilité et en gestion commerciale (cette formation était rémunérée à 1600 euros le mois grâce au Conseil Régional d’Île de France). Ici aussi elle a pu remarquer l’importance de l’outil informatique pour le travail. Cette formation fut conclue par la remise d’un CAP d’agent administratif.

Après lui avoir demandé quel type de public fréquentait les classes du centre social, j’ai appris qu’il accueillait la majeure partie du temps les étudiants dépressifs, drogués, déclarés inaptes à la pratique d’un travail physique et certains avaient des problèmes psychomoteurs. Beaucoup de personnes de cette classe durent quitter les cours après avoir craqué, n’ayant pas fait le travail de remise à niveau demandé au préalable.

Cependant, lorsque ma tante me décrit l’ambiance qui régnait dans le centre social, je n’y décèle pas un quelconque regret d’avoir fréquenté les bancs de cette classe : « L’ambiance était chaleureuse, pleine de solidarité… C’est une bonne école de la vie quoi ».

Après avoir obtenu tous les diplômes nécessaires à sa réinsertion professionnelle, Sandrine a trouvé un travail dans les bureaux de la CGT après un entretien d’embauche, des tests et 2 Contrats à Durée Déterminée de 6 mois chacun. Cependant lorsque l’on reparle de la coiffure, elle évoque un certain regret de ne plus pouvoir pratiquer sa passion, et le fait que son travail actuel est difficile car elle « entend toutes les misères des gens à longueur de journée en plus de [mes] soucis personnelles ». Cependant sa nouvelle ambiance de travail lui plaît et elle éprouve une certaine fierté d’avoir réussi à surmonter, après trois ans, la dure épreuve de la reconversion professionnelle.

Tom Lanneau

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