Tamim est blogueur au Bondy Blog. Elève de Terminale au lycée Mozart du Blanc-Mesnil (93), il a décidé, ce vendredi, avec ses camarades, de bloquer l’entrée de son lycée pour protester contre l’incertitude qui pèse sur le dispositif ZEP. Témoignage.

Réveil à 6h ce vendredi matin, une heure avant l’horaire habituel. Matinal, n’est ce pas ?! Il faut dire qu’hier soir, sur Whatsapp, à la suite de la journée de grève de nos professeurs, inquiets de voir disparaître le dispositif éducation prioritaire pour le lycée, nous nous sommes dits qu’il fallait aussi que nous nous exprimions et vite. Nous partageons leur même inquiétude.

C’est donc en une soirée et en l’espace de deux heures que nous avons tout préparé. Surtout, il fallait convaincre les septiques, sans rien : ni pancarte, ni banderole, ni mégaphone, armés seulement de quelques arguments et d’une détermination pour faire prendre conscience aux élèves qu’ils étaient tous concernés par cette mobilisation.

Nous sommes plutôt fiers de ce penchant d’engagement et militant amené, entre autres, grâce à l’option Science po, une convention passée entre le lycée et la grande école, très populaire à Mozart et par des professeurs toujours très motivés à nous faire comprendre les enjeux qui sont les nôtres. Un lycée qui n’est pas n’importe lequel : le lycée Mozart du Blanc Mesnil arrive premier du classement du Palmarès des Lycées 2016 réalisé par Le Parisien. Aides aux devoirs, stages pendant les vacances de Pâques, professeurs très impliqués dans la réussite des élèves. Nous voulons préserver cela.

Le rendez-vous est fixé à 6h30 devant le lycée. J’arrive et retrouve quelques amis, des connaissances. A 7h, nous sommes une vingtaine et nous décidons donc de mettre en place le blocage : nous nous séparons alors en deux groupes et allons chercher toutes les poubelles que nous pouvons trouver puis nous complétons par quelques barrières. Qui aurait cru que celles-ci, à l’origine mises en place dans le cadre du plan Vigipirate, nous permettrait de mieux bloquer notre lycée  !

Une fois le dispositif mis en place, nous rassemblons la vingtaine de personnes présentes avec une représentante des élèves pour affûter nos arguments. Nous donnons également des consignes à quelques élèves dont nous connaissons les « petits vices »! « Si tu veux fumer un pétard éloignes-toi », « pas de provocation avec les policiers« . Suite à cela, la principale adjointe du lycée sort pour nous parler et nous signifier que notre lutte est « inutile ». Je débats un peu avec elle mais son opinion n’est que le reflet de sa fonction. J’ai ramené un ballon : nous tuons le temps en jouant un peu, histoire de se réchauffer, car il fait froid et l’intervention de la principale adjointe n’a pas réchauffé l’atmosphère…

Mais heureusement, notre professeur de SES arrive : sa présence imminente me réconforte. J’entame logiquement le dialogue avec elle et quelques secondes suffisent pour me rendre compte du fossé énorme entre l’administration du lycée et ses professeurs. Elle affiche un grand sourire, ravie de voir que nous aussi, élèves, nous nous sentons concernés par ce problème. Elle me donne quelques chiffres et m’explique en détail la situation.

La météo m’a joué pas mal de tour ce matin. Après la « fraîcheur » de la principale adjointe, la « chaleur » des mots de la professeur de SES, j’aperçois ce qui s’apparente, dans mon état d’esprit, à un iceberg ! Le principal du lycée m’interpelle en me demandant ce qui se passe ici, ce à quoi, je réponds, un peu hésitant. « Bonjour monsieur, vous allez bien ? » Sa réponse laisse présager son état d’esprit… Il me répond avec un « non » froid. Il décrédibilise de A à Z nos idées en me disant que je suis dans la « théorie du complot« , que je me renseigne « auprès des mauvaises personnes » et que je vois « le mal partout ».

Des élèves de Terminale amènent du thé, des gâteaux pour nous réchauffer. Des élèves montent sur les poubelles disposées devant l’entrée du lycée pour « ambiancer » un peu le blocage. Un mégaphone doit normalement arriver pour pouvoir communiquer avec les élèves. Les enseignants sont rentrés dans l’établissement et en ressortent avec un communiqué. « Les professeurs se sont réunis en assemblée générale et ont constaté l’impossibilité de faire classe ce jour dans les conditions réglementaires », écrivent-ils. Ils poursuivent : « le mouvement des élèves est légitime dans la mesure où il fait suite à une grève des enseignants massivement suivie la veille ». J’apprends, par ailleurs, dans ce communiqué que le CIO du Blanc-Mesnil, centre mis à la disposition gratuitement des élèves et étudiants concernant l’orientation, est voué à disparaître. « On éloigne toujours plus les services publics de leur usager en zone défavorisée et on donne toujours moins à ceux qui ont moins ». Nous n’en pensons pas moins.

Une fois le mégaphone arrivé, j’explique alors, une nouvelle fois, les raisons de notre mobilisation. J’ai l’impression d’être un rappeur devant son public ! Les jeunes semblent intéressés et je les informe de notre prochaine journée de mobilisation le 29 novembre : nous irons manifester à Paris avec les professeurs. Une des délégués des élèves soutient notre action. « Il faut soutenir tous les lycées ZEP. L’éducation, sans les ZEP, va empirer les inégalités ». Devant le lycée, nous apercevons des personnes vêtues d’un pull flanqué du logo de l’Académie de Créteil, visiblement chargées de faire la sécurité.

Aucun cours n’a eu lieu ce vendredi au lycée Mozart.  Durant cette journée, j’ai bien vu que, loin des clichés, nous, jeunes lycéens d’une ville de banlieue parisienne, sommes intéressés à ces problèmes, mobilisés, malgré l’échéance du baccalauréat. Les élèves de première et de terminale n’hésitent d’ailleurs pas à perdre une journée de cours alors qu’ils ne seront pas personnellement impactés, puisqu’il passeront à l’université dans moins d’un an. D’ailleurs, certains hommes politiques devraient venir voir un peu l’implication, le sens de l’intérêt général et l’engagement qui s’expriment ici, dans « les territoires perdus de la République« , comme ils les appellent.

Tamim Gharib, élève de Terminale, Lycée Mozart, Blanc-Mesnil (93).

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