Pour aller à Vaulx-en-Velin, dans la banlieue lyonnaise, vous prenez le métro jusqu’au terminus de la ligne A, et ensuite le bus. De préférence le 51 ou le 56. Ce n’est pas long, une petite demi-heure. A la descente du bus, rue Jean Foucaud, vous apercevez au loin un bâtiment qui domine les autres avec une sorte de gigantesque panneau portant une inscription. C’est intrigant. Vous vous approchez jusqu’à pouvoir déchiffrer le slogan, qui plane sur la ville comme un message apaisant : « Mondialisation : entre le profit et l’humain, Vaulx-en-Velin choisit l’humain ! »

Voilà qui est rassurant.

Je me suis approché encore et j’ai découvert que le bâtiment en question est l’Hôtel de ville. Juste à côté il y a le lycée Robert Doisneau. C’est là que je vais. De tous ceux que j’ai visités jusqu’à présent – une dizaine peut-être – c’est le seul qui présente architecturalement un certain intérêt. De grandes verrières indiquent le hall central, les façades sont traitées en alternance de béton et de bois. Un bel édifice.

Est-ce que je me perds dans les détails ? Je ne crois pas. J’ai la conviction qu’un beau bâtiment, c’est une fierté collective, un patrimoine commun. Le lycée Robert Doisneau a été très fort désiré. L’Education nationale était réticente à le construire au milieu d’une ville réputée à problèmes. « On préférait que les jeunes aillent à Lyon, on estimait que les Vaudais n’avaient pas la capacité de réussir dans un lycée général », explique la proviseur, Chris Laroche. « On prétendait que cela créerait un dangereux ghetto. »

Finalement le lycée a été construit, il y a 11 ans, et Mme Laroche le dirige depuis 7 ans. Elle ne cache pas une certaine fatigue, mais elle exprime avec une fougue étonnante la conviction que son lycée est devenu « une fabrique extraordinaire de liens sociaux ». Le fait est que depuis son ouverture, le nombre de bacheliers ne cesse d’augmenter à Vaulx-en-Velin, et les taux de réussite sont aussi en progression.

Pourtant l’environnement est difficile. Le jour de ma visite, la proviseur m’invite à assister à une réunion des délégués de classes. Trente ou quarante élèves. L’assemblée est houleuse, on écoute d’une oreille, on bavarde, on lance des commentaires, les surveillants interviennent. Il y a des débats un peu byzantins (« C’est quoi un bon élève ? »). Et puis soudain le silence s’installe. Madame la proviseur évoque un incident grave qui s’est produit la semaine précédente : des élèves ont introduit de fausses armes dans le lycée et tiré des projectiles en plastique sur un camarade. « Il faut que vous compreniez que c’est un acte grave, j’aurais pu déposer plainte auprès de la police, je ne l’ai pas fait car les familles ont été remarquables ». Une jeune fille se rebiffe : « Mais enfin, ce n’est qu’un jeu, d’ailleurs personne n’a été blessé. »

« Là n’est pas la question, réplique la proviseur, il s’agit de principes. »

Plus tard, Chris Laroche me lancera : « C’était important que vous assistiez à cette séance, pour mieux sentir l’ambiance du lycée. » Cette attitude de confiance et d’ouverture, je la rencontre dans tous les établissements, et je ne vous cache pas que j’en suis surpris. L’an passé, Mme Laroche a écrit un livre , « Proviseur à Vaulx-en-Velin », chez Plon. Elle n’aime pas le mot banlieue, car elle dit ne pas se sentir mise à ban d’un lieu qui serait ailleurs. Pour elle, Vaulx-en-Velin est un centre urbain en développement. « Ici, je suis au milieu de quelque chose, explique-t-elle. Mon centre, c’est Vaulx, ce n’est pas Lyon. »

Alain Rebetez (L’Hebdo)

Alain Rebetez

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