Si pour la majorité des étudiants le job d’été représente un investissement à court terme, celui qui paiera la rentrée, les plus privilégiés profitent de l’été pour investir dans les langues et parfaire un CV dans lequel l’anglais sera fortement apprécié.

Vous êtes lycéens ou étudiants, vous êtes dans l’âge d’or. Celui que vos aînés envient ; plein d’insouciance et sans responsabilités. Vous préparez vos examens de fin d’année sans joie, mais sans la frustration causée par l’habituel beau printemps, totalement absent cette année en région parisienne et une question vous taraude : « Que vais-je faire cet été ? ».

Vous aimeriez compenser la fatigue et l’effort, vous récompenser de vos efforts et idéalement, siroter des Safe sex on the beach en vous appliquant à oublier progressivement tout ce que vous avez appris durant l’année scolaire. Mais voilà, vous ne pouvez décemment plus demander à papa ou maman de vous payer des vacances et surtout, il vous faut penser au mois de septembre qui rime – dans notre for intérieur – avec : achat de livres, carte imaginaire, déjeuners au Crous…

Au début c’est plutôt plaisant, aller passer deux mois à faire des séjours endiablés qui vous transportent droit dans nos jours heureux et qui vous font envisager de faire 12 enfants à la suite pour pouvoir vivre en colo toute votre vie. Ou encore de passer l’été au bord de la mer à servir des glaces et autres sucreries aux vacanciers bronzés qui vous font oublier l’amertume des Parisiens. Et puis à 17 ans ou un peu plus la bourse plus remplie d’un été passé à travailler permet d’aborder l’année qui arrive avec le sourire.

Oui, mais ça ne dure qu’un temps. Les années passent et avant que l’on ait pu dire « ouf » – ou tout autre mot de moins d’une syllabe – on se rend compte que pour passer les deux pieds dans le monde du travail – vous savez la « vraie » vie paraît-il – il faut certaines compétences que l’on a pas eu le temps d’acquérir. La plus courante d’entre elle n’est autre que le bilinguisme – en anglais bien souvent.

Comme nous ne sommes pas à Poudlard nous n’avons pas le moyen d’être à deux endroits en même temps et donc de vivre deux étés et choisir, c’est renoncer. L’étudiant ou futur étudiant qui choisit donc la sécurité d’un emploi saisonnier durant deux mois voit sa volonté de découvrir l’Europe scandinave – au hasard – ou de perfectionner son anglais outre-Manche réduite à néant.

Certains rétorqueront : le travail, c’est l’école de la vie, surtout quand on est jeune. J’invite donc cordialement ces mêmes personnes à répondre à la place des étudiants qui pensaient avoir accumulé une certaine expérience après – toujours au hasard – quatre ans d’animation et qui se voient entendre dire par des RH « Vous êtes bien gentils, mais à part l’animation vous avez fait des stages en entreprise ? ».

Car là est bien le problème d’une partie de la jeunesse – toujours la même – qui a dû arbitrer très tôt entre survivre au début de l’année scolaire en travaillant l’été au lieu d’aller perfectionner son anglais ou acquérir une expérience professionnelle non gratifiée puisque inférieure à quatre mois. Certes, certains organismes promouvant la mobilité de la jeunesse existent mais  ils sont trop souvent méconnus du public et les critères d’attribution des aides trop flous.

D’autre part, de grandes écoles jouent aujourd’hui la carte de diversité via la mise en place de voies d’entrées spécifiques à certaines zones éducatives. Mais que deviennent ces étudiants qui, un demi-pied sur le marché du travail se trouvent, encore une fois, désavantagés.

En attendant d’avoir un sablier à remonter le temps, ou des institutions qui daigneront accompagner la jeunesse comme il se doit, bonnes recherches pour un été 2013 qui peine à arriver !

Jihed Ben

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