Quand on est Parisien(ne), qu’on débarque à Lille pour la première fois et qu’on y prend le métro, une chose nous frappe : il n’y a que deux lignes de métro : la 1 et la 2 ! Pour moi, l’habituée des galères du RER, des longs trajets à gogo et des longues minutes dans le métro, c’est trop facile ! J’ai été à la rencontre de Nadège après avoir fait mon petit tour des quartiers. Cette ancienne Parisienne est venue s’installer à Lille.

Mais tout d’abord, un préambule de mon premier voyage en transport en commun. Départ de Mons-en-Barœul, station Fort le Mons, je prends mon Pass à la journée : 4 euros (contre 6,30 euros à Paris). Ma première réaction ? Chercher la barrière pour valider mon ticket. Je regarde à droite, à gauche, rien. J’ai presque l’impression de frauder ! Mais où sont donc ces barrières et ces portières qui font ressembler la gare parisienne à une prison bien gardée ? Non, j’ai bien mon ticket en main, on en devient presque parano quand on voit toutes les barrières à franchir à Paris pour se rendre au boulot. Je suis sur la ligne 2 pour me rendre à la Gare Lille-Flandres. Là, pas de risque de voir un malheureux se jeter sous les rails. Les portes palières sur les quais sont de mises. Le couloir est mince, on se sent donc vite compressés aux heures de pointe. Heureusement que je mets à peine dix minutes pour arriver à destination. Changement de métro pour la ligne 2 qui me fait passer d’un quartier à l’autre. En fin de journée, retour sur Gare Lille-Flandres, centre-ville animé qui contraste avec le calme des autres quartiers que j’ai visités.

Je rencontre Nadège, jeune femme de 30 ans, dessinatrice de métier. Elle est originaire de Roubaix, où elle a poursuivi des études en arts appliqués qu’elle a poursuivi à Paris. Elle a fini par rejoindre la banlieue parisienne pour y passer dix ans de sa vie. Mais depuis un mois, elle s’est installée à Lille. Et voit une différence notable avec sa vie quotidienne qu’elle avait en région parisienne. Elle se souvient de ses difficultés, notamment pour se loger à Paris, raconte ses longs va-et-vient qu’elle était obligée de faire entre Goussainville, où elle résidait, et son atelier, situé à Paris. Pacsée avec son petit ami, elle a pu bénéficier d’une aide au logement. La galère a commencé pour elle quand elle s’est « dé-pacsée ». Après plusieurs colocations, elle trouve une maison avec quatre autres colocataires, où elle paie un loyer 400 euros. « Pas toujours facile, dit-elle, de vivre à plusieurs car on ne se sent pas vraiment chez soi. » Alors quand elle tombe sur une opportunité à Lille, elle la saisit. Elle réside actuellement dans le quartier de Saint-Maurice Pellevoisin dans un logement de 32 m2 à quinze minutes à pied du centre-ville pour 470 euros, parking et charges comprises. Pour la même chose à Paris, « j’aurais payé le double !  »

La proximité de son lieu de travail a énormément compté dans sa décision de quitter la capitale. « Proche de Paris tout en étant loin » souligne-t-elle. Elle évoque notamment les problèmes quotidiens rencontrés dans les transports en commun. Résidant dans le Val-d’Oise, elle n’avait pas trop le choix au niveau des correspondances. Une seule possibilité s’offrait à elle : le RER D. Si un problème survenait sur cette ligne qui la menait à la zone 5, son trajet pouvait durer plus d’une heure. Le trajet Paris-Lille est d’une heure en TGV.  Nadège ne jette pas pour autant la pierre à la SNCF ou à la RATP, elle pense juste que « c’est une illusion de penser que quand on habite en zone 5, on est proche de Paris. » Malgré tous les moyens techniques déployés avec toutes les infrastructures existantes, « les gens se reportent sur les transports en commun qui deviennent saturés. » Avec toutes ces contraintes, le RER reste pour elle efficace. Elle trouve cependant qu’il réside toujours un décalage entre l’offre et la demande. Elle cite aussi les différents problèmes rencontrés « pannes techniques, les grèves même si elles restent rares, les alertes à la bombe, les vols de câbles et les gens qui se baladent sur les voies, surtout à Sarcelles. » Le temps où elle donnait des rendez-vous pour son travail l’après-midi pour anticiper d’éventuels problèmes de transport est révolu pour Nadège. À Lille, tout est proche. À tel point que les Vélille installés depuis peu peuvent être utilisés plus de dix fois dans la même journée par la même personne. Cela s’explique par le fait que les trajets sont courts. Il faut tout de même nuancer avec les villes voisines qui ne sont pas aussi bien desservies. Aussi, la plupart des Lillois se déplacent en voiture, cela « paraît même bizarre de ne pas avoir de voiture ici » précise Nadège.

Son changement de Paris à Lille, elle l’a vécu toute de suite comme un apaisement. Son appartement est situé côté jardin. Elle peut même « entendre le chant des oiseaux. » Tandis qu’à Goussainville, entre l’aéroport d’un côté et la gare de l’autre, la pollution sonore était plutôt gênante pour elle. Elle considère ainsi cette ville comme une cité-dortoir, « une ville sans âme, vampirisée par Paris » ajoute-t-elle. « La banlieue c’est pas rose, la banlieue c’est morose » disait la fameuse chanson humoristique des Inconnus dans les années 1990. Il serait peut-être temps que ça change…

Chahira Bakhtaoui

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