En mars dernier Lansala Delcielo avait rencontré deux jeunes chômeurs de Noisy-Le-Sec (93). Sept mois plus tard, il est retourné les voir. Que sont-ils devenus ? 

La Seine-Saint-Denis est le berceau d’une flopée d’artistes et de jeunes qui ont de l’arthrite à force de tenir les murs. Ces chômeurs, piliers fondateurs de ces tours délabrées ne veulent qu’une seule chose : un emploi ! Pendant ce temps les chiffres du chômage du mois d’août sont aux antipodes de la transparence. Ces fameuses données étaient tout simplement erronées, la baisse du nombre de chômeurs, de 50 000, a été amplifiée par un bug de SFR (empêchant l’actualisation de nombreux chômeurs). D’après le quotidien Le Monde, le chômage a reculé dans la zone euro pendant l’été, allons voir cela de plus près du côté de nos deux jeunes Noiséens.

Martin, 22 ans, chômeur depuis deux ans nous replonge dans son combat ! « J’ai trouvé le courrier par hasard dans ma boîte aux lettres. La formation est gratuite et non rémunérée et ne durera en tout qu’un semestre. Pour l’instant j’ai appris à coder des applis sur android… Je sais que le jour où j’irai chez Ubisoft, cette expérience, ça va peut-être faire la différence. » On dit que l’espoir fait vivre, mais malheureusement, ce n’est pas toujours le cas. Le répit est de courte durée, car le combat continue tant que le pied ne sera définitivement pas remis à l’étrier.

« Cela m’a redonné confiance en moi, je continue à chercher du boulot parce que 3 mois ça passe très vite. Je garde espoir malgré des réponses négatives du genre : « votre profil ne correspond pas au poste recherché » ». C’est la perpétuelle douche froide dans un lac gelé, où les solutions sont quasi inexistantes. « En attendant, il m’arrive d’aller faire du footing entre ma formation, ma recherche d’emploi et le visionnage de série américaine : Dexter, Breaking Bad », me lance Martin avec détermination.

« Je n’ai pas vraiment de projets en tête, mais je sais que le jour où je toucherai ma première paye je me ferai plaisir. J’achèterai du matériel high-tech, histoire de mettre à jour, car je suis encore à la Play 2 », relance-t-il.

Samba 25 ans, chômeur depuis un an et demi. « Pour ma part, c’est un retour à la case départ je suis au chômage depuis septembre. J’ai travaillé en tant que prometteur de vente durant 4 mois en CDD chez Orangina. Quand tu as un contrat, tu peux te permettre de faire des projets sur du long terme, car tu as constamment de l’argent qui rentre ! À l’époque quand je touchais le chômage, je stagnais quand même dans des problèmes financiers. J’ai mon petit studio, il est clair qu’avec la situation actuelle j’ai du mal à le meubler », livre amèrement Samba.

La désillusion frappe à la porte sans prévenir. La seule question que l’on se pose c’est : « combien de temps cela va-t-il durer ? » Sortir la tête de l’eau est plus que primordial, mais encore faut-il se relever ! « C’est triste, mais je ne fais rien de mes journées, je m’occupe de ma santé : je fais de l’hypertension artérielle. Il est clair qu’avant le problème ne se posait pas, car les médecins l’ont décelé récemment ! »

Le chômage est comme une salle d’attente où le temps n’est pas convié. Les épreuves continuent de s’abattre chez ce jeune Noiséen devenu entre-temps Bondynois et pour qui trouver du boulot s’apparente aux 12 travaux d’Hercule.

« Le problème est que je suis limité dans mes recherches, car il me faut des horaires aménagés, éviter à tout prix la pénibilité. C’est pas évident j’ai dû refuser deux jobs, dans le secteur de la livraison, car il me faut un climat sain. Dans ce domaine, il y a un tas de paramètres stressants : les horaires, le rendement, la conduite… Je compte faire les démarches pour obtenir le statut de travailleur handicapé, car mon niveau d’hypertension est compris comme un handicap ! Les chiffres mentent selon les mois, les saisons ! L’espoir est noyé dans des promesses d’embauches qui aboutissent autant que l’apparition des éclipses solaires. À mesure que les années passent on finit par connaître le refrain, on le chante à tue-tête même en dormant : « les chiffres du chômage sont exorbitants, car nous sommes en pleine récession » ! »

Lansala Delcielo

Articles liés

  • Dans les quartiers, le nouveau précariat de la fibre optique

    #BestofBB Un nouveau métier a le vent en poupe dans les quartiers populaires : raccordeur de fibre optique. Des centaines d’offres d’emploi paraissent chaque jour, avec la promesse d’une paie alléchante. Non sans désillusions. Reportage à Montpellier réalisé en partenariat avec Mediapart.

    Par Sarah Nedjar
    Le 18/08/2022
  • Privatisation : les agents de la RATP défient la loi du marché

    Après une grève historique le 18 février 2022, les salariés de la RATP, s’estimant négligés par la direction, se sont à nouveau réunis pour poursuivre leur mobilisation. En cause, toujours, des revendications salariales, mais surtout, une opposition ferme au projet de privatisation du réseau de bus à l’horizon 2025. Reportage.

    Par Rémi Barbet
    Le 26/03/2022
  • Dix ans après Uber : les chauffeurs du 93 s’unissent pour l’indépendance

    Une coopérative nationale de chauffeurs VTC, basée en Seine-Saint-Denis, va naître en 2022, plus de dix ans après l'émergence du géant américain. En s’affranchissant du mastodonte Uber, les plus de 500 chauffeurs fondateurs de cette coopérative souhaitent proposer un modèle plus vertueux sur le plan économique, social, et écologique. Après nombre de désillusions. Témoignages.

    Par Rémi Barbet
    Le 14/02/2022