Devant la mairie de Neuilly-sur-Marne, un petit groupe de manifestants s’est réuni à l’appel de la branche locale de La France Insoumise. Pour cause, la ville s’est portée volontaire pour expérimenter le port de l’uniforme, l’une des dernières mesures annoncées par Gabriel Attal alors ministre de l’Éducation nationale. À Neuilly-sur-Marne, quatre écoles élémentaires sont pressenties pour faire partie du dispositif.

« Je n’ai pas envie que mes enfants servent de cobaye », confie Axel, dont la fille est inscrite dans l’une des écoles concernées. Pour cette maman, qui est également enseignante dans une école primaire, cette mesure est loin d’être une priorité. « On a un grand manque de moyens », soulève-t-elle.

Ces manques, cela fait des années que les enseignants et personnels soignants en dressent des listes à rallonge. Quatre semaines qu’un mouvement de grève touche tout le département de la Seine-Saint-Denis où un « plan d’urgence pour l’éducation » est réclamé. Silence radio au gouvernement.

Dans cette ville où le taux de pauvreté reste bien supérieur à celui de la moyenne nationale (21 %, contre 14,5 % en France métropolitaine), l’opposition estime que l’argent de la commune devrait être utilisé différemment. Dans un courrier adressé au maire Zartoshte Bakhtiari, des conseillers municipaux rappellent la situation des écoles primaires qui dépendent de la ville. « Nos écoles nocéennes manquent d’Atsem, de papier toilettes, de soutien scolaire et d’aide aux devoirs, d’AESH… », écrivent-ils.

Rassemblement contre l’expérimentation de l’uniforme à l’école. Neuilly-sur-Marne, 20 mars 2024. ©Nnoman

Lutter contre les inégalités

« Ma fille a reçu des moqueries à l’école à cause de ses cheveux courts. Un uniforme, ça ne va rien changer à ça », souffle Axel. Accrochée aux jambes de sa mère, Nadya 7 ans, hoche la tête. « Je veux pas m’habiller comme tout le monde », lâche-t-elle, dans un sourire.

Pourtant, lutter contre les discriminations est l’argument premier qu’avance le maire de la ville. Contacté par téléphone après le rassemblement, Zartoshte Bakhtiari estime que l’uniforme apportera une cohésion et un cadre aux élèves. « Oui, il y a plein d’autres problèmes à l’école, concède l’élu. L’uniforme ne va pas les résoudre, mais l’un n’empêche pas l’autre. » 

« C’est du foutage de gueule ! » Talel, dont les enfants sont concernés par l’expérimentation, ne mâche pas ses mots. Pour ce père de famille, cette initiative est avant tout « une décision idéologique ». « C’est de l’argent qui n’est pas dépensé pour le bien-être des élèves », renchérit Leslie, sa compagne.

Ça me hérisse le poil, parce que l’argent peut être dépensé ailleurs

Christelle est directrice depuis 20 ans dans une école primaire. « Ça me hérisse le poil, parce que l’argent peut être dépensé ailleurs », estime-t-elle. « Ça ne sert à rien, il n’y a déjà pas de mixité sociale dans nos écoles », précise la directrice avant de détailler tous les problèmes rencontrés dans son école. « J’adore mon métier, mais on ne peut pas pallier tout ce qui manque. Quand le maire cède à ça, il se moque des vrais problèmes. » 

Un vote des parents d’élèves pour trancher

Le maire tient à s’en assurer, « aucune décision ne sera prise sans l’accord des parents ». Pour cela, un vote est organisé ce 21 et 22 mars. Une mesure démocratique insuffisante pour les élus de l’opposition qui estime que les parents d’élèves n’ont pas été assez informés. Aujourd’hui, seule une trentaine de personnes a répondu à l’appel du rassemblement. « Il y a eu très peu d’infos données aux familles », explique Hélène, membre de la LFI Neuilly.

Pour Talel, « ce n’est pas anodin que le maire ait choisi ces écoles-là ». Le père de famille explique que la plupart de ces écoles sont « dans des quartiers dits difficiles où les parents vont suivre sans réfléchir, car ils sont anxieux pour la réussite de leurs enfants. » Il estime également que le maire leur vend « un sentiment d’appartenance » et « une impression d’école privée ».

Talel, parent d’élève, proteste contre l’expérimentation de l’uniforme à l’école. ©Nnoman

Un coup de com ?

Pour Thomas Portes, député LFI, la mesure relève d’un simple coup de com. « Expérimenter une idéologie de l’extrême droite, qui va coûter autant d’argent, c’est un scandale », tonne le député de la 3ᵉ circonscription de la Seine-Saint-Denis. Le maire de Neuilly-Sur-Marne se dit quant à lui agacé par « cette propagande LFI », il qualifie ainsi le rassemblement d’aujourd’hui.

Pour les conseillers municipaux de l’opposition, le dispositif risque de coûter 200 000 euros à la ville. Un chiffre que réfute Zartoshte Bakhtiari. Lui assure que l’expérimentation ne dépassera pas plus de 80 000 euros de budget pour la ville, « en renonçant à des travaux à l’Hôtel de Ville. L’État financera à 50 % », assure l’élu.

Maria Aït Ouariane

Photos ©Nnoman

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