Une énorme bronca et des hués se font entendre aux alentours de 18 heures, lorsque Issam Zriouli, du collectif de locataires Allende, annonce le report du conseil de territoire qui devait avoir lieu. En effet, les collectifs d’habitants du département avaient choisi spécifiquement ce mardi 21 mars pour se réunir juste en face du bâtiment. « Ce sont des trouillards », « ils ont peur de nous », en conclut le groupe de manifestants.

Le conseil de territoire regroupe toutes les villes de la structure intercommunale Plaine commune (Aubervilliers, La Courneuve, Stains, Île Saint-Denis, Villetaneuse, Pierrefitte, Saint-Ouen, Épinay-sur-Seine.) Les plus gros bailleurs du département tels que Seine-Saint-Denis Habitat, ou encore Plaine Commune Habitat devaient y assister.

Malgré l’annulation du conseil de territoire, la manifestation est maintenue et la foule est bien décidée à se faire entendre pour dénoncer ces nouvelles hausses dans les quartiers populaires.

Vos charges, nous chargent, on n’est pas à Versailles ici !!!

Ces collectifs, comme l’amicale des 4000 à la Courneuve ou celle du Franc Moisin, se sont réunis, car ils se sont rendus compte que les charges et les loyers ont augmenté, sur l’ensemble du territoire de la plaine commune agglomération. Des élus du département ont notamment fait le déplacement comme Bastien Lachaud et Éric Coquerel de la France Insoumise.

« Stop augmentation des charges », « 150 % de charges, nous ne sommes pas des pompes à fric », ou encore « vos charges, nous chargent, on n’est pas à Versailles ici !!! », peut-on lire sur les pancartes confectionnées pour l’occasion.

Avant le départ de la marche vers la sous-préfecture de Saint-Denis, plusieurs prises de paroles ont lieu. « Nous allons marcher aujourd’hui jusqu’à la sous-préfecture et nous clamerons haut et fort nos revendications, la baisse des loyers et la baisse des charges  ! », annonce Diangou Traoré, militante et membre du collectif des habitants du Franc Moisin.

Des hausses de loyer allant jusqu’à 3,5 %, une situation intenable pour les habitants

Vers 18h40, le cortège s’élance direction la sous-préfecture. Une grande banderole blanche est déployée par trois personnes avec l’inscription « le gouvernement nous tue, Logirep [bailleur social, NDRL] nous achève ». Dans la foule, on remarque la présence de nombreuses mamans des quartiers. Elles se déplacent avec difficulté, mais insistent pour venir jusqu’à la sous-préfecture. La cause est trop importante pour elles.

J’habite à Aulnay et mes charges sont passées de 242 euros à 433 euros 

Les augmentations de loyers et des charges sont intenables pour ces familles, « j’habite à Aulnay et mes charges sont passées de 242 euros à 433 euros de janvier à février », fait part Sonia.

Cette mère de famille de cinq enfants affirme avoir reçu un courrier une semaine seulement alors que le prélèvement était déjà enclenché. « C’est inadmissible de payer autant et d’être informé aussi tardivement, payer autant pour un appartement où l’humidité et la moisissure sont partout, c’est inconcevable », dénonce-t-elle au côté de son fils.

Un récit similaire évoqué par Sacko habitant lui aussi d’Aulnay-sous-Bois dans un F4. « À mon retour d’un séjour à l’étranger, j’ai eu la surprise de voir mon loyer passé de 930 euros à 1266 euros », témoigne le jeune homme accompagné de sa mère, également touchée par ces augmentations de loyers.

Des membres de la Confédération nationale du logement (CNL) ont fait le déplacement. « En février 2022, le bailleur Plaine commune habitat avait déjà augmenté de 100 à 150 euros par mois les charges. Et au 1er janvier 2023, le bailleur n’a pas hésité à voter la hausse maximum qu’il pouvait appliquer au loyer, c’est-à-dire 3,5 %, alors que c’est un bailleur social. Pourtant, d’autres bailleurs sociaux ont voté une augmentation à 1,5 %. Cette situation est absolument insupportable pour les familles », soulève Nelly, administratrice du CNL.

L’inflation ajoute aux difficultés des plus précaires

Cette nouvelle hausse dans le département le plus pauvre de France métropolitaine a déjà des effets désastreux. « Une locataire m’a présentée hier une quittance de loyer de 1200 euros par mois, elle habite en centre-ville dans un F3, cette femme est retraitée et a un enfant handicapé », rapporte l’administratrice du CNL.

À proximité de la sous-préfecture, une des mamans présentes sort d’un sac de sport noir des paquets de pâtes, de l’huile et un petit paquet de riz. Elle est aidée par d’autres femmes qui brandissent la nourriture. « On veut montrer qu’à cause de ces augmentations, on ne peut plus manger à notre faim », expliquent-elles.

Tout au long de la marche, la question de l’inflation revient dans les discussions. La hausse générale des prix (inflation à 6,3 %) fragilise le quotidien des Français et contraint plusieurs d’entre eux à faire des choix entre payer le loyer et se nourrir. « Voilà où nous en sommes aujourd’hui, ces femmes doivent choisir entre manger ou payer son loyer, car elles sont acculées », indique Diangou Traoré.

Un appel national des locataires est lancé

De nombreux passants et commerçants scrutent avec curiosité le cortège. Une pancarte est tendue à un chauffeur de bus en lui expliquant les raisons de ce rassemblement.

De nombreux tracts sont distribués par les collectifs parmi lesquels un appel national des locataires signés par plusieurs collectifs de France. Une mobilisation est prévue le 1er avril dans toute la France, à la fin de la trêve hivernale. « On s’est rendu compte que le problème est national que ce soit à Marseille, Grenoble, Montpellier, Alby… D’autres actions coup de poing sont prévues. Notre objectif est d’organiser un rassemblement national pour dénoncer ces situations. Un bailleur social ne doit pas précariser ses locataires », clame Diangou Traoré

À Marseille, des locataires du bailleur Habitat Marseille Provence ont manifesté en janvier dernier contre l’envolée des charges et du chauffage. Ils étaient également une centaine devant les bureaux du bailleur social.

Le but de cet appel national est de construire un mouvement général de toutes les villes de France qui connaissent les mêmes problèmes de hausses vertigineuses des charges et des loyers.

À la fin de cette marche, le groupe se retourne instantanément près du bâtiment de la sous-préfecture. Et pour cause, le sous-préfet serait passé juste derrière les manifestants. « Venez, monsieur le préfet, discutez avec, nous », peut-on, entendre. Une demande restée lettre morte.

Aïssata Soumaré

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