BB : Face à la crise sanitaire, les migrants et les sans-abri sont particulièrement vulnérables…
JL : Ces gens sont totalement abandonnés. Toutes les structures sont en train de fermer les unes après les autres, les migrants se retrouvent dans le dénuement le plus total. Les accueils de jour ferment, les institutions et les lieux aussi. Même ceux où ils pouvaient accéder au moins à l’eau, aux toilettes… Beaucoup des personnes à la rue étaient hébergées à gauche à droite, chez des amis, dans les hôpitaux… Aujourd’hui, tout ça n’est plus possible. On attend beaucoup des autorités à ce sujet.
Que vous disent les pouvoirs publics à propos de cette situation ?
On communique avec eux mais on n’a aucune réponse claire. Ils se contentent de nous dire « On essaie, on a beaucoup à traiter en même temps. » Les endroits vides ne manquent pas actuellement. Que ce soient les écoles, les lieux culturels, les gymnases… C’est très facile d’avoir de la place pour héberger les personnes à la rue. Mais les autorités nous disent qu’ils n’ont plus les opérateurs pour gérer ces lieux.
Mais le coronavirus n’est pas arrivé il y a une semaine ! Et les sans-abri ne sont pas là depuis quelques jours ! Ces problèmes auraient pu être traités en amont, pour éviter que des gens se retrouvent bloqués dans leurs déplacements, dans leur accès aux soins, sans aucune aide. Pour eux, il n’y a qu’une façon d’accéder aux soins, c’est l’hôpital. Mais les hôpitaux sont débordés donc comment fait-on ?
Il y a quelques mois, le gouvernement a supprimé la possibilité d’accéder à une aide médicale pour les personnes qui résident en France depuis moins de trois mois. C’est la preuve que ces mesures sont stupides et pas adaptées à la réalité. Quelqu’un qui a le coronavirus, qu’il soit là depuis trois mois ou pas, il a besoin de soins. On ne peut pas juger le manque de soins en fonction du temps passé sur le territoire, c’est ridicule.
Face à cela, comment vous organisez-vous pour apporter votre aide à ces femmes et à ces hommes ?
Les distributions sont de plus en plus compliquées. Les associations ne savent pas jusqu’à quel point elles vont pouvoir continuer leurs activités. Est-ce que les attestations vont suffire pour porter assistance aux personnes très diminuées ? Les associations perdent également des bénévoles, des capacités d’action et sont beaucoup plus surchargées, avec des situations très difficiles.
Comment les migrants et les SDF réagissent en apprenant que vous êtes obligés d’arrêter votre activité, en raison de la situation sanitaire actuelle ?
Ce n’est pas seulement notre action qui est entravée, c’est leur survie. Il y a moins de monde, moins d’aide… Les personnes à la rue n’ont pas le temps et l’espace mental de se demander pourquoi, elles ont déjà du mal à survivre directement dans la rue. Elles voient juste qu’il y a de moins en moins de distribution, d’accès à l’eau, aux toilettes, aux douches… Tout est ralenti ou supprimé. Il n’y a même pas une possibilité de demande d’asile. Il n’y a rien, en fait.
Dans ce contexte, qu’est-ce que vous arrivez tout de même à faire ?
Nous continuons notre activité dans la mesure du possible, en informant, en mettant en attente les familles car nous n’avons plus d’hébergement citoyen. Nous distribuons aussi du matériel au cas par cas, mais on ne sait pas jusqu’à quel point nous allons être en capacité de poursuivre notre mission.
Propos recueillis par Hervé HINOPAY