On peut lire l’émotion dans ses yeux lorsqu’il évoque sa patrie. Un énorme drapeau afghan est accroché près de son lit. Tout lui manque : la « beauté des montagnes », le « magnifique climat », les « traditions », … De son pays, Noorwali ne garde que de « très bons souvenirs », malgré l’omniprésence de la guerre.

Originaire du sud-est de l’Afghanistan, Noorwali Khpalwak est né à Kaboul en 1988 et y a vécu presque toute sa vie. Le quotidien de ce journaliste de 34 ans – et de celui de tant d’autres Afghans – a été bouleversé au mois d’août 2021. Le 24 de ce mois là, à bord d’un avion militaire, Noorwali a été évacué de Kaboul par le gouvernement français.

À Kaboul, Noorwali Khpalwak était journaliste politique. Aujourd’hui il doit tout reconstruire.

Enfant, il avait un rêve : devenir journaliste. Ce métier qui représente à ses yeux un moyen de garantir le respect de la démocratie. Après un bachelor de sciences politiques en Inde puis un master de relations internationales à Kaboul, son rêve devient réalité. Il a travaillé pour l’une des radios les plus populaires en Afghanistan, Spogmai Radio, avant d’intégrer l’équipe de Kabul News TV, une prestigieuse chaîne afghane d’information en continu, où il animait des émissions politiques.

Tu ne peux même pas imaginer ce que les Afghans vivent au quotidien.

Un été chaotique et la fuite, seul

Son intérêt pour l’actualité l’a poussé à suivre « très attentivement » la montée en puissance des talibans jusqu’à leur prise de pouvoir à l’été 2021. « On savait que les talibans devenaient de plus en plus puissants, qu’ils grappillaient chaque jour du territoire. Mais personne en Afghanistan n’aurait pu prédire une offensive aussi fulgurante. »

Le 15 août 2021, jour de la chute de Kaboul, il a décidé de se rendre au bureau malgré les risques encourus. « Ça faisait plus de vingt ans que je n’avais pas vu un tel chaos. L’atmosphère était très pesante. Les gens étaient effrayés et couraient partout. Pour me rendre au travail en voiture, il me fallait généralement un peu moins d’une heure : ce jour-là, il m’en a fallu plus de deux. »

Noorwali devant les anciens drapeaux de l’Afghanistan, remplacés par le drapeau blanc de l’émirat islamique d’Afghanisan.

Les journées suivantes ont été « longues et particulièrement difficiles à vivre. » Ce n’est que le 24 août qu’il a été évacué de Kaboul par le gouvernement français. Après une escale d’environ 20 heures à Abou Dhabi, l’avion militaire dans lequel il se trouvait – avec d’autres Afghans et quelques expatriés français – a atterri à Paris.

Quand on ne parle pas la langue, quand on ne comprend pas le système administratif français, c’est quand même très compliqué.

Noorwali a tout laissé derrière lui : sa femme, ses enfants, ses parents, ses frères, ses sœurs, ses amis et toute la vie qu’il avait construite. Après avoir évoqué ses proches restés à Kaboul, il reste silencieux plusieurs secondes : « Ils me manquent énormément. »

Un Afghan à Paris

Une fois en France, il a d’abord dû s’isoler quinze jours en raison du contexte sanitaire. Il était logé à l’hôtel Ibis de Paris-Bercy, dans le douzième arrondissement. Pour s’occuper pendant ses longues journées de silence après le chaos, son smartphone est le meilleur allié. Il lui lui a permis de rester en contact avec ses proches, via WhatsApp, et de suivre l’évolution de la situation en Afghanistan. Chaque jour, une seule petite heure pour prendre l’air.

Il faut absolument que je travaille dur pour aider mes proches qui sont restés à Kaboul.

L’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) a ensuite dispatché les réfugiés afghans aux quatre coins de la France. Noorwali a choisi de rester en Île-de-France. C’est plus précisément à Fontenay-Sous-Bois – dans le Val-de-Marne – qu’il vit actuellement, dans un centre de réfugiés de l’association Aurore. Il partage sa petite chambre avec trois autres Afghans, et ils concoctent ensemble des plats traditionnels dans la cuisine commune pour conserver un lien fort avec leur culture d’origine.

L’ancien journaliste partage désormais une chambre avec trois autres réfugiés à Fontenay-sous-Bois.

Évidemment, il a été confronté au casse-tête de l’administration française. Malgré tout, il a pu obtenir son statut de réfugié le 25 novembre, ce qui n’a pas été de tout repos. « Quand on ne parle pas la langue, quand on ne comprend pas le système administratif français, c’est quand même très compliqué. » Heureusement, il a pu compter sur une interprète maîtrisant le pachtou qui l’a beaucoup aidé.

Cette année, Noorwali suit un cursus de FLE (français langue étrangère). Du lundi au vendredi, il se rend à l’Université Paris-VIII (Saint-Denis) pour étudier de 12h à 15h. Son objectif : valider, à la fin de l’année universitaire, un niveau B1 en français. « La fac me permet d’étudier dans un cadre propice au travail, et elle me permet aussi de rencontrer des gens et de faire du sport. » Il participe, en plus de son cursus, à des ateliers de conversation pour pratiquer son français. Noorwali ne savait presque rien de la langue de Molière en arrivant à Paris, mais il a fait de beaux progrès en quelques mois.

Une crise humanitaire alarmante

Lorsqu’on lui demande d’évoquer la situation économique de son pays, son visage se ferme. L’aide financière internationale a été suspendue après l’arrivée des talibans au pouvoir. Six mois plus tard, « l’Afghanistan ne tient qu’à un fil », d’après le secrétaire général de l’ONU António Guterres.

L’économie du pays a sombré. Des risques de famine touchent plus de la moitié de la population, et le rude hiver auquel elle est confrontée n’arrange rien. « Tu ne peux même pas imaginer ce que les Afghans vivent au quotidien », déplore Noorwali.

L’OFII lui verse 200 euros chaque mois pour vivre. N’ayant pas de bourse d’étude ni aucune autre source de revenus, Noorwali cherche activement du travail. « En Afghanistan, je subvenais aux besoins de ma famille. Aujourd’hui, il faut absolument que je travaille dur pour aider mes proches qui sont restés à Kaboul. Ils sont dans la galère et ont vraiment besoin de moi. » 

Ayoub Simour

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