Un Facetime en direct de sa cabane. Confinement oblige, c’est à distance que nous échangeons avec Helena. La jeune femme est en France depuis dix ans, venue de Roumanie comme nombre de ses voisins d’infortune. Son mari est là aussi et leur aîné Darius, âgé de 12 ans et demi.

Depuis leur arrivée, trois enfants ont agrandi la fratrie : Yanis, 10 ans, a rejoint ses frères et sœurs depuis six mois après avoir passé ses premières années au pays avec ses grands-parents. Betty, 8 ans, et Anna, 4 ans, sont quant à elles nées dans l’Hexagone et possèdent la nationalité française. Les quatre enfants sont scolarisés à Stains.

Quarante-deux familles vivent dans le bidonville de Drancy où dort habituellement Helena et les siens. Deux communautés y cohabitent : ceux qui, comme elle, viennent du village de Tandarei et ceux qui viennent de Bucarest. Au début du confinement, une vingtaine de familles qui en avaient les moyens sont repartis en Roumanie. Les autres sont restés sur place. Livrés à eux-mêmes.

Plus de revenus, plus d’école…

« Nous ne pouvons plus sortir faire nos démarches, ceux qui travaillaient n’ont plus de travail, plus de possibilité d’aller faire la manche ou de la récupération dans les poubelles non plus », confie Helena. Quant aux enfants scolarisés comme les siens, les professeurs les appellent pour prendre des nouvelles mais à la fracture numérique s’ajoute souvent l’illettrisme des parents, éloignant encore un peu plus le rêve d’une continuité scolaire.

Et les conditions sanitaires sont loin d’être au rendez-vous. Un seul point d’eau est disponible et les déchets s’entassent. Avant la crise sanitaire, la communauté s’organisait et se cotisait pour évacuer les poubelles. Un des habitants emmenait les ordures directement à la déchetterie avec sa camionnette. Mais il a fait partie de ceux dont les familles sont reparties en Roumanie au début du confinement.

Quelques jours après notre premier entretien, nous apprenons qu’Helena et sa famille ont obtenu une chambre, dans un hôtel d’Argenteuil. Nous la rappelons donc fin avril pour savoir comment s’est passé le déménagement. « J’ai contacté le 115, et ils m’ont trouvé une chambre pour ma famille et moi, raconte-t-elle. Nous y sommes jusqu’au 7 mai, après nous verrons si la prise en charge se poursuit. »

Je suis prête à tout pour mes enfants

Une solution qu’elle a accueillie comme un moindre mal : « J’aurais préféré rester plus près de Drancy, mais j’ai accepté car je veux que mes enfants soient bien. A Argenteuil, l’hôtel est équipé d’une cuisine collective et nous sommes huit familles rroms, dont une vient de Drancy également, les autres de Paris. »

La jeune femme avoue cependant que c’est encore difficile. « Avec le confinement, mon mari n’a toujours pas de travail, et c’est compliqué car nous vivons juste avec les 500 euros de CAF, dit-elle. J’ai envoyé ma candidature à un poste d’agent de nettoyage. Je peux aller travailler avec un masque. J’attends qu’on me rappelle. Mais je suis prête à tout pour mes enfants. » Elle répète à plusieurs reprises : « J’accepte n’importe quel job. »

Titi, militant actif auprès de la communauté Rrom, intervient au cours de l’échange. « Pour les gens volontaires comme Helena, qui ont travaillé, scolarisé leurs enfants et entamé des démarches, c’est la double peine, regrette-t-il. Ça les ramène à plus de précarité. »

Darius a hâte de retourner à l’école

Pendant notre première discussion, c’est Darius, le fils ainé, qui rentre dans la baraque. Il est en sixième dans un collège de Stains. « L’école, les copains et le foot me manquent », confie-t-il. Sans ordinateur, ni calculatrice, il ne peut pas étudier à la maison. « J’allais à l’école tous les jours et ma maîtresse me disait que c’était bien », insiste-t-il pourtant, promettant d’y retourner dès le confinement levé.

Dans la souffrance et la promiscuité, la communauté rrom peut toutefois bénéficier de l’aide de militants dévoués. Ce jour-là, Titi est venu déposer à la famille un peu d’argent, issu d’une cagnotte levée et distribuée par des bénévoles du MFC 1871. Ceux-là mêmes qui, avant le confinement, emmenaient les enfants du bidonville de Drancy, dont Darius, jouer au foot tous les dimanches. « Avec l’argent, j’ai acheté de la nourriture, des patates, de l’huile, des baguettes et quelques trucs pour les enfants », explique la mère de famille qui craint cependant de ne pas tenir très longtemps.

Sur le platz, d’autres familles ont, elles aussi obtenu des chambres d’hôtel en appelant le 115. Suite à la pression des associations sur la préfecture du 93, la mairie de Drancy aurait reçu l’injonction d’organiser la récolte des déchets. Mais pour ceux qui restent sur les lieux, il n’y a toujours pas d’aide alimentaire régulière et la situation reste très compliquée.

Cécile BEAURY

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