« C’est une torture, ils n’ont vraiment pas de cœur », s’insurge Soumia, la mère du petit Othmane, décédé en 2015. Depuis 7 ans, la famille du garçon subit une procédure judiciaire interminable. Après le drame, elle a poursuivi en justice le bailleur et la société d’ascenseurs Otis. Malgré des condamnations en première instance et en appel, l’ascensoriste se pourvoit une nouvelle fois en cassation. Un cauchemar judiciaire pour la famille qui ne voit pas la fin de ce périple.

Jeudi 24 novembre à 14 heures, les proches du défunt et leurs soutiens manifesteront devant le siège du groupe Otis à Puteaux. Ils entendent dénoncer des méthodes indignes.

Rappel des faits. Le 10 octobre 2015, Othmane, 7 ans, emprunte l’ascenseur de son immeuble du Val Fourré pour rejoindre son grand frère en bas. Un peu plus tard, le garçon est retrouvé mort dans l’ascenseur, bloqué entre le premier étage et le rez-de-chaussée. Il a été asphyxié par le guidon de sa trottinette, après que celle-ci se soit coincée dans la porte de l’ascenseur.

En première instance, les juges reconnaissent la responsabilité d’Otis

En octobre 2018, les juges du tribunal correctionnel de Versailles avaient considéré que l’accident était lié à un dysfonctionnement des portes de l’ascenseur. La cour avait condamné Otis à 60 000 euros d’amende pour homicide involontaire, la société endossant deux tiers de la responsabilité. Le dernier tiers revenait au bailleur Mantes-en-Yvelines Habitat qui, depuis, a connu une liquidation judiciaire, disparaissant ainsi dans la nature.

Mais depuis ce délibéré, Otis n’a cessé d’exercer tous les recours possibles. Dans la mesure où ces recours sont suspensifs, la famille n’a pas pu être indemnisée depuis. Elle continue à se battre.

Un périple judiciaire aux airs d’acharnement

En mai 2020, la cour d’appel confirme la condamnation en premier instance de l’ascensoriste à une amende de 60 000 euros pour homicide involontaire.

La société se pourvoit une première fois en cassation en décembre 2021. La société fait valoir un vice de procédure et invoque le fait que l’avocat de la défense n’ait pas eu la parole en dernier lors de l’audience. La Cour de cassation valide ce pourvoi, l’affaire est renvoyée en appel.

Le 24 juin 2022, la cour d’appel de Versailles confirme une seconde fois la condamnation d’Otis. Mais en novembre 2022, l’ascensoriste se pourvoit une nouvelle fois en cassation. Elle invoque, cette fois-ci, « l’absence de débats contradictoire » dans les faits qui lui sont reprochés.

Contactée par le Bondy blog*, la société de communication mandatée par Otis affirme que, de son point de vue, « il n’y a pas au dossier de circonstances de nature à pouvoir engager notre responsabilité pénale dans cet accident ».

Otis accuse les parents de la victime de « négligence »

Nous avons consulté le mémoire déposé par la société Otis devant la chambre criminelle de la Cour de cassation. Dans ce mémoire, la société affirme que « la cause première de la survenance de l’accident a bien pour origine une double faute d’imprudence et de négligence imputable aux parents de la jeune victime ».

L’ascensoriste soutient que, sans cette négligence, « l’accident ne serait pas survenu et n’aurait en aucune façon connu les suites mortelles que l’on sait ». Otis met aussi en cause « l’usage inapproprié de la trottinette dans  la cabine d’ascenseur ». Ce faisant, le mémoire de la société Otis remet en cause l’appréciation des faits établie par les deux cours d’appel.

La position du groupe Otis est nécessairement vécue comme une violence supplémentaire pour les parents. Fatiguée, la mère de Othmane, Soumia, reste déterminée. Elle sera, demain, devant le siège social d’Otis et compte aller au bout de son combat judiciaire : « Je l’ai promis à mon fils ».

Céline Beaury

*Ici, la réponse complète du groupe Otis. La société de communication mandatée par le groupe Otis nous ont répondu par mail, le 22 novembre à 19 heures :

« Nous avons formé un pourvoi en cassation. La sécurité des passagers est notre priorité et c’est pour cette raison que nous souhaitons que toutes les circonstances soient étudiées et toutes les responsabilités établies précisément. Nous pensons qu’il n’y a pas au dossier de circonstances de nature à pouvoir engager notre responsabilité pénale dans cet accident. Le dossier n’étant pas conclu, nous sommes limités dans ce que nous pouvons dire ».

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