Mercredi 25 septembre, Quai de Seine, 13h. La péniche « Demoiselle » tangue au rythme du flot tranquille du canal d’Ourcq et la demoiselle est à l’image de l’évènement qui s’y tient, chaleureuse et conviviale. La conférence de presse traitant du contrôle au faciès, et surtout de l’impact qu’il génère au quotidien, a établi ses quartiers sur l’eau.

Lana Hollo, représentante d’Open Society en France, fondation qui promeut le développement de la démocratie et des droits de l’homme, nous accueille et nous invite à « déjeuner et profiter du soleil, la conférence de presse commencera dans une demi-heure. » Le temps pour moi de me diriger vers Antonin, militant au sein de la fondation, à la voix douce et au visage grave. Il m’explique immédiatement la meilleure attitude à adopter face à un contrôle de police,  » afin d’éviter que les choses dérapent, car parfois, face à certaines injustices, tu peux avoir un comportement où tu cherches à comprendre, à avoir des réponses et cela peut être mal interprété ». Il marque une courte pause.

« Ils peuvent appeler ça le refus d’obtempérer, même si ce n’est pas vraiment le cas ». « Et ce refus peut te faire passer la nuit en prison. C’est mieux d’éviter, pas vrai ? », conclut-il. L’attitude recommandée est simple : « Obtempère. Ne pose pas de questions. Et ai le moins d’échange possible avec eux. » C’est noté.

Il entame une discussion animée avec un groupe de personnes et je rencontre Rachel Neild, conseillère principale au sein d’Open Society. C’est une femme du monde, distinguée « Anglaise, d’origine américaine, travaillant entre ici et Washington » et s’exprimant parfaitement bien en français, même si elle demande d’« excuser mon franglais ! ».  La discussion porte sur les amalgames que sont amenés à faire certains policiers lors des contrôles, qui, juge t-elle, est à la base des problèmes des contrôles au facies : « L’identité en soi, et même au-delà de la simple présentation de papier, est assez complexe. Définir quelqu’un est assez problématique, nous sommes composés de tellement d’aspects… », soupire t-elle.

Egalite2Egalite2« Beaucoup de Français sont issus de l’immigration, mais lors des contrôles, s’ils (les policiers) ont envie de voir en toi un Nord africain, et qu’ils estiment que cette facette est une raison suffisante pour faire de toi un potentiel criminel, alors on ne parle plus de contrôle d’identité, mais de ‘profilage racial’ ». Le profilage racial, connu sous le terme de « profiling », est le fait d’avoir pour critères la couleur de peau, l’appartenance ethnique, la religion où l’origine nationale. C’est ce qui conduit également aux stéréotypes et aux préjugés, véritable fléau dans la lutte contre les contrôles au faciès.

Elle m’explique également que la discrimination, quelle qu’elle soit, doit être affrontée, car la souffrance qu’elle engendre au sein de la société, des familles, de l’amour propre d’un individu est un prix bien trop cher à payer pour un problème qui, finalement, a une solution. « Il suffirait juste que ce problème occupe une vraie place dans les débats et les actions du gouvernement. » La demi-heure est passée, le soleil tape toujours autant et la conférence de presse débute dans cinq minutes. Il est temps de rejoindre nos sièges.

Egalite3La conférence regroupe sept individus, dont Lana Hollo et Rachel Neild. Les autres participants sont des élus, avocats, éducateurs, entre autres. Chacun parle de ses expériences, « on nous demandait de nous mettre en ligne à cloche-pied. Le premier qui flanchait s’en prenait une, au minimum. Ça pouvait durer de longues, très longues minutes », et Lana Hollo prend la parole. Elle aborde les thèmes des valeurs républicaines mis en cause par ces contrôles incessants et aussi l’impact négatif occasionné.

En terme d’impact, le sentiment d’atteinte à la dignité est fortement touché à travers les contrôles, parfois incessant, certaines personnes peuvent être contrôlées 5 fois dans la même journée. De ce fait, comment se sentir totalement imprégné des valeurs républicaines et ne pas se sentir suspect avant même que l’on emploie le mot « coupable »? Elle revient également sur l’impact au quotidien, le regard des voisins, des parents affligés et paniqués à l’idée qu’il arrive un contrôle qui tourne mal… La psychose, la peur qui s’installe… L’incompréhension, l’insécurité, face à cette police qui effraie.

Une phrase de Lyes Kaouah, étudiant en art dramatique, résume la situation : « Nous, quand on marche en ville et qu’on voit des flics, on se sent en insécurité. Il y a pourtant des gens qui grâce à la présence policière, se sentent en sécurité. Qu’est ce que c’est que ce fossé qui nous sépare » La solution ? Remettre la prévention à sa juste place, rapprocher les forces de l’ordre des citoyens et accentuer leur rôle de service public sont des axes fondamentaux de cette réforme.

Hadjila Moualek

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