Passage en force. L’exécutif a fait le choix d’utiliser l’article 49.3 pour entériner la réforme des retraites, jeudi. Une réforme pourtant très largement rejetée par l’opinion publique et qui a jeté des milliers personnes dans la rue, donnant lieu à des manifestations historiques.

À Noisy-le-Grand (Seine-Saint-Denis), le rejet de cette réforme qui prévoit de repousser le départ de l’âge légal à la retraite à 64 ans est patent. Près de la grande place du marché, Sylvana Gauthier, dessinatrice en bâtiment en intérim, explique n’avoir  jamais manifesté contre la réforme des retraites. « Mais si j’en ai l’opportunité, je le ferai », assure-t-elle.

Comme elle, des milliers de personnes envisagent de protester dans la rue si le gouvernement s’entête à faire adopter sa réforme des retraites. Depuis janvier, le mouvement social gronde. L’annonce du recours au 49.3 a déclenché des manifestations spontanées dans toute la France.

Une volonté de se faire entendre

Avec l’inflation qui perdure, il devient difficile de continuer à faire grève, car cela coûte une journée de salaire. Pour beaucoup, il s’agit d’un gros sacrifice financier. Par cynisme, le gouvernement a donc espéré que le mouvement social s’essouffle pour ce motif.

Pour la dessinatrice en bâtiment, les raisons de protester dépassent largement le cadre des retraites. « Je veux manifester par rapport à tout ! », lâche-t-elle. Sous ses lunettes rondes et son bonnet, cette femme enjouée se montre désabusée : « Il y a un ras-le-bol général ! En fin de compte, les patrons font ce qu’ils veulent avec les salariés et les intérimaires. »

Malheureusement, en tant qu’infirmière, je ne peux pas laisser mon service vacant pour aller manifester

Quelques pas plus loin, Juliette Murtas discute avec son frère. Infirmière d’une trentaine d’années, elle regrette de ne pas avoir pris part au mouvement social. « Je travaillais à chaque fois. Malheureusement, en tant qu’infirmière, je ne peux pas laisser mon service vacant pour aller manifester. »

Une réforme jugée injuste

Âgé d’une quarantaine d’années, Paul enseigne, lui, au lycée Paul Éluard à Garges-les-Gonesse. Il estime que « cette réforme est injuste, en particulier pour les carrières longues et pénibles. » Johan Murtas, lui aussi enseignant, a déjà participé à des journées de mobilisation. Il abonde dans le sens de son collègue : « On a un système de retraites qui est à l’équilibre pour l’instant et je pense qu’il y a d’autres financements possibles. »

Comme son frère, Juliette partage ce constat et ajoute : « Dans mon corps de métier, on a déjà des conditions de travail déplorables. Donc à 64 ans, je ne sais pas dans quel état je serai. »

Ce que je trouve incompréhensible, c’est la surdité du gouvernement

Quant à Paul, il s’interroge sur la stratégie de l’exécutif. « Ce que je trouve incompréhensible, c’est la surdité du gouvernement face aux revendications des manifestants. Il prétend pourtant être à l’écoute, mais ce n’est pas du tout le cas », déplore l’enseignant.

L’attitude du président Emmanuel Macron en atteste. Il a ainsi refusé de recevoir les syndicats qui avaient sollicité une rencontre. Les représentants syndicaux dénoncent le mépris du Président et un déni de démocratie qui pourrait radicaliser la contestation dans la rue. Si le projet de loi sur les retraites est voté, les personnes interrogées espèrent pouvoir se faire entendre en dépit de leurs impératifs professionnels.

Hervé Hinopay

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