Une première en France et une bouffée d’oxygène pour des milliers de familles. A Bobigny, la municipalité UDI a surpris son monde en annonçant l’exonération des loyers d’avril pour tous les locataires de l’office HLM municipal. « Quand j’ai appris la nouvelle, j’ai sauté de joie, je n’y croyais pas, sourit Karima, 37 ans. Au départ, j’étais un peu sceptique en me disant qu’il y avait peut-être des conditions, pour les chômeurs par exemple, mais apparemment ça concerne vraiment toutes les personnes logées en HLM. Je suis vraiment heureuse. »

Cette locataire de la cité Carnot a emménagé il y a peu dans son F2. Et elle doit gérer en parallèle le loyer à payer et un prêt à rembourser. Le tout avec un CDD d’assistante de direction qui prend fin le 31 mai… Date à partir de laquelle ses revenus vont être « divisés par deux », assure-t-elle. « Mon loyer est de 450€ auxquels s’ajoutent 200€ de charges supplémentaires, le tout sans APL. Ce qui fait un loyer entre 600 et 650€ selon les mois pour un F2, détaille Karima. Ça représente un peu plus du tiers de mon salaire. »

Pour elle, cette économie n’est donc pas de refus : « Je vais en faire bon usage. Le mois à venir, j’allais être un peu dans le rouge sans forcément faire des dépenses superflues mais en payant juste mes factures. C’est un soulagement. J’aurai payé en plusieurs fois et je me serai probablement endettée, j’aurais peut-être rajouté un crédit supplémentaire… Aujourd’hui, je paie mes factures, mes crédits, je fais mes courses et voilà je ne me fais aucun plaisir. C’est uniquement des dépenses nécessaires. »

Je ne vois plus le bout du tunnel

Comme Karima, Salma vit seule dans un F2 de la cité Carnot. Depuis qu’elle a quitté son emploi d’assistante administrative en décembre dernier, la femme de 43 ans galère entre missions d’intérim et brefs CDD. Depuis le confinement, c’est pire : elle ne peut plus travailler. « Tous les mois je me retrouve à découvert, explique-t-elle. J’ai du mal à m’en sortir, je ne vois plus le bout du tunnel. Je touche 1100€, je dois payer un loyer de 570€ et toutes mes autres factures et dépenses alimentaires… C’est ingérable pour moi. Alors oui, s’ils exonèrent un loyer, ça me permettra de me mettre à jour au niveau du découvert et de faire mes courses sans être dans le rouge. »

Si Karima et Salma sont seules, beaucoup des milliers de locataires de l’OPH de Bobigny vivent en famille dans les appartements de la ville. La famille Doukansé vit à onze dans un F5, au milieu du quartier Paul Vaillant-Couturier. Il y a là les parents, cinq enfants, la femme de l’un d’entre eux, un petit-fils et les grands-parents. Mme Doukansé a dû arrêter de travailler dès la fermeture des écoles pour s’occuper de ses deux enfants mineurs de 4 et 14 ans.

Leur loyer s’élève à 956€ sans APL car les deux parents travaillent. « Je suis femme de ménage et mon mari travaille dans le nettoyage, il est ouvrier qualifié, détaille-t-elle. Je suis au chômage partiel actuellement donc mon salaire est diminué. Mon mari continue de travailler car il s’occupe entre autres de vider les poubelles. Ce n’est pas facile car on n’a pas d’aide. Et là c’est un cadeau du père Noël qui nous tombe dessus. J’ai vu ça à la télé, et ma famille m’a appelé pour me prévenir, mais je n’y croyais pas trop. Si ça arrive, c’est un gros poids qu’on nous enlève. Ça va nous aider pour le Ramadan et pour nos prochaines vacances. On n’avait pas prévu d’envoyer nos enfants en vacances mais grâce à ce répit, on va peut-être pouvoir leur en faire profiter. »

Avec le confinement, des dépenses en hausse

C’est une surprise aussi pour cette mère de famille, Nora, 58 ans, qui vit dans le même quartier avec son mari et sa fille. Sans emploi et sans revenus, Nora vit avec la retraite de son mari. Leur F4 leur coûte 650€ par mois, sans APL. Comme ses voisines, elle aussi est restée incrédule quand elle a lu le communiqué de la mairie : « Au début, je croyais que c’était juste pour les personnes qui touchent le RSA. Mais ça va nous faire du bien. Depuis qu’il y a le confinement, mes dépenses ont augmenté car on ne va que dans les commerces de proximité. »

Et la mère de famille de résumer l’esprit général : « Ça va aller beaucoup mieux, ça va nous soulager… » Si certains s’écharpent sur le caractère électoraliste de la mesure de la municipalité, en ballotage défavorable en vue du 2e tour – hypothétique – des élections municipales, les habitants, eux, sont sur des préoccupations plus terre-à-terre. Un mois de loyer en moins, ça fait du bien, tout simplement.

Chahira BAKHTAOUI

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