Cette nuit, un lourd brouillard. Ce matin, un feu éteint. Des tee-shirts calcinés. Des journaux fondus dans le feu. Sur le trottoir du boulevard Davout, à Paris, un amas de papiers et tissus gisent. Cette nuit, un cocktail Molotov a fait péter Charlie. Le feu a noirci les locaux, le plastique a fondu. Depuis, tout s’est calmé. Le feu a disparu. Et les fenêtres ont cessé d’exploser.

Les journalistes, alertés à l’aube, arrivent peu à peu. Charb, le boss de la publication, pose devant le bâtiment avec le Charlie du jour, rebaptisé « Charia Hebdo ». Sur fond vert verdoyant, Mahomet prend les traits de la caricature et dit : « 100 coups de fouet si vous n’êtes pas morts de rire ».

Les passants s’amassent. « C’est une provocation de leur part » s’exclame l’un, en pointant la rédaction fractionnée. Un autre ne comprend pas : « Je suis musulman et je ne comprends ni la caricature, ni la réaction des gens qui ont fait ça ».

C’est le brouillard. Les policiers veillent sur le périmètre déchiqueté. Charb reprend : « Ceux qui pensent que c’est de la provocation sont des abrutis. Les auteurs de cet incendie n’ont rien à voir avec l’islam, n’ont rien compris à l’islam ».

Patrick Pelloux, chroniqueur du journal, sort des décombres  avec des  exemplaires de Charia Hebdo. Il en distribue aux journalistes et passants qui stagnent. « C’est un triste spectacle ». Mais la plupart des gens du quartier ne savaient pas ce qui se cachait au premier étage de ce bâtiment. « On ne savait pas qu’ils étaient là » clame une voisine. Et un voisin de la voisine de dire : « Ils sont la depuis un mois et demi un peu près. Et je savais que y’avait un certain risque ».

Soudain, l’endroit devient vite une place huppée. Dominique Soppo, président de SOS racisme, s’aventure dans l’arène. Suivi, de très près, par Sihem Habchi. La reine des Ni putes, ni soumises, s’est levée pour « soutenir Charlie ». Avant d’avertir : « Je ne parlerai pas des rumeurs et lettres anonymes qui me concernent ».

Des lecteurs viennent brandir « Charia Hebdo » pour prouver leur soutien. Les rédacteurs du journal soutiennent les soutiens. Pendant ce temps, Twitter flambe. Nicolas Demorand tweete : « Les équipes de Charlie hebdo sont les bienvenues à Libé le temps qu’elles retrouvent des locaux et des ordinateurs ». Delanoë déclare dans son coin qu’il va aider Charlie à se reloger.

Un couple qui a sauté de son lit s’avance devant le bâtiment : « La religion, c’est sacré. Il ne faut pas se moquer ». « Il faut laisser faire la justice. Mais nous, en tant que tunisiens, on vous soutient », admet un homme.

Les experts s’infiltrent au rez-de-chaussée. Ils analysent les lieux. Et les caméras, devant, campent. Les journalistes filment ceux qui s’indignent pour se montrer. Il est 11:02. Et c’est un drôle de spectacle.

Mehdi Meklat et Badroudine Said Abdallah

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