On est tous passé par l’âge de rébellion, revendiquant sa frustration soit avec des jeans troués, des coupes négligées, des casquettes à l’envers. Mon moment d’évasion à moi c’était les prises de conscience en 16 mesures, les mots défilaient à une vitesse sur le papier, du sprint dans mon starting-block note. J’étais dans ma bulle, mon univers le rap. C’était tout pour moi mais la réalité m’a emboité le pas, accompagné d’une désillusion grandissante.

Je l’avais depuis toujours, sous les yeux, obstrué par des œillères m’appelant par des signes subtils. J’écrivais sans conviction dans mon coin des choses qui me paraissaient inutiles.

Je me suis mis à l’évidence que j’aimais juste écrire, je le faisais machinalement, écrire des historiettes, écrire des textes de rap. J’étais plongé dans cet art intimiste remplissant des feuilles, des documents à tour de bras. Des poèmes, des contes, des pamphlets tout y passait. Jusqu’au jour où je passe la porte d’une plateforme littéraire. C’était la première fois que je confrontais ma plume aux regards extérieurs.

Un jour en effet, je me suis lancé le pari fou d’écrire un livre. L’édition est un combat de longue haleine, un peu comme dans la bataille du Milieu je suis Frodon Sacquet, mon manuscrit est mon précieux. Ça aurait pu être le titre du prochain James Bond « Ecrire ne suffit pas » car il faut apprendre les codes, la mise en forme propre à chaque éditeur. Il faut maintenant imprimer environ une centaine de pages, les relier, protéger le manuscrit, puis l’envoyer aux éditeurs. L’élaboration vaut en moyenne une bonne quinzaine d’euros. Il faut écumer les catalogues des maisons d’édition pour voir si votre manuscrit correspond à leurs lignes éditoriales.

Mais il reste une chose, la profession de foi, la lettre d’accompagnement du manuscrit avec la question en ligne de mire : « Pourquoi vous et pas un autre ? ». Ma main tremble et les gouttes de sueur perlent sur mon visage, cette lettre peut en un coup d’œil orienter votre manuscrit ou dans la pile ou dans la poubelle. Il faut faire preuve d’ingéniosité.

Mille milliards de mille sabords, bachibouzouk, mais comment innover avec mes milliards de prédécesseurs ? J’ai bien quelque chose qui fera l’affaire : « efficace et pas cher c’est mon manuscrit que tu préfères ». On laisse partir amèrement son gosse par la poste et on laisse le temps passer. La tête dans la lune surtout en plein doute, on attend. Et oui 3 mois c’est long. La fameuse lettre arrive, je me demande si c’est un bouquet de fleurs ou un littéral coup de poignard. C’était ni l’un ni l’autre, c’était une lettre type, un véritable coup de tazer.

Est-ce qu’ils l’ont vraiment lu ? J’ai eu une seconde lettre de refus ce n’était plus un coup de poignard, ni un coup de tazer mais carrément une hallebarde. Je cite : « Votre écriture ne semble n’être faite que de clichés ». Après des mois, des années de dur labeur cette lettre m’avait brisé.

J’étais K.O debout. J’étais devenu infirme. La passion est plus forte que tout, après avoir pris le recul nécessaire j’ai retravaillé mon manuscrit lui donnant une seconde jeunesse. Se remettre en question est parfois dur mais nécessaire. L’aventure continue, à l’heure où je vous écris, j’attends les réponses des éditeurs concernant mon manuscrit dont la prose ne fait que grandir à chaque mauvais coup.

Lansala Delcielo

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