MUNICIPALES 2014. Six semaines avant le premier tour des élections municipales, à Marseille, les candidats occupent le terrain. Ils tractent, ils boitent, ils investissent les médias. Reportage.

« Marseille en avant » et « La force du changement ». Il fallait oser, ce sont les slogans de campagne de Jean-Claude Gaudin, maire UMP de Marseille depuis près de 19 ans. Une habitude du job, qui ne l’empêche pas de mener campagne. Samedi matin, il se promène dans le quartier Saint-Louis alors qu’au même moment des parents d’élèves protestent devant la mairie centrale. Ils manifestent leur mécontentement contre Sodexo, l’entreprise chargée de la restauration des cantines qui a été mêlée à plusieurs problèmes sanitaires.

Un événement dont profitent les candidats aux municipales pour se montrer auprès des Marseillais. Etaient présents notamment : Marie-Arlette Carlotti (ministre déléguée aux personnes handicapées et candidate à la mairie du 4e-5e arr.), Annie Lévy-Mozziconacci (candidate PS à la mairie du 6e-8e arr.), Jean-Marc Coppola (vice-président du conseil régional et candidat Front de gauche à la mairie du 15-16e arr.)… 

IMG_0723IMG_0723Chacun tente de tirer un peu la couverture à lui. Alors que les organisateurs rappellent le caractère apolitique du rassemblement, ils reconnaissent l’aspect stratégique de l’organisation de cet événement en plein milieu de la campagne. « On a besoin de soutien, rappelle Séverine une des organisatrices. Il y a trois mois ça n’aurait intéressé personne. Nous voulons seulement changer les choses avec la mairie d’aujourd’hui et de demain. » Le candidat Front de gauche, Jean-Marc Coppola est sûr de lui, « Ce sont les citoyens qui jugeront si c’est de l’opportunisme ou un combat de tous les jours. »

La gauche en ordre de bataille

La campagne des municipales est donc belle et bien lancée à Marseille. Les candidats écument les rues, multiplient les réunions publiques, les tractages… Du côté du PS, Patrick Mennucci qui a réussi à rallier les Verts notamment Karim Zéribi, désigné par la primaire EELV multiplie les réunions de quartiers. L’actuel maire des 1er et 7e arrondissements de Marseille, semble être le seul candidat capable de détrôner Jean-Claude Gaudin malgré son capital sympathie limité.

IMG_0468Il multiplie donc les rendez-vous avec les Marseillais. Jeudi dernier, à la salle des lices, une soixantaine d’habitants du quartier sont venus écouter ses propositions : création d’un funiculaire à Notre-Dame-de-La-Garde, construction d’une piscine olympique aux Catalans, poursuite de la réhabilitation du Vieux Port avec création d’un glacis recouvrant les axes autoroutiers jusqu’au port…

« J’aurais plus de facilités à réaliser ces projets si je suis élu maire », avoue le candidat sur le ton de la plaisanterie. Les habitants du quartier sont très attentifs, certains prennent même des notes. Patrick Mennucci, bonhomme, se veut proche de ses administrés, tutoie la plupart. « Je ne vais pas te mentir, répond-il à une question. Que je le fasse ou non, je sais que tu vas voter pour moi de toute façon. » Ses projets ambitieux ne semblent pas totalement emballer les riverains. Silencieux, ils se regardent, échangent quelques mots entre eux. Les questions à l’élu sont très pragmatiques : accessibilité du métro aux personnes handicapées, aménagement de parkings, le projet de construction du nouveau collège n’est-il pas trop petit…

Le marché de Noailles dans le 1er arrondissement est un lieu stratégique de la campagne. Très populaire, les candidats se pressent à la rencontre des habitants. Pendant que Pape Diouf y serre des mains et va à la rencontre des commerçants, des militants distribuent le programme de Patrick Mennucci – où il reste quelques coquilles- sous tension. Les militants verts et PS ne semblent pas d’accord sur la manière de tracter. Certains veulent garder les tracts en attendant les militants UMP, d’autres veulent en distribuer un maximum, un point c’est tout. Un membre du staff de campagne vient calmer les choses.

Le FN en embuscade

« Pour aller plus loin en politique, il faut aller plus près ». Un adage de Stéphane Ravier, le candidat FN à la mairie de Marseille. Ce mardi matin, le soleil brille sur le quartier de Château-Gombert à Marseille, mais le mistral glace les militants frontistes qui distribuent des tracts devant l’école primaire du quartier. Le programme officiel n’est pas encore sorti, « parce qu’on ne combat pas avec les mêmes armes », justifie Stéphane Ravier.

Aujourd’hui, c’est un tract -tiré à 40 000 exemplaires- avec les seules propositions sur la sécurité, une marotte du parti, que distribuent les militants. « Quand nous aurons le programme, nous ferons du porte-à-porte », développe Stéphane Ravier. Employé chez Orange, il a pris trois mois de disponibilité pour pouvoir se plonger entièrement dans la campagne. « Nous sommes plutôt bien accueillis. On commence à faire partie du paysage », plaisante-t-il. La matinée de tractage se fait dans la bonne humeur.

Le candidat aborde une maman. L’échange est cordial mais le ton est ferme. « Je ne vais pas voter pour quelqu’un qui est contre nous –entendez contre les personnes issues de l’immigration, explique Sandra. Vous êtes française, interroge le candidat à la mairie. Oui ? Il n’y a que ça qui m’intéresse. » Malgré les tentatives de dialogue avec son interlocutrice, elle ne semble pas prête à l’écouter. « C’est un problème de pédagogie et de communication, affirme-t-il. Quand on arrive à franchir la barrière de l’image qu’on nous donne ça va mieux », justifie-t’il. On pourrait entendre Marine Le Pen.

Globalement, les militants sont plutôt bien accueillis, certains parents viennent soutenir le candidat et lui assurer leur vote. Parmi les tracteurs, Yvan, venu d’Ex-Yougoslavie a reconstruit sa vie en France. Pour lui, il n’y a aucune contradiction à être d’origine étrangère et à militer pour le Front National. « Vous voulez que vos enfants aient une bonne école, qu’il y ait du travail, pouvoir vivre en sécurité et bien le FN aussi. La seule chose qui change c’est la façon d’y arriver », décrit-il.

Parmi les grandes lignes : l’immigration choisie, la préférence nationale, une meilleure application de la justice, le développement des transports en commun… Un dernier point qui fait largement défaut dans ce quartier que le métro ne dessert pas. Le front national est actuellement crédité d’un peu plus de 20% des intentions de vote à Marseille. « C’est un plancher, assure Stéphane Ravier. Je pense qu’on va faire plus. » Aujourd’hui, le parti n’a qu’un seul conseiller à la mairie de Marseille. Stéphane Ravier rêve de plusieurs conseillers municipaux mais surtout il veut gagner la mairie du 13 et 14e arrondissements.

Si le candidat frontiste soigne ses mots et sa communication, ce n’est pas le cas de ses militants. Au quartier général du FN, le téléphone n’arrête pas de sonner. « J’adhère au FN notamment pour les questions d’immigration, justifie André un militant de longue date. L’immigration musulmane me gêne parce qu’ils n’ont pas la même culture que nous et ils ne veulent pas se faire à la nôtre. » Et de rajouter « Beaucoup ont peur du FN, mais c’est du monde musulman dont il faut s’inquiéter ». L’arrivée de Pape Diouf dans la course pourrait bien morceler les voix de la gauche et peut-être favoriser le FN dans différentes mairies de secteurs.

Charlotte Cosset

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