À quelques rangs de l’estrade, Pierre Garelli, président de la coordination des sans-papiers du 93, se tient prêt pour le meeting de la Nupes. Il fulmine :  « On n’est pas que des bêtes à travailler, on a le droit de vivre aussi. Et à 60 ans, tu peux encore faire des choses extraordinaires ! ». L’énergie de ce septuagénaire ne donne pas vraiment le ton de la soirée dans une salle où la moitié des sièges verts pétants restent inoccupés.

Prévu depuis un mois, à l’initiative de Raquel Garrido, le meeting rassemble des figures LFI critiques du manque de démocratie interne : Clémentine Autain, Alexis Corbière, Éric Coquerel et François Ruffin. Toutes et tous ont été écartés des instances décisionnelles du mouvement et ont critiqué plus ou moins bruyamment la ligne du chef. À leurs côtés sont présents des membres de la Nupes, comme les socialistes Stéphane Troussel et Boris Vallaud. Ou le communiste, Fabien Gay.

Ce jeudi est un jour de manifestations contre la réforme des retraites, mais aussi un jour d’affrontement à l’Assemblée nationale où les députés achèvent d’examiner le texte dans un climat électrique. Dans les cortèges, le nombre de manifestants est en baisse : 1,3 million de manifestant.e.s présents ce jeudi contre les 2 millions de personnes le 19 janvier.

« Je ne vais pas attendre de mourir pour toucher ma retraite »

À la Bourse du Travail de Seine-Saint-Denis, le rejet de la réforme est sur toutes les lèvres. « Je pense à demain. Je n’ai pas mes papiers, j’essaye de les obtenir. Je ne vais pas attendre de mourir pour toucher ma retraite », peste Idir. Ce trentenaire engagé dans le milieu associatif à Aubervilliers n’a qu’une envie : s’informer pour mieux lutter. Le ton ferme, une Villepintoise explique, elle aussi, être venue « pour comprendre et pouvoir informer autour de moi. »

En face, sur l’estrade, les intervenant.e.s, déput.é.e.s, sénateurs, maire et président de département, défilent tour à tour derrière un pupitre. Stéphane Troussel, socialiste et président du conseil départemental de Seine-Saint-Denis, ouvre le bal : « Finalement, c’est plus seulement une affaire d’annuité(s). C’est une question de dignité, la dignité d’être entendu. » Sous les applaudissements, un unique drapeau LFI flotte dans la salle.

Les principaux enjeux de la réforme sont passés au crible. Le risque d’accroissement de la précarité des futur.e.s retraité.e.s est évoqué par l’eurodéputée insoumise, Leïla Chaibi. « Même si on demande aux seniors de travailler plus longtemps, ce sont les corps qui ne peuvent plus travailler. Ou alors c’est le marché du travail qui ne les veut plus. » 

« Les femmes vont payer le prix fort de ce projet »

La députée insoumise, Clémentine Autain, rappelle les femmes seront plus durement affectées par cette réforme. « Les femmes vont payer le prix fort de ce projet parce qu’elles ont des carrières hachées et car il y a des inégalités de salaire. ». Des gens applaudissent, d’autres quittent la salle à mesure que le meeting s’étire.

Raquel Garrido de son côté, pointe l’enjeu démocratique du combat contre cette réforme. Malgré les sondages d’opinion désastreux et les mobilisations d’ampleur, le gouvernement ne compte pas (pour l’instant) abandonner sa réforme. «  Il y a une pression populaire qui est une pression démocratique », appuie Raquel Garrido.

Les murs jaunes et bleus sont tapissés de posters Nupes issus de la campagne des législatives 2022, un souvenir de cette alliance victorieuse. Les interventions se suivent, mêlées de traits d’humour. Unis contre la réforme du gouvernement, des voix reprennent un fameux slogan de manif’ des gilets jaunes : « On est là, même si Macron ne le veut pas, nous, on est là ! »

L’horizon de la grève générale

« Il faut arrêter le pays pour arrêter Macron », enjoint François Ruffin, député de la Somme, à la tribune. Si la bataille des retraites patine au Parlement, la mobilisation espère un nouvel élan avec une grève générale. Les principaux syndicats du pays (CGT, CFDT) ainsi que par la plupart des partis de gauche appellent à une grève totale et illimitée le 7 mars. « Le mouvement va se durcir en mars, on va bloquer le pays », veut croire Sophie, sympathisante LFI.

Ici, beaucoup de militant.e.s des locales de Seine-Saint-Denis sont présent.e.s, quelques sympathisant.e.s aussi, souvent âgés ou la quarantaine passée. Interrogés tous les trois à la fin du meeting sur l’absence de jeunes de Seine-Saint-Denis, Alexis Corbière, Raquel Garrido et Clémentine Autain bottent en touche. La Nupes se réunit ce soir-là en Seine-Saint-Denis, sans pour autant parvenir à attirer tous ses habitant.e.s.

Malgré cette unité, le meeting de Bobigny reste dans l’ombre de celui de Jean-Luc Mélenchon organisé à Montpellier, le même jour, à la même heure. Le chef de file des Insoumis a fait le plein quand, à Bobigny, seule la moitié 800 places de la salle sont occupées. Une bataille des images gagnante pour Jean-Luc Mélenchon face à son opposition interne.

Malika Cheklal

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