Gilbert Roger, ancien maire de Bondy et actuel sénateur de la Seine-Saint-Denis, dépose au nom du groupe socialiste une proposition de résolution sur la reconnaissance de l’Etat de Palestine. Interview.

Pourquoi proposez-vous cette résolution maintenant?

Parce que nous constatons qu’au fur et à mesure des tentatives de résolution à la table des négociations, il n’y a que des échecs patents. Des échecs qui se traduisent toujours par la montée de la violence et l’élargissement de la colonisation israélienne sur les territoires occupés. Nous ne voulons ni de la violence, ni de la colonisation. Nous pensons que la reconnaissance d’un Etat de Palestine amènerait ces deux états à une négociation mutuelle.

Mais cela n’explique pas pourquoi vous proposez cette proposition aujourd’hui. Est-ce que vous emboîtez le pas au parlement Britannique et à la Suède ?

Nous étions déjà dans cette discussion depuis longtemps et puis il y a eu des pas de la France, nous avons voté en faveur de la Palestine pour qu’elle devienne membre de l’Unesco et nous avons également voté oui à un statut d’observateur non membre à l’ONU. Donc tout cela est cohérent avec la position française depuis toujours. Les initiatives de la Suède et du Royaume-Uni sont bonnes mais elles ne sont pas l’élément déclencheur. Moi, je préside le groupe d’amitié des sénateurs France-Palestine. Je suis sensible à ces questions depuis des années. Je coopère avec les territoires palestiniens depuis des années, même quand j’étais maire. En rentrant au Sénat j’ai tout de suite souhaité aller aux affaires étrangères, je pense qu’ il faut que la France prenne ses responsabilités. Il est temps que l’on prenne des décisions fortes, en accord avec notre héritage des lumières et des révolutionnaires, nous devons toujours être à la pointe de l’évolution sur ces questions-là.

Qu’attendez-vous de l’Etat ? Pensez-vous que les positions du gouvernement manquent de clarté sur ce conflit ? Je parle notamment de la position de la France au début de l’opération bordure protectrice, les positions sont ambivalentes depuis …

Je ne pense pas que l’Etat manque à ce jour pas de clarté, c’est un dossier complexe sur lequel nous avons entendu les expressions assez claires du ministre des Affaires Etrangères Laurent Fabius. Nos projets de résolution nous les avons fait et déposé en accord plein et entier avec lui. La France est d’ailleurs sur le point d’organiser une grande conférence internationale pour amorcer un processus de paix puisqu’il semble que les Etats-Unis ont échoué.  En ce qui concerne la prise de position du gouvernement au début du conflit à Gaza, elle a été rectifiée et tant mieux. Ni le gouvernement ni aucun des parlementaires ou citoyens ne tolèrent l’extrémisme ou les attentats, nous avons cette position là, une fois qu’on a dit ça il faut aller sur le chemin du processus de paix dans le respect du droit international.

Que pensez-vous de la visite, il y a quelques jours, de Naftali Bennett (ministre israélien de l’Economie), qui s’était notamment vanté d’«avoir tué beaucoup d’arabes » et qu’il n’y avait «aucun problème avec ça » , il a été reçu par le ministre de l’intérieur Bernard Cazeneuve alors même que l’UEJF (Union des étudiants juifs de France) a refusé de le recevoir ?

Pour être tout à fait honnête avec vous je n’étais pas au courant de cette visite. Je vous dirais que de pays à pays c’est normal qu’il y ait des relations, c’est très compliqué que de ne pas le faire. J’espère qu’on n’aura jamais ce cas de figure en France où des ministres de Marine le Pen seraient reçu à l’étranger, c’est pour cela qu’il faut lutter contre l’extrême droite. Mais, je pense qu’il  n’a pas dû être reçu avec tous les honneurs et un tapis rouge déroulé puisque je vous le dis, je n’étais même pas au courant de cette visite…

Vous pointez du doigt les difficultés de la reprise des négociations, selon vous jusqu’où doit aller la France, notamment pour condamner la reprise illégale de la colonisation en Cisjordanie ?

Je suis toujours pour la notion du dialogue mais s’il n’est pas efficace, il peut amener à aller plus loin et pourquoi pas sanctionner. Après je ne suis pas ministre des Affaires Etrangères,  donc c’est à lui de répondre sur ces questions-là.

N’avez-vous pas peur qu’Israël prenne cette position de la France comme un affront et que la situation sur place s’empire ?

Je ne vois pas en quoi la situation pourrait être pire. Nous avons déjà atteint un niveau tellement grave, je suis de nature optimiste et je pense qu’au contraire cela amènera tout le monde à des positions raisonnables

Quelle est la prochaine étape ?

Cette proposition de résolution passera devant l’Assemblée Nationale le 28 novembre et au Sénat le 11 décembre, ensuite nous verrons.

Vous verrez, c’est à dire ? Vous allez exiger que cette résolution soit appliquée ?

Dans la constitution nous n’avons pas le droit d’«exiger» quoi que ce soit de l’Etat, nous avons « invité » l’Etat à prendre en considération notre proposition de résolution. Ensuite, c’est de la responsabilité de l’Etat, le ministre des Affaires Etrangères va venir s’exprimer sur ces questions-là, nous allons entendre les positions claires du gouvernement.

Avez-vous reçu des pressions suite à la rédaction de cette résolution ?

Les pressions vous savez je suis Bondynois donc tout va bien… Au contraire j’ai senti des collègues complètement ouverts à cette décision forte qu’on attend depuis François Mitterand, il est temps que ça arrive!

Propos recueillis par Widad Ketfi

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