Lorsque les banlieues françaises ont commencé à protester en 2005, j’étais au lycée dans une petite ville de l’Indre (36), le seul à 60 km à la ronde. A cette époque, j’ai donc vu d’un peu loin les émeutes dans ces quartiers populaires, ce que l’on appelle facilement les « banlieues ». Si je ne me reconnaissais pas dans ces territoires, je me suis tout de suite sentie proche des difficultés rencontrées par les jeunes des quartiers. En effet, du fin fond du Berry je rencontrais des problématiques similaires.
L’éducation d’abord. Vivant dans un territoire rural à l’habitat dispersé et éloigné d’une « vraie » ville, je suis allée au lycée de ma commune qui proposait alors les trois sections généralistes (avec un choix d’options plus que restreint) et quelques filières professionnelles. Un certain nombre de postes de professeurs n’étaient pas pourvus car peu d’entre eux souhaitent s’enterrer dans ce coin. Certaines matières étaient plus qu’en péril comme le latin (ne parlons pas du grec qui n’était pas proposé) ou l’allemand. Quant aux choix côté pro : la mécanique automobile ou agricole, électrotechnique (qui a depuis disparu) et secrétariat-comptabilité, entre autres, étaient loin de mes envies professionnelles.
Les transports. Si la banlieue se plaignait (à juste titre) du prix des transports en commun, je voyais les lignes de train disparaître ainsi que les gares de proximité. Quelques bus, permettaient de rejoindre les villes à une heure de route pour ensuite pouvoir prendre le train. Le sentiment d’isolement, croyez moi au milieu des champs, on connaît ! L’accès à la culture enfin. Je crois que je ne préfère pas en parler tant il n’y a rien à en dire. Un cinéma de deux salles, un musée des arts et traditions et un écomusée. Et une association de jeunes qui faisait ce qu’elle pouvait avec ses maigres moyens…
Quand les banlieues ont commencé à se soulever, la campagne a regardé d’un œil étonné, interrogateur, parfois très critique ce mouvement populaire. Ma campagne reniait la banlieue, nous banlieue de la banlieue… Pourquoi le monde rural ne se réveillait pas lui aussi ? Sur la fin de l’adolescence et avec un esprit de révolte encore bien affirmé, j’espérais que les jeunes ruraux eux aussi élèveraient la voix…
Charlotte Cosset
Nous banlieue de la banlieue
Articles liés
-
Départ de Français musulmans : « C’est un choix contraint par le contexte politique et l’atmosphère médiatique »
Pour la sortie de son enquête sociologique “La France, tu l’aimes, mais tu la quittes”, (co-écrite avec Olivier Esteves et Alice Picard, aux éditions du Seuil), le chercheur en sciences politiques Julien Talpin détaille les raisons du départ de milliers de Français musulmans vers l’étranger. Interview.
-
L’engagement écologique, une affaire de jeunes
L’association Makesense s’est penchée sur la manière dont les jeunes français âgés de 18 à 30 ans s’engagent pour l’environnement. Milieu social, inégalités territoriales et sociales, actions individuelles plutôt que collectives… Ces différents facteurs montrent que les jeunes n'ont pas les mêmes cartes en mains en ce qui concerne leur engagement écologique.
-
Seine-Saint-Denis : « L’école est perçue, et à juste titre, comme étant peu hospitalière aux élèves de milieux populaires »
La mobilisation en faveur d’un plan d’urgence pour l’éducation en Seine-Saint-Denis dure depuis presque deux mois. Pour Jean-Yves Rochex, spécialiste de l’éducation prioritaire, la situation résulte d’une dégradation continue et d’une absence de prise en compte de la spécificité du territoire dans les politiques publiques.