A la City University, les salles de prière ouvertes à une association d’étudiants musulmans a été interdite d’accès par l’administration pour prêches du vendredi « trop virulents ». Reportage.

Rien n’aurait pu les empêcher de prier. Ni le vent glacial, ni la légère pluie qui s’abat sur la capitale britannique. Les étudiants de la City University s’arrêtent pour regarder avec étonnement leurs camarades musulmans installer leurs tapis sur la place devant le bâtiment principal et entamer leur prière. Dans le culte musulman, la prière du vendredi est un élément très important de la pratique religieuse.

En France, les étudiants musulmans sont priés d’aller exercer leur foi à la mosquée, mais la conception britannique de la laïcité est tout autre. Au Royaume-Uni, laïcité n’est pas synonyme d’exclusion totale de la religion de la sphère publique. Les différents cultes y ont au contraire une place égale, étant tous acceptés par l’administration.

Les organisations étudiantes confessionnelles organisent souvent des événements prosélytes en tout genre, de l’invitation de personnalités au simple goûter-discussion autour des principes du bouddhisme par exemple. Il est fréquent que les universités offrent à leurs étudiants une salle de prière, autorisant par ailleurs le port de signes religieux.

A City University, le conflit entre les responsables de l’association du culte musulman et l’administration ne date pas d’hier. Au cœur du conflit, le caractère trop radical des sermons des prédicateurs du groupe. Ces derniers ont déjà été épinglés il y a trois ans lorsqu’un think-tank surveillant l’extrémisme a rendu publics des enregistrements de ses prêches.

Dans l’un d’eux, on peut entendre : “L’Etat islamique nous apprend à couper la main du voleur. Oui il le fait. Et il nous apprend aussi à lapider le coupable d’adultère (…) en nous disant cela, il nous apprend aussi à tuer l’apostat ». En 2009, le gala annuel de l’association a eu lieu dans deux salles de l’université, une pour les femmes, une pour les hommes. Parmi les invités, un clérique extrémiste, Anwar al-Awlaki, était annoncé en grande pompe. Ce dernier s’était exprimé par vidéo, étant interdit de séjour sur le sol britannique, notamment suite à ses nombreux appels au djihad armé.

Après ces nombreuses affaires, l’université a constamment demandé à  l’association de communiquer le contenu des prêches pour pouvoir vérifier l’absence de tout discours extrémiste. Wasif Sheikh, qui dirige le groupe, a choisi la confrontation en n’acceptant  pas les conditions de l’administration. Cette dernière a donc pris les devants et fermé l’accès des salles de l’université aux fidèles. Sur les tracts que les membres de l’association distribuent, un avertissement : “Nous reviendrons tous les vendredis”.

Plus loin, je retrouve Yasin Sooden, un étudiant d’origine mauricienne et de confession musulmane. Depuis son arrivé à Londres il est vraiment choqué par le radicalisme des jeunes musulmans, souvent originaires d’Inde, du Pakistan ou des banlieues défavorisées. Pour lui, la prière du vendredi se fera à une mosquée voisine, distante de 800 mètres, où au moins Yasin pourra, comme beaucoup d’autres croyants, “pratiquer ma religion tranquillement sans qu’on me demande de porter la barbe et de couper des mains…”

Rémi Hattinguais

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