Écrire mon histoire, c’est construire ma capacité à saisir ma propre vie, c’est aussi le faire savoir,  me « manifester », dire que je suis là. Et ma condition, c’est ce que je partage avec tous les invisibles. Je revendique le droit d’exister pour moi et pour eux, d’exister comme tous les autres. Le monde où nous vivons, dicté par les dominants, est cruel et vous ne voulez pas le voir. Vous vous cachez la tête dans le sable, et restez derrière vos écrans pour décider de mon sort et celui des autres. Je vais vous forcer à entendre nos cris de souffrance, à regarder ce monde injuste que vous avez érigé et qui ne veut pas de moi et de ceux qui me ressemblent.

Je ne sors pas d’une tour d’ivoire embourgeoisée. Je ne désire pas la gloire ni briller aux yeux des autres. Je n’essaye pas de me métamorphoser ou seulement de changer pour vous ressembler. J’ai le corps que j’ai. Je suis l’individu que je suis. Pas besoin que vous analysiez mes ressorts psycho-sociologiques. Vous avez le pouvoir, mais pas sur mon corps.

Nous, nous mourrons dans la Méditerranée devenue l’un des grands cimetières du monde. Pour vous, nous n’avons qu’à rester mourir dans notre coin.

Aucune de vos institutions ne me parle. J’ai retrouvé mon honneur car mon histoire est aussi celle des milliers d’autres personnes comme moi. Qu’est-ce que vous avez fait pour nous ? Rien, sauf piétiner nos droits. Je me bats contre vos idéologies de bourgeois protégés par les ruses de la politique. Vous introduisez un mur entre vous et nous. Vous détenez tout ce que Pierre Bourdieu appelait le capital culturel et économique. Et vous profitez de ce statut social pour nous repousser au fond du trou.

Nous sommes à l’extrême les exclus de vos politiques. Nous sommes les oubliés de votre société. Vous nous repoussez dans les quartiers populaires où les gens crèvent plus ou moins vite d’abandon, ou maintenant de la maladie. Nous, nous mourrons aussi dans la Méditerranée devenue l’un des grands cimetières du monde. Pour vous, nous n’avons qu’à rester mourir dans notre coin.

Il y a un moment où vous ne pourrez pas nous imposer ad vitam aeternam de continuer sur cette voie misérable.

Aujourd’hui, la politique ce n’est pas de la théorie, mais plutôt vos pratiques désastreuses sur nos corps. Pour vous combattre, pas besoin d’entamer des grèves de la faim. Vous ne nous aimez pas, mais nous sommes là et nous prendrons ce qui nous est dû. Nous avons payé pendant très longtemps votre inconséquence, nous avons accepté de sacrifier beaucoup de choses, et souvent de baisser la tête. Mais il y a un moment où vous ne pourrez pas nous imposer ad vitam aeternam de continuer sur cette voie misérable.

Votre politique ne m’inspire que de la colère. Ma haine est immense. Pas pour la France, mais pour ses institutions. Vos pratiques sont mortifères et me forcent à vous tenir tête. Je veux que ma voix soit et reste la voix des oppressés. Je veux que la révolte et la colère grandissent et que nous nous libérions de votre politique politicienne, celle du racisme et de l’infantilisation.

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Je ne demande rien pour moi seul. Mon but, c’est de vous faire voir ce que sont nos vies que vous piégez : nos vies accablées, encerclées de violences institutionnelles, nos vies prises dans l’humiliation et l’accumulation des mépris. Nos corps soumis à vos décisions arbitraires et vos lois, devenues paramètres pour nous définir.

Mais je vous le redis. Nous n’allons pas nous laisser faire. Je l’écrirai, je le démontrerai, je le crierai dans votre langue pour vous faire honte. Et peu m’importe les codes littéraires, les usages et les modes. Je n’ai pas d’avis à demander.

Votre langue est ma liberté. Quand j’écris, je ne suggère rien, je dis. Et ce que je dis n’est pas de la fiction. J’expose la réalité brute de nos vies, tout simplement, tout clairement. Je veux que tout le monde ait accès aux effets de vos politiques, à ses chaînes de violences qui s’abattent sur nous. Un de mes buts a tout de même été cela, permettre aux gens comme moi de comprendre où ils en sont, de prendre possession des mots qui correspondent à ce qu’ils vivent.

Vous êtes les dominants et nous sommes les dominés parmi les dominés.

Votre orgueil nous coûte cher. Vous nous avez embastillés dans vos mépris, mais nous sommes libres de chialer et de faire face dans ce combat, cette guerre contre vous et nous, une guerre dont il faut prendre acte, un état de guerre permanent, un état de guerre structurel : la guerre sociale.

Nous ne nous entendons pas parce que nous ne parlons plus la même langue. Vous avez construit la société de telle sorte qu’elle soit marquée par la segmentation des classes. Je le répète : vous êtes les dominants et nous sommes les dominés parmi les dominés.

Mais nous en ferons tant et tant jusqu’à ce que nos voix soient entendues. Et nous nous battrons pour ne plus être une minorité. Vous êtes là pour préserver vos intérêts à tous les prix y compris celui d’une aliénation d’une grande partie de l’humanité.

Votre vision de ce que vous osez appeler démocratie se fonde sur un principe d’exclusion : nous sommes pour vous un mal dans la société comme tous ceux des classes populaires. Vous avez la maîtrise de l’écriture de l’histoire, mais nous vous défions et nous gagnerons notre futur.

Kab Niang

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