« Personne ne quitte son pays pour avoir des allocations. Ça n’existe pas. Tous les gens que j’entends, ils veulent rentrer chez eux, c’est un déchirement pour eux de partir. Ils ne sont pas là pour ça. Donc on peut serrer la vis partout, ils viendront toujours. S’ils doivent quitter leur pays parce que leur vie est menacée, peu importe ce qu’on fait, ils viendront toujours. »

Témoignage anonyme pour France Inter d’un officier de l’OFPRA (Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides)

Octobre 2019.

Des parcours marqués par les troubles psychotraumatiques

« Il faut imaginer Sisyphe heureux », clamait Albert Camus. Heureux, Ali, placé dans un centre d’hébergement à Étampes (91) depuis un an en l’attente de son statut de réfugié, affirme l’être. Du moins, « il ne faut pas se plaindre ». À 21 ans, arrêté puis menacé de mort par les forces de l’ordre après avoir participé à une manifestation d’opposition au président Alpha Condé, il a fui Conakry en passant par le Mali, le Burkina Faso puis le Niger. Il a laissé derrière lui trois de ses camarades, morts de soif dans le désert. Effrayé par les récits de ses compatriotes ayant tenté le passage par la Libye, il a préféré traverser l’Algérie, le Maroc et l’Espagne pour finalement arriver en France, après un an et demi sur les routes. « Plus jamais de ma vie je ne veux revivre ça, et je ne le recommanderais à aucun ami, si c’est vraiment un ami, confie-t-il. Si je devais repartir, je ne m’en remettrais pas. »

Une fois soulagé, il peut arriver que le cerveau, « libéré » des mécanismes de protection psychique mis en place pour survivre durant le parcours d’exil, s’effondre. Le vécu traumatique revient alors frapper de plein fouet. « C’est comme si on te montrait pendant ton sommeil sur un téléphone portable le film de toutes les choses horribles que tu as traversées. Ça paraît tellement réel que tu ne sais plus si tu dors ou si tu es éveillé » raconte Ali.

Isma, arrivé à Palerme à 16 ans après quatre ans sur les routes, de la Côte d’Ivoire au Burkina Faso en passant par le Niger et la Libye où il a été entraîné au combat avant d’être finalement embauché dans un garage près de Tripoli, se souvient de son arrivée en Italie comme d’une période marquée par la crainte « que tout ne soit pas réel », cumulée à « des cauchemars horribles » et des reviviscences des scènes du passé « même en pleine journée ». 

Comme de nombreux exilés ayant emprunté les routes migratoires, Isma et Ali ont souffert de troubles psychotraumatiques (TSPT). Les symptômes, « sensiblement les mêmes depuis un siècle et demi », sont « des corps qui ne se reposent pas, des hallucinations, des reviviscences, des troubles de la mémoire et de la concentration », explique Muriel Bamberger, psychologue au Comité pour la Santé des Exilés (Comede).

L’ensemble des séquelles subies au pays ou durant le parcours d’exil ne permet plus de renouer avec le quotidien

En 2018, 44% de personnes reçues en bilan de santé ont exprimé des troubles psychiques au Comede. C’est la principale cause de morbidité identifiée très loin devant le diabète, l’infection par le VIH ou les maladies cardio-vasculaires. Parmi ces troubles psychiques, les plus courants sont les syndromes psychotraumatiques, qui touchent plus de la moitié des exilés suivis par les symptômes dépressifs, les troubles anxieux et les traumas complexes. « L’ensemble des séquelles subies au pays ou durant le parcours d’exil ne permet plus de renouer avec le quotidien, éclaire Marie-Caroline Saglio-Yatzimirsky, anthropologue et psychologue à l’hôpital Avicenne de Bobigny. La plupart des personnes que je reçois ont subi des cruautés humaines inimaginables, assisté à la mort de leurs proches, subi des tortures, elles ont été parfois violées devant leur famille. C’est le propre du psychotrauma : on se retrouve face à une impossibilité de mettre des mots sur le chaos. »

Tous les jours des centaines de personnes, directement menacées par les conflits ou des catastrophes climatiques, persécutées par leur gouvernement, gravement malades ou frappées par la crise économique fuient leur pays. Bien qu’une large majorité des migrations se fait par commodité linguistique, culturelle et logistique à l’intérieur des frontières ou dans les nations frontalières (les pays en développement accueillent 85% des réfugiés dans le monde), une minorité d’exilés opte pour l’Europe. Ces longues traversées s’apparentent à des treks à haut risque, s’étalant parfois sur plusieurs années.

Si les troubles sont pris en charge rapidement, les symptômes se stabilisent ou disparaissent la plupart du temps, « surtout si les personnes se stabilisent socialement », spécifie Pamela Der Antonian, médecin au centre Primo Levi. « Avoir un toit, un titre de transport ou une reconnaissance juridique sont des éléments hautement sécurisants qui permettent à la personne de se reconstruire. » C’est le cas d’Isma, qui vit à Palerme où le maire de la ville, Leoluca Orlando, prône et applique l’accueil inconditionnel des migrants. Ali, qui a campé trois semaines près de la gare de Lyon avant d’être logé, assure quant à lui que ses cauchemars ont disparu dès ses premiers échanges avec un psychologue.

Une offre inadaptée et sous-dimensionnée

Selon l’avis des médecins et ONG, la prise en charge de la santé mentale des exilés devrait reposer sur au moins trois piliers fondamentaux : un suivi à long terme, une approche pluridisciplinaire et le recours systématique à l’interprétariat.

Faute de place et de moyens qui permettraient de financer des formations ou recruter des interprètes, les dispositifs de droit commun concernés par la prise en charge des exilés peinent à fournir une réponse adaptée aux besoins. « Les Centres Médicaux Psychologiques et autres dispositifs de droit commun nous appellent régulièrement pour nous demander conseil, confie Louis Barda, coordinateur du programme d’accès aux soins des exilés de Médecins du Monde. Leur problème est souvent le même : soit la structure n’a pas recours à l’interprétariat, soit le personnel n’est pas formé au psychotrauma. »

Faute de mieux, de nombreux établissements composent avec les moyens du bord. « Nous avons signé une convention avec une société de traduction. Sinon, nous avons une liste du personnel volontaire parlant telle ou telle langue », témoigne un employé des Hospices Civils de Lyon, tandis que les « constats de terrains » établis par le Centre Primo Levi révèlent une mauvaise circulation des informations au sein les hôpitaux où certains médecins « ignorent parfois qu’il existe des interprètes à disposition dans l’établissement ». Une partie du budget des Permanences d’Accès aux Soins de Santé (PASS) est bien prévue pour les prestations d’interprétariat dans les hôpitaux, mais « l’estimation des besoins est mal chiffrée », donc « ça ne fonctionne pas », déplore Pamela Der Antonian. Le psychiatre de l’unique PASS Psychiatrie de l’AP-HP, située à l’extrémité d’un long couloir au deuxième étage de l’Hôpital Henri-Mondor à Créteil a une autre explication. Employé à mi-temps, il reçoit une quinzaine de patients par jour sur rendez-vous, et assure lui-même l’interpretariat en anglais, espagnol et arabe. S’il confirme disposer d’un budget, « les interprètes sont tellement débordés qu’il faudrait repousser les rendez-vous avec les patients de plusieurs jours, parfois semaines ». Comme à Lyon, des praticiens viennent bénévolement prêter main forte en cas de besoin. Sa secrétaire médicale a développé un réseau d’échanges avec les associations du département « car le PASS n’est pas connu des exilés et rien n’est simplifié pour qu’il y accèdent. »

PASS psychiatrie de Créteil – Hôpital Henri Mondor – Janvier 2020

Ces carences concernent aussi la médecine de ville. Isolée des réseaux professionnels, elle est directement touchée par la lourdeur du système administratif. Dans les départements les plus impactés par la pénurie des généralistes, les refus de soins des populations migrantes sont « nombreux », estime Antoine Math, chercheur à l’IRES et membre du Groupe d’information et de soutien des immigrés (GISTI).

Le non-accueil des exilés, une fabrique de la folie ?

En arrivant en France, il faut souvent patienter plusieurs mois pour bénéficier d’une couverture maladie. « Avant de se faire soigner, on veut déjà savoir où dormir, comment manger et où demander l’asile, explique Antoine Math. De nombreuses personnes passent plusieurs semaines à errer avant de trouver la personne qui leur communiquera ces informations. »

Une procédure administrative complexe

Si l’enregistrement auprès de la préfecture déclenche l’ouverture des droits à la Protection Universelle Maladie (PUMa) et aux conditions matérielles d’accueil, soit un hébergement et une allocation, la capacité du parc d’hébergement ne permet de loger que « la moitié » des demandeurs en tenant compte des retards d’instruction, estime la Délégation interministérielle à l’accueil et à l’intégration des réfugiés. Les autres « reçoivent une allocation revalorisée et peuvent être hébergés par le 115 ou chez des particuliers », précise le directeur général de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII), Didier Leschi, chargé de la coordination du dispositif national d’accueil.

L’action cumulée du 115 (qui reconnaît traiter seulement 10% des appels à Paris) et des associations ne permettant pas de répondre à l’ensemble des demandes, une marge non négligeable de personnes se retrouve à la rue à jongler entre les hôtels et les campements sauvages. C’est pourtant durant cette période d’extrême vulnérabilité psychique et sociale que tout se joue et que doit être envoyée la demande d’asile, en français, à l’OPFRA. Aux difficultés de mobiliser des souvenirs précis malgré les troubles de la concentration et de la mémoire (dont souffrirait au moins la moitié des exilés) s’additionne pour les non-francophones la recherche d’un traducteur.

« Il faut en un temps très court à la fois identifier les interlocuteurs, faire sa demande d’asile, sa demande de prise en charge médicale, mettre un nom sur ses symptômes, le tout parfois avec la barrière de la langue, reprend Marie-Caroline Saglio-Yatzirmirsky. De nombreuses personnes ratent les premiers coches administratifs, notamment autour de la demande de soins. »

Le choc de la désillusion

Chez les publics déjà polytraumatisés, cette crise de l’accueil, qui prend racine dans les carences systématiques en matière d’hébergement et d’accompagnement mais s’étire dans la complexité et la rigidité des procédures administratives, provoque un redoublement des violences. « Aux multiples traumatismes déjà subis s’ajoute le choc de la désillusion face aux différentes formes de violences, institutionnelles, physiques, policières, symboliques, auxquelles elles sont confrontées en France », résume Médecins du Monde et le centre Primo Levi dans leur rapport sur la santé psychique des exilés. « Le fonctionnement des dispositifs administratifs, torturants et pervers par leur complexité et leurs intentions, qui se permettent de répondre en retard dès qu’il manque un papier, c’est jeter du sel sur des plaies ouvertes, ajoute Eric Sandlarz, psychologue au centre Primo Levi. Ne pas reconnaître les gens entretient le rejet vécu et redouble le sentiment de honte. »

Bruno Morel, directeur général d’Emmaüs Solidarités, relève quant à lui une recrudescence des phénomènes de décompensation « suite aux difficultés rencontrées face à l’absence de papiers suite à un parcours migratoire traumatique » et une multiplication des « crises d’angoisse, de spasmophilie, les discours délirants et de tentatives de suicide » chez les exilés.

« Ne pas avoir de papiers, c’est toujours un problème dans la tête, dit E*, 18 ans, tout juste arrivé en France après quatre ans en Belgique et un long parcours marqué par les violences répétées depuis l’Afghanistan. Parce que tant que tu n’as pas vraiment les papiers, tu ne peux pas te projeter et tu as peur de devoir tout recommencer. » Chez les personnes à la rue, Marie-Caroline Saglio-Yatzimirsky évoque « des basculements dans des formes de retraits complets », des personnes qui « ne mettent même plus leurs chaussures, stoppent les gestes quotidiens et arrêtent de chercher de l’aide. »

Du traumatisme au non-retour

« Ces personnes se retrouvent dans un entonnoir et n’arrivent pas à passer de l’autre côté », illustre Marie-Caroline Saglio-Yatzimirsky. La situation est encore plus complexe pour les personnes en situation irrégulière, qui ne relèvent pas du droit commun. Leur profil est variable : il peut aussi bien s’agir de personnes restées en France après l’expiration d’un titre de séjour, de « déboutés » du droit d’asile ou souhaitant poursuivre leur parcours dans un autre pays. Si 30 % des Français ont déjà refusé de se soigner pour des raisons financières, chez les sans-papiers, le taux de renoncement est encore plus fréquent, puisque qu’une récente enquête indépendante expose que la moitié des potentiels bénéficiaires de l’Aide Médicale d’État (AME) qui leur est réservée n’y ont pas recours. Un chiffre qui grimpe à 75% la première année d’arrivée. « Beaucoup ne la touchent pas car ils ne savent même pas que ça existe, explique Jean-François Corty. C’est aussi très complexe administrativement, parfois les personnes n’ont simplement pas de domicile ou ont peur de se déplacer. » Un simple contrôle de police peut en effet entraîner une assignation à résidence ou le placement dans l’un des 24 centres de rétention (CRA) français, où l’accès aux soins est quasiment inexistant.

Plus de 53 000 personnes y ont été retenues en 2019. La même année dans son rapport annuel, la contrôleure générale des lieux de privation de liberté évoque un accès aux soins « très problématique » et des conditions d’accueil « déplorables ». « Les personnes ne peuvent pas, comme ça devrait être le cas, voir un médecin dès leur arrivée et durant le séjour, ça reste compliqué, détaille Adeline Hazan. Quant aux psychiatres, il n’y en a quasiment pas. » Les inspecteurs, qui soulignent que « le secret médical n’est pas renforcé », ont également observé des recours abusifs aux cellules d’isolement « parfois pour de simples disputes ».

C’est un gamin gentil, doux, mais qui n’a pas été pris en charge et est complètement isolé. D’un instant à l’autre, il peut être frappé par une crise paranoïaque, tenir des propos délirants.

Quels risques pour les exilés ? « L’enfermement lui-même peut créer des troubles psychiatriques, donc pour les personnes déjà fragiles psychologiquement, c’est un vrai problème, d’autant plus que la durée maximale d’enfermement est montée à 90 jours », ajoute Adeline Hazan. Jour après jour, grèves de la faim, insurrections, automutilations et tentatives de suicide se multiplient.

Unité mobile de Médecins du Monde – Aubervilliers – Janvier 2020

Chaque soir, l’antenne parisienne de l’association Utopia56 accueille les familles exilées sur le Boulevard Macdonald, entre le Canal Saint-Denis et la Porte d’Aubervilliers. De temps à autre, leur opération d’hébergement citoyen est interrompue par l’arrivée de jeunes exilés qui viennent se renseigner, pochette en plastique à la main, sur leur situation administrative : que dit le document qui leur a été remis ? Comment se rendre au tribunal, que faire s’ils ne sont pas reconnus mineurs ? Certains demandent une tente ou l’adresse des Restos du Cœur puis disparaissent aussitôt dans la nuit. Ce 26 novembre, K* ne demande pas de tente, ni même de quoi manger. Il passera sa nuit au commissariat. Durant l’après-midi, muni d’une barre de fer, il a brisé dans un accès de rage la devanture vitrée des locaux de l’association. « C’est un gamin gentil, doux, mais qui n’a pas été pris en charge et est complètement isolé, pardonne un bénévole. D’un instant à l’autre, il peut être frappé par une crise paranoïaque, tenir des propos délirants. »

 Un devoir humaniste

Quel risque encourt une société qui ne soigne pas ses malades ? « Celui d’être malade elle-même », fustige Marie Petruzzi.

Depuis 2015, 365 évacuations et opérations de mise à l’abri ont eu lieu à Paris et en petite couronne. Comme la récente médiatisation de l’opération menée lundi 23 novembre sur la place de la République l’a illustré, des milliers de personnes exilées errent encore, exclues du droit commun, en l’attente de papiers ou de pouvoir déposer officiellement leur demande en vertu des lois européennes. Qui sont-elles ? Où vivent-elles ?

 Si l’on accepte de tolérer que pour les sans-papiers en situation administrative précaire, la mort est moins importante, ça pose un problème éthique et moral

Aux quatre coins de l’Hexagone, dissimulés sous des ponts, près des aires d’autoroute, dans les bois, d’anciens agriculteurs, médecins, professeurs, ouvriers, artistes ou commerçants voient s’éloigner la possibilité d’exercer un jour à nouveau leur métier, de fonder une famille, d’avoir des projets. Asphyxiés par l’instrumentalisation cynique de la misère qui hiérarchise les précarités, devenons-nous indifférents à la souffrance ? « Si l’on accepte de tolérer que pour les sans-papiers en situation administrative précaire, la mort est moins importante, ça pose un problème éthique et moral, déclare Jean-François Corty. C’est une démonstration de la manière dont les politiques publiques françaises et européennes peuvent tuer en dehors d’un contexte de guerre. À moins d’être en guerre contre les migrants, mais si c’est ça, il faut le dire. Jusqu’ici, on tolère en tout cas des mortalités de personnes qui n’ont aucune raison de mourir. »

En France comme ailleurs, les troubles mentaux tuent. Chaque année, près de 9 000 personnes mettent fin à leurs jours et les troubles psychiatriques sont « surreprésentés » dans les certificats de décès. Pour autant, la psychiatrie reste le parent pauvre de la médecine, si bien qu’une délégation interministérielle à la santé mentale a été créée en 2019. Néanmoins, les troubles mentaux restent le premier motif des demandes de titres de séjour pour raisons de santé en France, et paradoxalement celui qui essuyait, jusqu’à l’an dernier, le plus de refus. Que dit l’OFII, en charge de l’instruction médicale depuis 2016 ? « Notre dispositif d’évaluation intervient de manière collégiale avec quatre médecins dont un psychiatre », dit Didier Leschi. Les troubles mentaux, pathologie la plus représentée dans les dossiers enregistrés en 2018 et 2017, sont devenus en 2019 le troisième motif de demandes. « Le process est connu comme plus rigoureux qu’à l’époque », explique le directeur, se félicitant de la « baisse du nombre de dossiers reçus » et de leur « meilleure qualité »

Au cœur de la société civile, des éléments de réponse

En l’absence d’une cohésion nationale opérante, les chaînes de solidarité se tissent au sein des villes et des régions. Près des frontières où les migrants arrivent quotidiennement, mais aussi à Paris, Calais, Nantes où les campements métamorphosent l’espace public, la société civile s’organise.

« L’avantage dans le secteur du soin, c’est que les questions politiques tombent, explique Marie-Caroline Sagno-Yatzimirski. Dans un hôpital du service public, que la personne soit exilée ou non, on la soigne. » C’est ainsi que c’est d’abord au cœur des hôpitaux que se mettent en place les dispositifs nationaux, comme le Centre National de Ressources et de Résilience pour les Victimes de Psychotrauma, dont le CHU de Lille et l’AP-HP assurent le pilotage à travers notamment la coordination de dix centres de soins régionaux. « À l’Hôpital Avicenne, de nouveaux fonds viennent d’être versés par l’État pour développer le centre de référence trauma pour les migrants. Les ARS ont demandé d’intégrer plus de langues. Les choses vont plutôt dans le bon sens », ajoute l’anthropologue. Alain Régnier, le délégué interministériel à l’accueil et l’intégration des réfugiés, souhaite porter énergiquement la question du développement de l’interprétariat. « Nous avons reçu des moyens supplémentaires, donc nous allons renforcer notre appui à des ONG engagées qui pourraient répondre aux demandes », assure-t-il, précisant développer par ailleurs « avec plusieurs CHU une formation à la santé mentale des migrants ». 

À Paris, où les décisions d’Anne Hidalgo sont scrutées de près puisque près de la moitié des réfugiés vivent en Île-de-France, les efforts, reconnus comme globalement insuffisants, sont toutefois appréciés par la majorité des acteurs du secteur. « Nous avons des échanges avec la Mairie », assure Médecins du Monde, tandis que le Centre Primo Levi se réjouit d’être sollicité pour « de nombreuses formations » auprès des employés des services sociaux. « Il faut absolument pouvoir discuter ensemble, conclut Marie-Caroline Saglio-Yatzimirsky. Ce n’est pas le moment de laisser tomber. Bien sûr il y a un jeu politique, quelquefois on a l’impression d’être entendus, d’autres fois non. Mais sur les questions de santé, souvent on l’est quand même un peu plus qu’ailleurs. »

Julie DELEANT

* Tous les prénoms des personnes exilées ont été changés

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